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Actualités

En dents de scie Droit d’ingérence

Douzième semaine de 2004. Sept jours qui ont servi de terreau idéal à la multiplication désordonnée d’intrusions, d’interventions et d’ingérences en tous genres. L’Administration Bush fait écho à sa dame de fer et appelle à des élections « libres de toute ingérence étrangère », tout en déplorant l’oppression des étudiants qui manifestaient contre la tutelle de Damas. Les loyalistes et les syrianophiles s’égosillent, se demandent de quoi se mêle l’Amérique, s’indignent de cette intrusion d’un pays pourtant aussi diplomatiquement ami avec le Liban que le sont le Japon, l’Arabie saoudite, la France ou l’Argentine. Dans l’absolu, ils ont raison. D’autant que le Libanais a la mémoire qui flanche, la larme facile, le vœu pieux et le cœur artichaut dès qu’il s’agit de ce gentil Oncle Sam, « qui n’abandonnera jamais son combat pour que survivent l’exception et les spécificités du Liban ». Et qui ne profitera jamais du Liban pour servir ses intérêts proche-orientaux. Sauf que Farès Souhaid a remis cette semaine les choses à leur place, en demandant à « ceux qui ne veulent pas que Condoleezza Rice s’ingère dans la présidentielle » libanaise d’avoir le courage de refuser avec autant de véhémence l’ingérence syrienne. Oubliant au passage la promptitude de ses collègues locaux à scruter la paille dans l’œil de l’autre en refusant de voir dans le leur les monceaux de poutres. « J’ai grandi avec l’idée que le Liban a longtemps été un modèle de liberté et de démocratie au Proche-Orient (...). Le président Bush, ainsi que Mme Rice, M. Powell et le reste de l’Administration sont conscients que le renforcement de l’éducation à travers le monde constitue le meilleur moyen d’assurer la prospérité et la paix dans l’avenir. » Le très libanais secrétaire US à l’Énergie Spencer Abraham a utilisé le passé pour évoquer ce « modèle de liberté qu’a longtemps été le Liban », conscient que ce dernier privilégie depuis des années un système presque unique au monde de démocratie à reculons. L’intervention invasive et le prosélytisme légitime certes, mais irrecevable, du ministre Abraham en faveur du Grand Moyen-Orient auront au moins eu le mérite, cette semaine, de rappeler à ceux qui auraient bien voulu l’oublier la nonchalance, l’amateurisme et la rageante désinvolture de l’État libanais à l’égard du partenariat (parfait contre-projet aux visées de Washington) qu’il a signé avec l’Union européenne. Douzième semaine de 2004. Ces sept jours ont cruellement mis le doigt sur la plaie. Ce qui manque le plus aux Libanais, ce n’est pas seulement un État de droit, la liberté, l’égalité, la fraternité, l’équité pour tous grâce à une loi électorale saine et propre, la convivialité entre eux, une justice indépendante, des services de renseignements qui ne s’ingèrent pas 24 heures sur 24, une libre décision pour leur pays, une fin de tutelle, un plan de bataille contre la catastrophe économique à laquelle le trop peu écouté Patrick Renauld a fait allusion, un combat contre le chômage, l’émigration, l’intégrisme de tous bords, etc. Non. Ce qui manque atrocement aux Libanais, c’est le droit de s’ingérer, naturellement, dans la pratique quotidienne de ces hommes qui les gouvernent et qu’ils sont censés avoir élus. C’est ce que Nayla Moawad appelle le droit (inaliénable pour un citoyen mais totalement bafoué ici) de demander des comptes. Ziyad MAKHOUL

Douzième semaine de 2004.
Sept jours qui ont servi de terreau idéal à la multiplication désordonnée d’intrusions, d’interventions et d’ingérences en tous genres.
L’Administration Bush fait écho à sa dame de fer et appelle à des élections « libres de toute ingérence étrangère », tout en déplorant l’oppression des étudiants qui manifestaient contre la...