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Actualités - OPINION

À la source

L’examen prénuptial est depuis longtemps formalité courante. Ce que propose fort à propos, sinon avec beaucoup de sérieux, un esprit aussi brillant que sayyed Mohammed Hussein Fadlallah, c’est un examen psychiatrique à l’usage des candidats à l’élection présidentielle américaine. Excellente idée en effet au vu de l’expérience George W. Bush qui, du haut de sa superpuissance, prétend imposer à la Terre tout entière sa propre (enfin, pas très propre) vision des choses. En termes plus châtiés, c’est l’incompétence patente du président des États-Unis qui se trouve aujourd’hui dénoncée à hauts cris par la minorité démocrate du Congrès. Ce n’est certes pas un monde meilleur, en dépit de ses fanfaronnades, que Bush a mis en chantier sur les ruines laissées par ses légions. Et les événements de la semaine écoulée, en Irak comme en Palestine, traduisent bien ce vent de folie que l’on s’est entêté à faire souffler sur le Proche et le Moyen-Orient sous prétexte d’y instaurer paix, sécurité, stabilité, prospérité, respect des droits de l’homme et démocratie. Dans un hameau perdu d’Irak proche de la frontière syrienne, des hélicoptères américains en maraude lâchent leurs missiles sur une noce paysanne, faisant des dizaines de morts. Comment a-t-on pu prendre la foule d’invités pour un rassemblement de terroristes, les nâys et bouzouks pour des kalachnikovs, les tambourins pour quelques-unes de ces introuvables armes de destruction massive ? L’enquête est supposée le dire. Ce qu’elle ne dira pas toutefois, c’est que les soldats américains à qui on avait promis une promenade militaire sont devenus eux-mêmes des cibles. Que leur séjour s’éternise. Qu’ils s’aperçoivent que l’ordre nouveau qu’on les a chargés d’instaurer s’avère un colossal désordre. Qu’ils ne comprennent pas comment Ahmed Chalabi, l’enfant chéri du Pentagone qui l’a inondé de dollars, est devenu un boulet : pire, un agent des mollahs. Qu’ils comprennent encore moins par quelle ironie l’Amérique enlisée, prise à son propre piège, en est réduite à se rabattre sur les centaines de milliers d’anciens cadres baassistes, hier encore mis à l’index, dans la perspective d’un transfert de pouvoir aux Irakiens. Et qu’en définitive, tous ces renversements chaotiques rendent passablement nerveux les soldats. Ce que l’enquête ne dira surtout pas, c’est que la démence coule de source, de haut en bas : et avec elle le mépris de la vie et de la dignité humaines. Car, en se posant en champion du Bien face à l’axe du Mal, l’Administration US s’est cru tout permis face à des ennemis (ou même seulement des suspects) commodément classés dans la catégorie des terroristes. Elle s’est jugée déliée de toutes les conventions et même des principes les plus élémentaires de cette morale qu’elle brandit sans ciller, pourtant, à la face de l’univers. C’est de la même et effarante logique d’ailleurs que procèdent les tortures auxquelles se sont livrés gardiens et interrogateurs américains, civils et militaires, sur leurs prisonniers irakiens : pratiques qui, vient d’admettre le général John Abizaid, n’étaient pas le fait d’une poignée de dévoyés, mais revêtaient un caractère systématique. Là aussi, de Donald Rumsfeld à Lynndie England, la jeune et scandaleuse égérie des monstres d’Abou Ghraib, tout ne peut que couler de source. Il en va de même pour la frénésie meurtrière d’un Ariel Sharon qui déteint fatalement sur une troupe elle aussi surpuissante, elle aussi surchauffée même si elle est jetée dans une guerre finalement aussi absurde que sale. Pourquoi en effet mourir pour Gaza s’il faut bientôt évacuer Gaza comme le prévoit le plan Sharon ? Croit-on vraiment mettre fin aux livraisons clandestines d’armes aux Palestiniens en creusant, sur le modèle des douves de châteaux forts du Moyen Âge, des tranchées sur le versant égyptien d’un Rafah qui conserve, quoi qu’on fasse, un accès à la vaste Méditerranée ? En rasant au bulldozer des centaines de misérables habitations, en jetant à la rue une foule de réfugiés de guerres antérieures, en tirant au canon de char sur des manifestants armés de leur seule et furieuse détresse, Israël vient de décliner son visage le plus odieux. Il l’a fait comme à plaisir, sourd aux injonctions d’une communauté internationale apparemment résignée à la malédiction qui poursuit le peuple palestinien. Et pour qui, à l’évidence, la poussiéreuse petite ville de Rafah n’est pas le Budapest de 1956 investi par les blindés russes, ni la place Tian’anmen arrachée aux étudiants par les tankistes chinois. Ce qui explique que dans son infinie sagesse, le président des États-Unis a cru bon hier de prêcher la retenue, en vrac, aux démolisseurs israéliens et aux démolis palestiniens. Il a, dans le même élan, appelé de nouveau à un « Cuba libre ». « Cuba libre » est aussi le nom d’un cocktail fait de rhum, rhum, re-rhum et Coca-Cola. Pour un peu, et des fois que cela pourrait faire oublier à cet alcoolique repenti son destin messianique, on se prendrait à imaginer des choses... Issa GORAIEB
L’examen prénuptial est depuis longtemps formalité courante. Ce que propose fort à propos, sinon avec beaucoup de sérieux, un esprit aussi brillant que sayyed Mohammed Hussein Fadlallah, c’est un examen psychiatrique à l’usage des candidats à l’élection présidentielle américaine. Excellente idée en effet au vu de l’expérience George W. Bush qui, du haut de sa...