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Actualités - CHRONOLOGIE

Bataille serrée et atmosphère de kermesse à « la belle du Sud » À Jezzine, la voix de la raison face à des slogans enflammés (Photo)

On aurait dit une célébration grandiose digne d’une grande victoire. Dès l’entrée de Jezzine, les militants aounistes en tee-shirt orange, ceux des FL, avec leurs drapeaux et leurs haut-parleurs et ceux de la liste de la dignité (dite d’opposition) en tee-shirt bleu et tracts de toutes les couleurs, prennent d’assaut les arrivants, distribuant listes, livrets explicatifs, extraits d’articles, sur fond de chants patriotiques et de discours de Bachir Gemayel. Face à un tel déploiement, il n’y a plus de place pour les autres personnalités qui appuient la liste, les aounistes et les FL occupant tout le terrain. C’est comme si, vexés par leur pseudo-défaite dans les autres régions du Liban, les partis d’opposition ont voulu prendre leur revanche à Jezzine. Une revanche dans la rue, parce que dimanche soir, rien n’indiquait encore que les urnes suivraient le mouvement. Au contraire, à part quelques jeunes, enthousiasmés par l’ambiance surchauffée, et quelques nostalgiques d’une époque révolue, les habitants de Jezzine semblaient plutôt assourdis par les haut-parleurs qui ont commencé à diffuser dès six heures du matin leurs cassettes destinées à mobiliser les foules, et presque dépassés par la tournure prise par la bataille municipale. En principe, il s’agissait d’élire une équipe de seize membres, plus deux personnes pour Aïn Majdlay (rattachée à Jezzine), pour le développement de la localité qui n’a renoué avec l’action muncipale qu’en 2001. Mais, alors que l’actuel président de la municipalité, M. Saïd Abi Akl, appuyé par le député Samir Azar, le Dr Camille Farid Serhal, M. Maroun Kanaan et le magistrat Maroun Aziz, a voulu briguer un second mandat, en formant la liste de la modération et du développement, les parties dans l’opposition, en particulier le courant aouniste, les Forces Libanaises, mais aussi l’ancien député Edmond Rizk et l’ancien ambassadeur Simon Karam, ont voulu donner à la bataille une dimension politique, comme cela s’est passé dans la plupart des localités chrétiennes. Rapidement, l’opposition a lancé de grands slogans, dans le genre : « Il faut redonner à Jezzine sa dignité » et « II faut réapprendre aux habitants de Jezzine de relever la tête ». Autre slogan souvent brandi : « Jezzine ne sera pas le cadeau de consolation de M. Nabih Berry » et M. Simon Karam, déjà peu favorable au Hezbollah, a ouvertement accusé le président de la Chambre de s’inviter dans la bataille de Jezzine. Ce qui d’ailleurs a fait dire à un habitant de la région : « Il veut que Jezzine soit en conflit avec tous les leaders chiites, alors que les chiites forment une grande partie de notre environnement. » De même, certains partisans de la liste de la modération ne comprenaient pas le slogan brandi par l’autre liste sur la nécessité de libérer Jezzine. « On croirait Jezzine occupée. Les Israéliens sont partis. Et, lorsqu’ils étaient là, on n’entendait pas l’opposition d’aujourd’hui parler de libération. De qui faut-il donc libérer la ville ? De l’État libanais ? » Bref, les habitants de Jezzine semblaient assez étonnés de l’ampleur prise par la bataille qui, au fil des jours, s’est mise à ressembler, du moins de la part de certaines parties, à un règlement de comptes personnels. Certains, qui en ont gros sur le cœur, estimant que la localité mérite beaucoup plus d’intérêt de la part de l’État et qui ne se reconnaissent plus vraiment dans cette bourgade plutôt tranquille, mais qui, surtout, considèrent que c’est le président de la Chambre qui choisit les députés de la ville, ont accueilli avec bonheur le retour en force des partis de l’opposition, les portraits du général Aoun avec la mention « Le Liban fort » et les drapeaux des FL, ainsi que les discours mobilisateurs de M. Edmond Rizk. D’autres, au contraire, estimant que le jeu n’en valait pas la chandelle et que, de toute façon, l’équipe actuelle faisait du bon travail, étaient choqués par cet étalage de ce qu’ils appellent de l’extrémisme. D’autant que la plupart des aounistes déployés dans les rues ne sont pas originaires de la ville. D’ailleurs, une jeune fille arborant fièrement un tee-shirt à l’effigie de Fadi Moukanzah à laquelle on demandait qui est celui-ci a répondu avec un grand sourire : « Je ne sais pas. » Elle a quand même pris la peine de demander à ses camarades et il s’agissait en fait d’un candidat sur la liste de l’opposition. Un autre, portant le tee-shirt de la liste de la dignité arrête les voitures et leur remet un bulletin de vote : « Prenez ce billet gagnant », comme s’il s’agissait d’une loterie. Des incidents drôles, sans doute, mais qui donnent une image de la situation à Jezzine, en ce dimanche électoral. La bourgade semblait donc divisée et prise d’une agitation assez factice. Mais face à la présence massive des parties de l’opposition, la liste de la modération semblait bien discrète. Son principal « parrain », le député Samir Azar, auquel Jezzine doit la plupart des nouvelles lois qui favorisent son développement, a préféré garder le silence, n’aimant pas les polémiques et estimant que les habitants de Jezzine sauront où se trouve leur intérêt. Dans sa maison traditionnelle, l’une des rares dans laquelle les Israéliens ne sont jamais entrés, il s’est contenté de recevoir les amis et les sympathisants tout au long de la journée, refusant de se prononcer sur l’issue des élections. Un de ses amis a toutefois déclaré, avec confiance : « Nos partisans sont comme le Tachnag. Ils votent comme un seul homme, sans le moindre panachage. » Actuel président de la municipalité et tête de la liste de la modération, M. Saïd Abou Akl, lui, critique ouvertement les propos tenus par les figures de l’opposition. « Leur programme est risible. Ils ont repris les projets que nous avons déjà commencé à exécuter. Une telle mascarade ne peut passer sur les habitants de Jezzine. Nous autres, nous ne faisons pas de bruit, mais nous allons vers l’essentiel. Et si vraiment il y avait des pressions, auraient-ils pu faire ce qu’ils font ? »... Positions opposées, pronostics imprécis, tard en soirée, Jezzine n’avait pas encore livré sa décision finale. Mais ce qui semblait sûr, c’est que la fièvre de la bataille ne s’est pas traduite en incidents sur le terrain, chacune des deux parties respectant jusqu’au bout les règles démocratiques. La seconde constatation, mais elle reste à vérifier, c’est qu’il se pourrait bien qu’en fin de compte, les électeurs soient plus raisonnables que les politiciens, refusant de donner à ce que certains veulent transformer en référendum une dimension autre que celle de l’intérêt de leur localité. Scarlett HADDAD
On aurait dit une célébration grandiose digne d’une grande victoire. Dès l’entrée de Jezzine, les militants aounistes en tee-shirt orange, ceux des FL, avec leurs drapeaux et leurs haut-parleurs et ceux de la liste de la dignité (dite d’opposition) en tee-shirt bleu et tracts de toutes les couleurs, prennent d’assaut les arrivants, distribuant listes, livrets explicatifs,...