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Actualités - ANALYSE

commentaire Le point de vue du philanthrope et financier américain La Nouvelle doctrine Bush

par George Soros* Lors de son second discours d’investiture, le président George W. Bush a mis en avant une vision ambitieuse du rôle des États-Unis dans l’avancement de la cause de la liberté dans le monde, alimentant de par le monde les spéculations sur le cours que suivra la politique étrangère américaine dans les quatre années à venir. Les idées exprimées dans le discours de M. Bush méritent donc d’être sérieusement examinées. « Les États-Unis ont pour politique de rechercher le soutien et d’appuyer les mouvements et les institutions démocratiques dans tous les pays et dans toutes les sociétés dans le but ultime de mettre fin à la tyrannie dans le monde » a déclaré M. Bush. La diplomatie n’est pas oubliée dans l’assurance que le succès de cette mission « ne relevait pas en premier lieu des armes, même si nous nous défendrons nous-mêmes et nos alliés par la voie militaire quand cela sera nécessaire ». De même, M. Bush reconnaît qu’on ne peut forcer la liberté sur un peuple depuis l’extérieur. En effet, « la liberté de par sa nature doit être choisie et défendue par les citoyens et soutenue par la primauté du droit et la protection des minorités ». Enfin, la diversité doit être acceptée, car « quand l’âme d’un pays finit par s’exprimer, les institutions qui en naissent peuvent refléter des coutumes et des traditions très différentes des nôtres. L’Amérique n’imposera pas son propre style de gouvernement à ceux qui n’en veulent pas. Notre objectif est plutôt d’aider les autres à trouver leur propre voix pour aboutir à leur propre liberté afin de tracer leur propre destinée ». Je suis d’accord avec cet objectif auquel j’ai consacré les quinze dernières années de ma vie et plusieurs milliards de dollars de ma fortune personnelle pour l’atteindre. Pourtant, je suis résolument opposé au gouvernement Bush. Non seulement parce que le fossé séparant les discours officiels et les actes est très grand, mais aussi parce que je trouve que les discours sont en contradiction avec les actes en une sorte de double discours orwellien. Quand M. Bush a déclaré la guerre au terrorisme, il l’a utilisée pour envahir l’Irak. Quand aucun lien avec el-Qaëda n’a pu être établi et qu’aucune arme de destruction massive n’a pu être dénichée, il a déclaré avoir envahi l’Irak pour y introduire la démocratie. Aujourd’hui, les élections irakiennes sont sur le point de se transformer en guerre civile entre le gouvernement dominé par les chiites et les Kurdes et l’insurrection sunnite. En Irak, et au-delà de l’Irak, quand M. Bush dit que la « liberté l’emportera », ils sont nombreux à le comprendre comme l’affirmation que l’Amérique dominera. Cela a attaqué les motifs de l’Amérique et privé les États-Unis de l’autorité morale dont le pays jouissait autrefois pour intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays. Si, par exemple, l’Amérique offre son soutien aux étudiants iraniens qui se battent véritablement pour une plus grande liberté, ils sont plus exposés aujourd’hui à certains dangers du fait du soutien américain, car la ligne dure du régime se renforce. Pour exposer clairement ce qui est mauvais dans la doctrine de M. Bush, je dois faire appel au concept de la société ouverte. Ce concept me guide dans tous les efforts que j’ai faits pour développer la liberté dans le monde entier. Ce travail se réalise grâce à des fondations qui fonctionnent sur le terrain et sont dirigées par des citoyens qui comprennent les limites du possible de leur pays. À l’occasion, quand un régime répressif expulse notre fondation, comme ce fut le cas en Bélarus et en Ouzbékistan, nous fonctionnons depuis l’extérieur du pays. Paradoxalement, la société ouverte la plus aboutie au monde, les États-Unis, n’en comprend pas, à proprement parler, les principes premiers : en effet, son gouvernement actuel les rejette activement. Le concept de la société ouverte est fondé sur l’acceptation du fait que personne ne possède l’ultime vérité. Prétendre le contraire mène à la répression. En un mot, il est possible d’avoir tort. C’est là précisément cette possibilité que M. Bush refuse d’admettre dans un déni de la réalité qui plaît énormément à un segment important du public américain. Un autre segment de la population, tout aussi important, assiste à tout cela avec horreur. Cela a mené à un pays non seulement profondément divisé, ainsi que profondément en désaccord avec une grande partie du reste du monde, qui considère notre politique tyrannique et arbitraire. Le président Bush considère sa réélection comme l’approbation de sa politique et se sent renforcé dans sa vision déformée du monde. Le « moment de rendre des comptes » est terminé, a-t-il déclaré, et il est prêt à attaquer la tyrannie partout dans le monde selon ses propres critères de jugement. Cependant, le processus critique, central à toute société ouverte, que les États-Unis ont abandonné pendant dix-huit mois après le 11 septembre 2001, ne peut être oublié. C’est cette absence d’autocritique qui a conduit l’Amérique dans le bourbier irakien. Une meilleure compréhension du concept de société ouverte requiert que la défense des libertés et de la démocratie et la promotion des valeurs et des intérêts américains soient deux choses bien séparées. Si l’on veut la liberté et la démocratie, on ne peut les obtenir qu’en renforçant le droit international et les institutions internationales. M. Bush a raison quand il déclare que les régimes répressifs ne doivent plus pouvoir se cacher derrière le voile de la souveraineté nationale : ce qui se passe dans les États tyranniques et les gouvernements non viables est d’un intérêt vital pour le reste de la communauté internationale. Toutefois, l’intervention dans les affaires intérieures d’autres États doit être légitime, ce qui nécessite de répondre à quelques règles bien établies. Puissance dominant le monde, l’Amérique porte la responsabilité exceptionnelle de montrer l’exemple dans la coopération internationale. L’Amérique ne peut pas agir comme bon lui semble, comme le prouve la débâcle irakienne, même si, en même temps, on ne peut parvenir à des résultats sans l’autorité américaine dans les affaires internationales, ou du moins sans la participation active des États-Unis. Ce n’est qu’en prenant à cœur ces leçons qu’on pourra progresser vers les nobles objectifs que M. Bush a mis en avant. * George Soros est le président du Soros Fund Management et le président du conseil d’administration de l’Open Society Institute. © copyright : Project Syndicate, janvier 2005. Traduit de l’anglais par Catherine Merlen

par George Soros*

Lors de son second discours d’investiture, le président George W. Bush a mis en avant une vision ambitieuse du rôle des États-Unis dans l’avancement de la cause de la liberté dans le monde, alimentant de par le monde les spéculations sur le cours que suivra la politique étrangère américaine dans les quatre années à venir. Les idées exprimées dans le discours de M. Bush méritent donc d’être sérieusement examinées.
« Les États-Unis ont pour politique de rechercher le soutien et d’appuyer les mouvements et les institutions démocratiques dans tous les pays et dans toutes les sociétés dans le but ultime de mettre fin à la tyrannie dans le monde » a déclaré M. Bush.
La diplomatie n’est pas oubliée dans l’assurance que le succès de cette mission « ne relevait pas en premier lieu...