Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Opposition - Dans l’urgence, l’essentiel passe au second plan Un programme commun, trop commun, pour rebâtir la République

Au mètre carré, ou au décimètre cube, l’opposition plurielle libanaise présente la plus forte densité au monde de têtes pensantes. Des figures de proue politiques toutes expérimentées, venues du droit, des sciences-po ou du journalisme. Qui se trouvent boostées par un staff impressionnant de dialecticiens éprouvés, de gauche ou de droite, formés aux joutes progressistes ou libérales. De politologues, de juristes, de diplomates, de sociologues, de chercheurs en tout genre, d’enseignants universitaires haut de gamme. Et même de ces voyants des sciences humaines, donc de la vraie politique sinon de la « real politik », que sont les littéraires, romanciers ou poètes. Spécialistes de la seule motivation dont pouvait se réclamer un Martin Luther King : le rêve. Mais on a l’impression, à la lecture du pseudo-« manifeste » du Bristol que cette formidable forteresse de pensée, cette montagne inspirée (de Charles Corm, justement) n’a accouché que d’une souris. Même pas blanche, de laboratoire, d’expérimentation hardie, mais grise et fuyante. Qui ne prend pas date avec l’avenir. Et ne veut se colleter qu’aux toutes proches élections législatives. Sans même se poser cette question, aussi prosaïque qu’incontournable : après, on fait quoi ? « Soyons raisonnables : exigeons l’impossible ! » clamaient les jeunes en 68. Pour recomposer la société de fond en comble, aux USA comme en France. Où, d’ailleurs, le mot impossible a été rayé du dico par Napoléon. C’est élémentaire : si l’on ne met pas les normes par terre, le mot de « changement » n’a aucun sens fort. Or, l’opposition plurielle, confrontée à ses contradictions, n’ose « manifestement » pas aller jusqu’au bout de sa propre critique de notre fait (accompli) historique. Elle demande le retrait syrien sans le demander. Elle est pour et contre la 1559. Elle nous dit « ce qui ne va pas » dans le système. S’accroche donc, en entraînant même les aounistes dans son sillage, au document de Taëf. Sans s’avouer, et sans nous dire, que le ver a totalement pourri le fruit. Que c’est finalement tout le système « qui ne va pas ». L’opposition est certes consciente des failles, des imperfections de son cahier de doléances. Sur les 15 orateurs du Bristol, bon nombre ont relevé que la rencontre était par elle-même bien plus importante que l’énoncé de la thèse dite commune. Mais même s’il y avait parfait accord sur tous les points, on resterait bien en deçà du « changement » vital, crucial, requis pour un pays qui dépérit. Faute d’une « théorie nationale » entièrement repensée. D’une Constitution qui ferait plier « l’esprit de compromis », qui est à la fois, paradoxalement, le géniteur et le fossoyeur d’un Liban « libre ». Libéré de toutes les atteintes à sa souveraineté. Par l’étranger. Comme par les concessions de statut personnel, domaine étatique par excellence, faites aux communautés spirituelles. Et qui se trouvent au centre même, mais le dit-on assez, de toutes les variantes du système sociopolitique que nous avons essayées. Avec deux résultats principaux. L’un intangible, au double sens du terme, qui a pour nom méfiance réciproque générale. Et l’autre, tout à fait palpable en termes de pauvreté, les 35 milliards de dollars de dette publique. Or, mais qui a le courage de le dire, ce sont les communautés qui freinent des quatre fers face à toute perspective de vrai « changement ». On se rappelle leur levée de boucliers lors du modeste projet Hraoui-Fakhoury d’instituer le mariage civil « facultatif ! » Ces mêmes communautés, soutenues pratiquement par toutes les parties (les décideurs en premier, parce que cela leur permet de diviser pour régner), répètent qu’avant de passer Taëf à la trappe, il faut l’appliquer. Comment, pourquoi, par qui ? Elles ajoutent, à l’instar aussi bien des dirigeants que de l’opposition, que le sort sortira des urnes en avril. Comme le poisson du même nom. C’est là une logique de l’instant. Un réflexe bien plus qu’une réflexion. On reste dès lors, comme l’a toute de suite relevé Sélim Hoss, dans un cadre banalement « tactique ». Après le Bristol, certains opposants de poids ont reconnu que le conjoncturel prenait trop de place. Ils proposent un bis, un « Bristol II », pour niveler des positions qui sont bien plus singulières que plurielles. Comme, répétons-le, la présence armée syrienne, l’armée au Sud ou la scrutation internationale des élections. Mais même une opposition parfaitement unifiée n’y « changerait pas grand-chose », et pour cause. Sans un plan d’avenir, l’avenir du Liban. Resterait en plan. Jean ISSA
Au mètre carré, ou au décimètre cube, l’opposition plurielle libanaise présente la plus forte densité au monde de têtes pensantes. Des figures de proue politiques toutes expérimentées, venues du droit, des sciences-po ou du journalisme. Qui se trouvent boostées par un staff impressionnant de dialecticiens éprouvés, de gauche ou de droite, formés aux joutes progressistes...