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Actualités - OPINION

CONSEIL DES MINISTRES - La flambée du prix des carburants menace de relancer l’inflation La crise énergétique risque d’enfoncer le Trésor public encore plus dans le rouge

Le Conseil des ministres doit régler dans une prochaine séance le double coup dur de la hausse des carburants et des pannes électriques. En effet, laisser les prix de l’essence galoper sans frein entraînerait un cycle infernal d’inflation. À partir du transport, tous les prix du marché flamberaient. L’agriculture, l’agro-alimentaire, l’industrie, les services, le tourisme, tout le pays économique serait fortement pénalisé. D’autant plus qu’il se trouve déjà handicapé par les coupures de l’énergie électrique, nécessaire pour tant d’activités. Sur le plan social, du fait de l’explosion des prix, les salaires seraient dévalués et perdraient de leur pouvoir d’achat, les foyers n’arrivant plus à boucler les fins de mois. Ce qui pourrait déboucher sur un irrépressible mouvement populaire de contestation, comme lors de « la révolution des pneus » en 92. Cependant, il faut bien le souligner, les seules solutions qui semblent à portée de main sont (comme toujours) palliatives et d’ordre provisoire. Que cela soit pour l’électricité ou pour l’essence. Or un tel traitement grèverait encore plus des finances publiques qui sont, depuis longtemps et si fortement, à la dérive. Le lourd passif du Trésor public, qui devrait y aller de sa poche pour freiner les coûts, en serait augmenté. Avec répercussion négative immédiate, à la fois sur l’ardoise de la dette publique et sur le déficit budgétaire. On sait qu’en pratique, le pouvoir pense bloquer le gallon de 20 litres d’essence 98 octanes à 25 000 LL, en établissant une échelle mobile des taxes. Parallèlement, il accorderait derechef des avances du Trésor à l’Électricité du Liban pour qu’elle puisse se fournir en fuel et fonctionner. Cette double démarche équivaudrait, en clair, au rétablissement de la politique de subventions dite de soutien, contraire aux conventions internationales. Cependant, un ministre relève que pour l’essence, il y a encore quelque espoir de normalisation. Car l’organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) doit se réunir en juin pour trouver une solution à la flambée des prix mondiaux, qui battent maintenant tous les records à près de 42 dollars (ou plus, dans les jours à venir) le baril. Imprévoyance et laisser-aller Par contre, il n’y a aucune solution de fond en vue pour le problème chronique de l’énergie électrique. On a parlé, avec redondance, mais sans rien entamer en pratique, de privatisation. On a changé le personnel dirigeant. On a songé à adjuger les centrales de Zahrani et du Beddawi, en les faisant passer du fuel au gaz, bien moins cher. Tout cela en vain. Quinze ans après la fin de la guerre domestique, le Liban n’est toujours pas (régulièrement) branché. Aujourd’hui, dans l’urgence, l’État ne dispose que de solutions temporaires, aux frais du Trésor. Plus exactement, aux dépens de l’économie nationale. Menacée à long terme aussi bien qu’immédiatement. Ainsi, on imagine les effets catastrophiques d’un arrêt de l’électricité sur la saison touristique d’été, comme sur toute la production. Quant à l’essence, sa hausse sans retenue provoquerait une explosion sociale. Une note désastreuse sur laquelle le mandat du régime se terminerait. Siniora, qui est bien placé pour craindre le surendettement rendu nécessaire par la politique de soutien, va devoir tout accepter. Avec la perspective d’une dette publique qui bondirait d’un coup de 35 à 40 milliards de dollars, avant la fin de l’année. Cela fait des années et des années, marquées par des crises, qu’on repousse le règlement du dossier de l’électricité. Ni on n’a voulu sanctionner les responsables ni on n’a mené à bien les dispositions prévoyant l’éradication des branchements illicites, ou de l’exaction consistant à permettre à plein de régions de ne pas payer leurs quittances. Cela pour des raisons politiques connues. Ce dossier de l’électricité s’est pourri au fil des ans au point de devenir pratiquement insoluble. La privatisation n’est techniquement plus envisageable, car aucun repreneur ne serait intéressé par un secteur si mal garanti. Seul un acte de charité extérieur pourrait redresser la situation. Georges Frem, qui a été ministre de l’Énergie, confirme que ce secteur représente, à lui tout seul, dix des 35 milliards de la dette publique libanaise. Il affirme que si l’on avait saisi le taureau par les cornes en 93, le courant aurait été continu dans le pays en 94 et le budget de l’EDL équilibré dès 95. Cela sans compter les bénéfices que le Trésor aurait pu engranger si le plan initial avait été appliqué. Un programme qui n’aurait coûté que 450 millions de dollars, couverts à hauteur de 300 millions de dollars par le prêt privilégié consenti par le Koweït. Pour acheter deux turbines à gaz, l’une pour le Sud et l’autre pour le Nord. Bref, si l’on avait agi, on n’en serait pas là. Gouverner, c’est prévoir, dit-on. On peut donc constater combien le Liban est bien gouverné. Émile KHOURY
Le Conseil des ministres doit régler dans une prochaine séance le double coup dur de la hausse des carburants et des pannes électriques.
En effet, laisser les prix de l’essence galoper sans frein entraînerait un cycle infernal d’inflation. À partir du transport, tous les prix du marché flamberaient. L’agriculture, l’agro-alimentaire, l’industrie, les services, le...