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Actualités - ANALYSE

analyse Tournant peut-être, mais pas crucial Les élections, un enjeu national largement éclipsé par la 1559

Seul le pape est infaillible. Quand il parle métier, c’est-à-dire de religion. À part cela, tout le monde se trompe. Il est cependant rare que deux opinions opposées se rejoignent sur une même erreur. C’est sans doute le cas, aujourd’hui chez nous. Où opposants et loyalistes rivalisent, comme les voyantes de fin d’année, de pronostics et de paris sur les législatives. Qui magnétisent toute l’attention locale et prennent valeur de tournant crucial. Outrepassant par son importance le pacte de Taëf, et du même coup la Constitution en vigueur. Si peu vigoureuse ou rigoureuse, du reste. – Lahoud, Karamé, Sfeir, Joumblatt, Kornet Chehwane et tutti quanti. Avec espoir ou crainte, le chœur des anges affirme que les élections détermineront les choix politiques du pays et conditionneront son avenir. Objectivement et sauf miracle de l’angélisme, il y a là une erreur d’appréciation. Pourquoi ? Parce qu’il y a la 1559 ? Oui, bien sûr, et l’on y reviendra. Mais surtout parce que les rapports de force intrinsèques intérieurs n’ont aucune chance arithmétique de changer vraiment. L’opposition risquerait de ne garder, au mieux, qu’une trentaine de sièges. Elle ne pourrait pas, même avec la petite circonscription, même en scrutin libre et régulier, en arracher plus. Elle a, en gros, le Mont-Liban. Quoi d’autre ? Pas grand-chose. De son côté, le pouvoir déploie beaucoup d’efforts, « servicico-judiciaires » compris, pour ébranler le socle Joumblatt. Grâce, notamment, à des fonds attribués, via le ministère des Déplacés, à Talal Arslane. Mais en revanche, à cause d’une retenue syrienne quasi obligée, Berry aussi risque de se voir rogner les ailes. Par le Hezbollah. Et par Sleimane Frangié, qui veut le priver de Jezzine. Hariri, en se tenant coi, garde des chances de conserver Beyrouth. Et le seul des trois grands blocs. Il devrait cependant perdre des forces au Sud, des alliés au Nord ou dans la périphérie de la capitale. Numerus clausus La balance resterait en tout cas faussée en termes de démocratie du consensus. Dans ce sens que la puissance du nombre, quand on va aux urnes, est toujours incontournable. La Chambre actuelle compte 27 députés chrétiens sur 64 qui sont sous contrôle mahométan, opposant ou loyaliste. Inversement, il n’y a que trois ou quatre députés musulmans dépendant de chefs de liste chrétiens. Qui leur laissent d’ailleurs pratiquement leur indépendance, à cause de la faiblesse générale du camp chrétien. Paradoxalement relevée avec amertume par l’un des rares parlementaires mahométans qui se soucient de la saine règle des équilibres, fille-mère du consensus, Bassem el-Sabeh. Du côté de l’opposition, il n’y a pas de grandes percées en vue. Elle lutte, de son propre aveu, pour ne pas perdre pied. Mais, malgré l’urgence, ne paraît pas pouvoir faire mieux, en termes d’unification, qu’un manifeste général, attendu sous peu. Un détail, mais qui compte : des ténors maronites seraient particulièrement ciblés aux prochaines législatives. Et risqueraient, plus que d’autres opposants en place, de dire adieu à leurs strapontins. En effet, le vieil accord syro-américain sur la présidentielle est maintenant dénoncé. Cet accord protégeait indirectement tous les présidentiables sérieux. Auxquels il fallait laisser leurs chances théoriques, comme solution de rechange, si jamais il devait y avoir veto américain sur le choix syrien. De ce fait, aussi bien un Jean Obeid ou un Sleimane Frangié d’un côté qu’un Boutros Harb ou un Nassib Lahoud passaient aux élections législatives haut la main. Le jeu ne prend plus en considération, désormais, cette règle tacite. Au contraire même, parce qu’ils sont présidentiables, les uns et les autres risquent gros. Car c’est la prochaine Chambre qui va élire le prochain chef de l’État. La présence syrienne Revenons à l’unité des rangs opposants. Sur la présence militaire syrienne (et n’est-elle pas plus cruciale que les élections ?) leur opinion est divisée. Contrairement à ce que l’on croit généralement, l’opposition de Bkerké est plus proche des positions de Joumblatt sur ce point que de celles de Michel Aoun. Le premier assure en effet qu’il ne voit pas d’objection à ce que les Syriens restent dans la Békaa, pour des raisons stratégiques. Et c’est pourquoi, ses jeunes ont refusé, pour l’indépendance, de se joindre aux aounistes, pour faire manif à part. L’ancien général de son côté affirme que garder 15 000 hommes sous prétexte de faire face à Israël, c’est techniquement d’une bêtise incommensurable. Il s’abstient charitablement de rappeler qu’en 82, les Syriens ont beaucoup moins résisté que les Palestiniens, à Beyrouth ou en montagne. Quant au commandement local qui affirme que le concours syrien reste nécessaire, l’ancien président du Conseil le traite de tous les noms d’oiseaux, perroquet en tête. En soulignant que l’armée est tout à fait capable de veiller seule, avec les FSI, à l’ordre. Un observateur indépendant, et indépendantiste, note de son côté que les forces régulières libanaises comprennent 80 000 hommes, scalpent les 20 % du budget national et doivent être, en bonne logique, à la hauteur. Or les officiels, passés maîtres en contradictions, s’applaudissent eux-mêmes d’avoir bien remis sur pied l’institution militaire, tout en prétendant qu’elle a encore besoin des Syriens ! La 1559 Pour dire, ou redire, combien il faut relativiser l’effet des élections, on doit relever qu’un débat aussi fondamental que la présence syrienne ne risque pas d’être abordé par la Chambre, ni maintenant ni après. Peu importe du reste. En effet, la 1559, comme le souligne un ancien ministre expérimenté, a force de loi, et force de loi immédiatement exécutoire. C’est ce que les ambassadeurs occidentaux, le Français, l’Américain, l’Anglais, l’Allemand mais aussi (en ami qui vous veut du bien) le Russe se sont égosillés à répéter aux autorités locales. On les a envoyés sur les roses. En les priant même de la boucler ! La voie diplomatique, qui promet le moins de casse, a donc échoué. L’Amérique, la France et l’Onu vont donc devoir passer à la deuxième phase. Des sanctions économiques ? Cela semble le plus logique. Mais il faut se méfier des apparences. En effet, si l’on a choisi la 1559, c’est, évidemment, pour une raison et une urgence régionales. Les Irakiens et les Palestiniens procèdent en même temps à des élections importantes. Mais dont les résultats véritables ne se feront voir que dans quelques années. Il faut donc engager, ailleurs, un début de changement. C’est ce que James Watt, l’ambassadeur britannique, a dit, très clairement. Affirmant que la 1559 n’est que le premier élément d’une mutation profonde que le Liban va subir. Dès lors, des sanctions économiques seraient trop lentes. Sans compter qu’elles porteraient plus gravement préjudice au Liban, considéré comme victime autant que comme complice, qu’à la Syrie, cible première. Alors quoi d’autre ? Peut-être une action légale retirant toute reconnaissance diplomatique au pouvoir libanais issu d’une procédure anticonstitutionnelle et surtout fruit de la soumission à une tutelle désormais dénoncée. Peut-être aussi une action de terrain. Probablement pas directe, mais via le Sud. Où tout commence. Et tout s’achève. Jean ISSA


Seul le pape est infaillible. Quand il parle métier, c’est-à-dire de religion. À part cela, tout le monde se trompe. Il est cependant rare que deux opinions opposées se rejoignent sur une même erreur. C’est sans doute le cas, aujourd’hui chez nous. Où opposants et loyalistes rivalisent, comme les voyantes de fin d’année, de pronostics et de paris sur les...