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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Anges gardiens

Walid Joumblatt est sans doute aujourd’hui l’homme le plus populaire, le plus admiré du Liban. Par voie de conséquence le plus menacé aussi, du moins aux yeux d’une opinion rendue bien méfiante par une longue série d’attentats politiques. À lui seul, ce double constat illustre la situation absurde dans laquelle se débat un pays largement reconnu pourtant, membre de l’Onu et de diverses autres organisations internationales, mais où la notion même de souveraineté est historiquement objet de litige : pire encore, où le seul slogan de souveraineté et d’indépendance, ces deux attributs essentiels de tout État, est peut-être devenu de nos jours source de péril. Sourd aux sirènes du week-end, Joumblatt ne s’est pas contenté de réaffirmer spectaculairement ses options aux assises démocratiques de lundi. En se refusant à toute palabre avec les services de l’ombre – préférant s’adresser à Dieu plutôt qu’à ses saints auréolés de kaki –, il s’est montré conséquent, certes, avec l’un des premiers commandements de la charte de l’opposition : à savoir la dénonciation de l’État policier, dérive venue d’outre-frontière et qui n’a cessé de s’aggraver au fil des ans. Mais surtout, le leader druze a voulu montrer avec superbe son rejet du chantage à la protection exercé ces dernières semaines contre lui, et qui s’est avéré aussi inopérant que mesquin. Le procédé est d’une terrible simplicité : on s’emploie à intimider le « client », à l’effrayer, à le terroriser et puis on entreprend de le rassurer en escomptant en retour sa gratitude émue et son entière bonne volonté. Fils et successeur d’un grand chef libanais qui a péri assassiné, Walid Joumblatt a été la cible, ces dernières semaines, d’invectives, d’accusations graves allant jusqu’à la collaboration avec l’ennemi israélien, de menaces voilées publiquement proférées par des proches de Damas et du pouvoir. Pour faire bonne mesure, et dans un bien inattendu souci du bien-être de ses voisins, on vient de démanteler le dérisoire dispositif antivoiture piégée installé autour de sa résidence beyrouthine au lendemain du criminel attentat qui a failli emporter son compagnon Marwan Hamadé. Et ce n’est qu’à la veille du congrès de l’hôtel Bristol qu’on s’avise de dissiper ses alarmes au téléphone, que deux ministres très marqués se mettent à lui donner à l’unisson du Walid Bey comme si la sécurité était une grâce octroyée par les puissants. Comme si ce n’était pas la plus contraignante des obligations étatiques : un dû. De dénier sournoisement à quiconque – et surtout à un adversaire – ce droit à la sécurité a déshonoré le pouvoir. Et de le concéder après coup, non sans arrière-pensées d’ailleurs, ne l’a guère grandi. Si on a cru devoir effrayer Walid Joumblatt, c’est en définitive parce que Joumblatt effraie. Pour la première fois apparaît en effet une opposition pluriconfessionnelle et non plus seulement chrétienne (ce qui était magnaninement toléré) et au sein de laquelle forces traditionnelles et mouvements de gauche dénoncent ensemble les ingérences syriennes dans les affaires du pays. Il reste que l’artisan de ces miraculeuses retrouvailles est aussi un homme qui continue de se réclamer de l’alliance stratégique avec la Syrie dans la stricte application de l’accord de Taëf, qui est pour le maintien provisoire de troupes syriennes dans la plaine de la Békaa, qui s’oppose à la résolution 1559 de l’Onu et au désarmement du Hezbollah, qui se dit prêt à dialoguer avec le pouvoir politique : un homme qui sans nulle compromission sur les fameuses ingérences a obtenu tout de même que soient écartées les thèses les plus radicales de ce texte rationnel, pour ne pas dire raisonnable, qu’est finalement le manifeste de l’opposition. Aux Libanais, Joumblatt offre en réalité les prémices d’un Pacte national nouveau. Et au régime de Damas une chance unique d’intégrer les chrétiens du Liban à une relation digne et saine avec la Syrie, exploit que n’ont pu accomplir les dirigeants chrétiens de l’après-Taëf. Persister à ignorer la portée de l’événement, c’est foncer droit sur l’aventure.

Walid Joumblatt est sans doute aujourd’hui l’homme le plus populaire, le plus admiré du Liban. Par voie de conséquence le plus menacé aussi, du moins aux yeux d’une opinion rendue bien méfiante par une longue série d’attentats politiques. À lui seul, ce double constat illustre la situation absurde dans laquelle se débat un pays largement reconnu pourtant, membre de...