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Télérévisions

Que l’État monte sur ses grands chevaux, qu’il se mobilise comme un seul homme pour prêter main-forte à une chaîne de télévision satellitaire libanaise, al-Manar, prise en faute à l’étranger, appelle plus d’une observation. Pour commencer en effet, cet État ne s’est guère illustré par son souci forcené des libertés publiques, et plus particulièrement la liberté d’information : l’abusive élimination de la plus frondeuse et la plus populaire des chaînes locales, la MTV, en est la preuve la plus triste. Encore moins qualifiés pour se joindre à l’actuel concert de protestations sont les États arabes rameutés par Beyrouth et qui détiennent d’office, quant à eux, l’exclusivité du pouvoir d’informer. Ce qui dérange le plus cependant dans l’affaire d’al-Manar, laquelle est sous le coup d’une procédure de sanction doublée d’une demande de cessation de diffusion en France, c’est le spectacle d’un État libanais qui se croit tenu, une fois de plus, d’être plus royaliste que le roi : en l’occurrence, plus hezbollah que le Hezbollah. Il crie à l’infamie, l’État, il jette dans l’arène ses plus outrecuidants manieurs de la langue de bois, il brandit face à la France la menace d’une réciprocité dont il sera en réalité le premier à faire les frais, mais voilà où s’arrête la gesticulation. Le Hezbollah pousse les hauts cris bien évidemment, lui aussi, il organise des sit-in : mais on est assez intelligent à al-Manar (qu’on pourrait traduire par La Balise, ou encore Le Flambeau) pour s’apercevoir qu’il y a tout de même eu erreur de navigation quelque part et qu’il convient donc de rectifier le tir : de modifier certain vocabulaire, de le rendre acceptable pour des téléspectateurs européens, de se doter d’un code déontologique. Que n’a-t-elle jailli à temps la lumière, que n’a-t-elle touché du même coup de sa grâce les obscurs cerveaux étatiques assignés à la claque ! Qu’une chaîne aussi engagée, aussi militante qu’al-Manar cultive auprès de son public naturel l’esprit de sacrifice et de martyre, qu’elle dénonce à juste titre la barbarie de l’occupation israélienne, est une chose en effet ; qu’elle verse funestement toutefois dans ce qui est forcément perçu en Occident comme un antisémitisme aussi primaire qu’intolérable en est une autre. Intolérables en effet, et surtout contre-productifs, dévastateurs pour la cause du Hezbollah lui-même, ajouterons-nous, que ces honteux feuilletons confondant stupidement sionisme et judaïsme et allant jusqu’à relativiser un monstrueux génocide lequel, de surcroît, se trouve être la cause directe du malheur qui s’est abattu sur le peuple palestinien. De cette grave dérive, le Liban, qui pourtant se pose en parangon de la coexistence religieuse, en lieu de rencontre des croyances, n’a pas jugé nécessaire de se démarquer. Et cela ne l’honore guère. On constatera pour finir à quel point cette frénésie militante, pour ne pas dire milicienne, tranche avec la circonspection extrême, la frilosité dont fait montre Beyrouth au plan des rapports avec les camps de réfugiés abritant comme on sait une autre armée d’irréguliers, parfaitement étrangère celle-là. Nous avons passé des décennies à endurer la sanglante aberration d’un État dans l’État, à attendre le jour béni où les Palestiniens se réclameraient – et relèveraient enfin – d’une entité nationale sur le sol adéquat. Et nous donnons la fâcheuse impression d’hésiter, de temporiser, de finasser quand les nouveaux chefs des Palestiniens en visite à Beyrouth devancent eux-mêmes nos désirs en sollicitant l’ouverture d’une ambassade palestinienne. Une telle représentation, pourtant, consacrerait le statut d’étrangers qui est celui des centaines de milliers de réfugiés vivant au Liban. Et puis, qui sait, cela pourrait donner des idées à d’autres invités… Issa GORAIEB
Que l’État monte sur ses grands chevaux, qu’il se mobilise comme un seul homme pour prêter main-forte à une chaîne de télévision satellitaire libanaise, al-Manar, prise en faute à l’étranger, appelle plus d’une observation.
Pour commencer en effet, cet État ne s’est guère illustré par son souci forcené des libertés publiques, et plus particulièrement la...