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Une tentative de réforme qui manque d’audace

Le service militaire est l’un des sujets dont les répercussions se font le plus sentir sur le plan social, du fait même qu’il concerne les jeunes de dix-huit à trente ans, moteurs du dynamisme de la société. L’impact de la réglementation des modalités d’exercice du service militaire se manifeste directement dans la vie d’un jeune: qu’il soit élève, étudiant ou professionnel, l’année de service du drapeau hante son esprit et occupe une place majeure dans l’orientation de ses études et de sa carrière. Confiné pendant de longues années dans les oubliettes de la démocratie, le débat sur la modification du régime du service militaire ressurgit aujourd’hui sous l’aspect d’une réforme. Mais cette réforme en est-elle vraiment une? A priori, l’on est tenté de se réjouir de quelques modifications, mais, dans la pratique, des problèmes essentiels subsistent. Le premier aspect important du projet de loi en discussion aujourd’hui devant la Chambre des députés est la réduction de la durée du service de douze à six mois. Initialement, la loi sur la Défense nationale du 16 septembre 1983 avait fixé cette durée à dix-huit mois, avec la possibilité de la réduire à un an au moins par voie décrétale. Effectivement, un décret est intervenu le 13 juillet 1993 pour réduire la durée du service à un an. Il avait fixé en outre les modalités du service militaire quant à la prorogation et aux cas d’exemption légale. La modification prévue va sans doute restreindre les effets de blocage et de retard occasionnés par la réglementation actuelle dans la vie universitaire et professionnelle des citoyens. Mais les obstacles subsistent toujours, puisqu’une période de six mois empêche un étudiant de poursuivre des études: loin d’être un trimestre estival, ce qui permettrait aux concernés d’accomplir leur service entre deux années d’études par exemple, elle représente une coupure dans l’année universitaire, celle-ci étant habituellement de neuf mois. Par ailleurs, une période de six mois demeure une entrave non négligeable sur le plan professionnel. Elle est en effet suffisamment longue pour affecter le statut d’un membre d’une profession libérale ou d’un employé à l’égard de son entreprise, compte tenu de la longue période de vacance qu’elle impose au conscrit. Le second enjeu se situe au niveau de la suppression du régime d’exemption pour cause de séjour à l’étranger, lequel était octroyé aux appelés en vertu de la loi no 310 du 3 avril 2001, dont l’article unique dispose qu’est exempté définitivement du service militaire «tout Libanais résidant à l’étranger durant une période de cinq ans en vertu d’un permis de séjour officiel». C’est là que réside le plus grand danger de la réglementation en vigueur: face à la détérioration de la condition des jeunes tant sur le plan du marché du travail qu’au niveau culturel, politique et social, l’obligation d’effectuer un service militaire d’un an constitue un motif suffisant, voire même une incitation à émigrer. Ce phénomène est d’autant plus grave que la période de cinq ans prévue par la loi est la durée idéale pour qu’un jeune étudiant accomplisse un an ou deux ans d’études, trouve un emploi et s’établisse à l’étranger en vue d’améliorer sa condition économique. Cela dit, il convient de dire que le grand mérite de cette proposition de loi est de contribuer fortement à limiter l’émigration des jeunes. Quelle réforme pour le service militaire? Pour de nombreuses raisons en rapport avec la situation politique et stratégique trop longues à évoquer et à la lumière d’une expérience personnelle, le mieux serait que le service du drapeau soit supprimé, ou, à tout le moins, qu’on lui trouve un substitut. Dans ce cas, la réforme peut être trouvée dans la loi sur la Défense nationale de 1983. Celle-ci, prévoyant également un régime détaillé de protection du statut professionnel des appelés, dispose dans son article 102 que «le service du drapeau englobe: le service militaire, le service civil et le service de développement». D’après l’article 103 de la même loi, le premier type de service vise à former le citoyen et à utiliser ses services afin qu’il accomplisse dans le cadre de la Défense nationale des missions de défense militaire au sein des forces armées. Le second type concerne les activités relatives à la défense civile et le soutien des secteurs publics et privés qui facilitent l’action des forces armées. Le troisième appelle le citoyen à accomplir sa part d’effort social pour le développement des différents secteurs publics et privés à utilité publique, à l’intérieur et en dehors du pays. À la lecture de ces deux articles, on se demande pourquoi ne pas instaurer le service civil et le service de développement afin de pourvoir aux besoins d’une société libanaise en délabrement perpétuel et assister l’administration publique dans son action tout en donnant aux jeunes la possibilité de participer efficacement à la reconstruction du pays. Adopter cette option en réduisant la durée du service à trois mois serait la solution la plus adaptée à un pays qui va à la dérive. Force est de constater, en fin de compte, que cette tentative de réforme, pourtant l’une de celles qui répondent le plus aux attentes des Libanais et des jeunes en particulier, ne se caractérise pas par son courage. Et cela est franchement regrettable. Marc MAKARY Ancien président du bureau estudiantin à la faculté de droit de l’USJ
Le service militaire est l’un des sujets dont les répercussions se font le plus sentir sur le plan social, du fait même qu’il concerne les jeunes de dix-huit à trente ans, moteurs du dynamisme de la société. L’impact de la réglementation des modalités d’exercice du service militaire se manifeste directement dans la vie d’un jeune: qu’il soit élève, étudiant ou...