Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Échelle réduite

Il est certaines formules et équations politiques qui ont la vie dure, qui franchissent les générations, qui deviennent de véritables axiomes que nul ne songerait même à discuter, et qui pourtant finissent parfois par s’écrouler : car entre-temps, bien des paramètres essentiels ont changé. Depuis le début des années 70, toutes les administrations américaines, républicaines ou démocrates, se sont accordées à voir dans la Syrie un passage obligé, une étape incontournable, pour tout règlement global de la crise du Proche-Orient. Pas de guerre sans l’Égypte, mais pas de paix sans la Syrie, c’était l’évidence même, tant le président Hafez el-Assad s’était acharné à faire de son pays une puissance régionale ; tant aussi et surtout l’Union soviétique et les États-Unis se prêtaient, bon gré mal gré, à ce subtil jeu de bascule. L’URSS a vécu, la belle solidarité arabe apparue lors de la conférence de Madrid n’est plus qu’un souvenir et la sphère d’influence de Damas n’a cessé de se rétrécir comme peau de chagrin, avec la fugue palestinienne d’Oslo puis le traité de paix jordano-israélien. Seule désormais à fixer les règles du jeu, l’Amérique ne cache guère sa détermination à ramener la Syrie à des proportions plus en rapport avec son armée à l’équipement passablement obsolète et son économie souffreteuse : et cela en dessaisissant Damas de la seule carte maîtresse qui lui restait encore, la libanaise. Pour bienvenue que soit cependant cette soudaine sollicitude pour notre petit pays longtemps concédé en gérance libre à la Syrie, la démarche US ne laisse pas d’inquiéter. Elle paraît n’offrir d’autre choix, en effet, aux autorités de Damas qu’une aventureuse fuite en avant ; ou alors une peu digne retraite qui, pour être après tout le résultat de sa propre et malheureuse gestion, n’est pas elle-même dénuée d’aléas. Le bâton est là, bien visible, et George W. Bush en a montré un bon bout en évoquant, lundi, des sanctions diplomatiques et économiques contre la Syrie. Il reste que non seulement la classique carotte a complètement disparu du paysage, mais à la menace le président américain vient d’ajouter le dédain, la dérision, en déclarant – et qui plus est à un journal israélien – que la Syrie est un pays faible, et qu’il lui faut cuire dans son jus en attendant qu’on veuille bien s’occuper de son cas. Sharon n’aurait pas dit mieux, et l’incroyable cynisme du propos convient fort mal au chef de l’unique superpuissance mondiale, censé imposer à tous – et pas seulement aux plus faibles – une solution juste du conflit. Bush voudrait-il acculer Damas à l’intransigeance qu’il n’agirait pas autrement. Si bien qu’à l’heure de l’émancipation tant attendue, Beyrouth reste invariablement, incontournablement, le passage de toutes les tensions.

Il est certaines formules et équations politiques qui ont la vie dure, qui franchissent les générations, qui deviennent de véritables axiomes que nul ne songerait même à discuter, et qui pourtant finissent parfois par s’écrouler : car entre-temps, bien des paramètres essentiels ont changé.
Depuis le début des années 70, toutes les administrations américaines,...