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Actualités - OPINION

Sur les Campus Trois images pour un avenir radieux

L’été est déjà bien loin, la scène estudiantine bouillonne comme pas possible. Pourtant, la rentrée universitaire s’annonçait morne. Pourtant, l’apathie et le désintérêt de la plus grande partie des jeunes (ils ont quand même été plusieurs milliers à faire acte de citoyenneté avec leurs pieds le 19 novembre dernier, place des Martyrs et place Riad el-Solh) présageaient une année atone, incolore. Une fois de plus, les étudiants (tout au moins une poignée d’entre eux) surprennent: par leur détermination à franchir tous les obstacles pour arriver à leur but, par leur franchise dès lors qu’il s’agit de dire les choses comme elles sont, par leur originalité, à partir du moment où il s’avère nécessaire d’imaginer de nouvelles formes de résistance et de créer de nouveaux espaces de liberté et de changement, loin des schèmes traditionnels. Il est certain que toutes ces idées et tous ces concepts s’entrechoquent dans l’esprit estudiantin pour mettre au point une nouvelle dynamique plus adaptée à la réalité dans laquelle ils vivent. Quelques scènes observées sur le terrain, ces deux dernières semaines, pour illustrer cette réalité désolante qui prévaut aujourd’hui: – Le 19 novembre dernier. Deux étudiants retournent de la manifestation devant le musée et se dirigent vers le campus de la rue Huvelin. L’un d’entre eux, Hanna, porte un petit drapeau représentant une bande blanche et deux bandes rouges, reliés par un cèdre vert. Le drapeau libanais. À la hauteur de la rue Monnot, devant le Relais de l’Entrecôte, un couple de jeunes touristes suédois croise les jeunes, les questionne sur « ce qui se passe », s’interroge sur la raison du déploiement intensif des forces de l’ordre à travers Beyrouth. Hanna explique, très pédagogue, que les jeunes manifestaient pour la fête de l’Indépendance du pays, mais qu’il ne s’agit pas très exactement d’une fête parce que le Liban, sous tutelle, est désormais un pays soumis. Il s’agit donc, se disent les Suédois, d’une manifestation d’opposants. Hanna propose au couple de lui offrir le drapeau libanais comme souvenir. La crainte s’empare des touristes, qui répliquent que« c’est un très joli drapeau, on l’a déjà vu, mais non merci, vous pouvez le garder », avant de poursuivre leur chemin hâtivement. La crainte d’être pris pour des étudiants protestataires, mêlés au mouvement de masse et peut-être même interpellés par les forces de l’ordre... pour délit de port du drapeau libanais. – Toujours le 19 novembre dernier, mais avant la manifestation, cette fois. Marwan, responsable estudiantin, retranché avec un groupe d’étudiants dans un campus universitaire, retient son souffle. Il s’attend à ce que, comme d’habitude, les forces de l’ordre s’interposent, à coups de matraque et de crosses de fusil, tentent d’obstruer la sortie. Pour parer à toute éventualité, il a ce geste, très inhabituel sur un champ de confrontation, d’aller cueillir une rose pour l’offrir à l’officier des FSI en charge en lui demandant d’assurer la sécurité de la marche vers le musée et d’éviter le choc. Médusé, ce dernier n’en revient pas et a du mal à dissimuler sa gêne. Drapé aux couleurs du drapeau libanais, signe ô combien ostentatoire, Marwan peut marcher en tête de son groupe, la conscience tranquille d’avoir au moins fait preuve de civisme et de civilité. – Le 30 novembre. Alors que le « million », estropié de quelques zéros, manifeste son allégeance à la Syrie place des Martyrs – cette fois, les drapeaux libanais ne sont plus douteux, ils sont unis dans « l’unité du destin » avec les drapeaux syriens –, trois étudiants (seulement trois...) ont décidé d’observer un sit-in devant la faculté de droit de l’Université libanaise, section II (Jal-el-Dib). Drapés aux couleurs noires, en signe de deuil, assis devant le portail du campus, ils entendent protester, pacifiquement, contre le rassemblement des prosyriens, qui représente, à leurs yeux, « un signe de plus que la souveraineté libanaise est en train de disparaître ». Un groupe d’étudiants les observe à distance, sans se rapprocher. Certains d’entre eux, génés, s’approchent des protestataires pour leur glisser tout bas: « Comme nous aimerions nous asseoir avec vous, mais nous ne le pouvons pas. Le directeur risque de nous chasser. D’ailleurs, vous êtes fous, il risque de vous chasser aussi. Éloignez-vous des abords du campus, allez manifester ailleurs. Peut-être alors pourrions-nous vous rejoindre. » Les trois jeunes rient paisiblement. Ce chantage de l’administration n’a pas eu d’effet sur eux malgré les menaces, répondent-ils. La solitude du coureur de fond. Trois tableaux différents, un même thème: la force de l’engagement et de l’initiative civique face à la peur sous ses différentes formes, face à l’apathie, face au trop politiquement correct qui vient dissimuler certaines déviations dangereuses. Trois exemples, trois images qui font que le Liban peut encore espérer avoir un avenir radieux. Michel Hajji Georgiou
L’été est déjà bien loin, la scène estudiantine bouillonne comme pas possible. Pourtant, la rentrée universitaire s’annonçait morne. Pourtant, l’apathie et le désintérêt de la plus grande partie des jeunes (ils ont quand même été plusieurs milliers à faire acte de citoyenneté avec leurs pieds le 19 novembre dernier, place des Martyrs et place Riad el-Solh)...