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Actualités - OPINION

rétrospectives - Élections particulièrement chaudes à Tyr, Nabatiyeh, Jezzine et Saïda Le 23 mai, le Hezbollah veut montrer aux yeux du monde sa légitimité et son intégration

«Redoublons d’efforts, au Sud, pour concrétiser l’accord et l’entente. Si cela réussit, c’est un signe de grand civisme. Sinon, laissons la place à l’émulation et à la compétition électorale, et que cela se fasse d’une façon civilisée et dans le calme. » Les mots dits hier par un haut responsable du Hezbollah au cours d’un meeting dans le village sudiste de Salaa résument à eux seuls la stratégie très tactique du parti de Dieu pour les municipales de dimanche prochain au Liban-Sud. Une stratégie visant tout simplement à confirmer et amplifier, d’une façon plutôt tonitruante, les acquis engrangés lors des précédents rendez-vous électoraux du 2 et du 9 mai, notamment dans la banlieue sud et la Békaa. Que veut le Hezbollah ? Volontairement ou pas, consciemment ou pas, le parti de Dieu a décidé de profiter des municipales 2004 pour commencer à prendre, plus ou moins franchement, les traces du Sinn Féin irlandais. Et, pour ne pas aller bien loin, à s’arafatiser. Cela avec les encouragements en coulisse de Damas, qui a imposé comme seule ligne rouge au Hezb la préservation de la sécurité et de la stabilité. Damas qui ne verrait pas d’un mauvais œil son protégé libanais s’asseoir confortablement sur l’échiquier politique libanais, chose qu’elle estime sans doute aujourd’hui bien plus « politiquement correcte » aux yeux du monde que le port des armes, aussi noble soit la cause. En s’alliant au Mont-Liban avec des courants et des partis chrétiens (dont le courant aouniste ou le PNL de Dory Chamoun), comme avec des forces druzes, ou en les soutenant ; en partageant, bon gré mal gré, la liste haririenne à Beyrouth, et en appuyant dans la Békaa des familles et des fractions chiites de divers horizons, la formation de Hassan Nasrallah, inscrite en bonne place sur la liste très noire des terroristes planétaires de l’Administration Bush, prouve à quel point elle est déterminée à montrer à qui veut bien le voir – Libanais, Européens, Américains... – sa volonté réelle, elle que l’on taxait pas plus tard qu’hier d’intégriste, de s’intégrer. De conforter la convivialité et la coexistence, de faire primer le développemental sur le politique, et d’acquérir ainsi, après celle des armes et des méthodes de guerre, après celle des prisonniers récupérés, une légitimité par les urnes. Et une victoire sans ambiguïté. Pour tout cela, le Liban-Sud s’annonce exactement comme le terrain de prédilection idéal. Sauf que cela ne se fera pas sans heurts. Principal perdant annoncé : Amal. Même si les médiations et les « efforts » de Nabih Berry avaient réussi, la base des deux parties – surtout celle du Hezb – reste plus que jamais tendue, surmobilisée, et déterminée à l’emporter. Parce que le parti de Dieu, tout empreint d’œcuménisme social, ne veut pas d’un duopole méridional exclusif avec Amal, et souhaite laisser la place à d’autres, aux familles ou aux personnalités : Ahmed el-Assaad, Riad Assaad, etc. Parce qu’il arrive tout en douceur – notamment chez les chrétiens qui, d’instinct, vont dans leur majorité chez Amal –, en annonçant sa volonté d’appuyer sans réserve la liste souhaitée par les notables de la localité, sans vouloir imposer ses propres candidats. Parce qu’il ne dirait pas non, enfin, si les ailes d’Amal se faisaient bien moins larges. Sauf que le mouvement du n° 2 de l’État a clairement annoncé la couleur : c’est sur le terrain et dans les bureaux de vote que le véritable poids politique du locataire de Aïn el-Tiné va se jauger. Ajoutant que quel que soit le vainqueur, Amal, le Hezbollah ou n’importe quel parti national, « la victoire est un message aux Américains ». En gros : le parti de Dieu n’a pas l’exclusivité des dividendes politiques. Sans compter qu’Amal ne semble pas prêt aux concessions, notamment à Tyr et à Nabatiyeh, où auront sans doute lieu les plus dures batailles. Et batailles il y aura. Voilà pour le Hezbollah qui, en cas de confirmation de sa victoire (pas de son triomphe, puisqu’il ne se présentera presque pas seul), devra impérativement prouver, dans les conseils municipaux comme au Parlement, sa volonté de préserver un Liban souverain, indépendant, métissé, pluriculturel, convivial, respectueux des spécificités de chacun de ses citoyens et de la primauté d’un État de droit ; un Liban qui ne remettrait en aucun cas en cause les résolutions onusiennes. En sera-t-il capable ? Restent Jezzine et Saïda. Dans le fief chrétien du Sud, le bras de fer s’annonce particulièrement dur entre deux listes, l’une appuyée par le député Samir Azar, et l’autre regroupant l’ensemble des forces de l’opposition. À Saïda enfin, où la liste parrainée par Rafic Hariri aura en face d’elle un mastodonte : le tandem Bizri-Saad, soutenu sans ambages, disent les observateurs avertis, par la Syrie. Le dimanche 23 mai s’annonce effectivement très chaud au Liban-Sud. Ziyad MAKHOUL
«Redoublons d’efforts, au Sud, pour concrétiser l’accord et l’entente. Si cela réussit, c’est un signe de grand civisme. Sinon, laissons la place à l’émulation et à la compétition électorale, et que cela se fasse d’une façon civilisée et dans le calme. »
Les mots dits hier par un haut responsable du Hezbollah au cours d’un meeting dans le village sudiste de...