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Actualités - OPINION

Le vertige de la fuite en avant

Pour montrer au monde que la majorité du peuple libanais est hostile à la résolution 1559, l’État libanais s’est très démocratiquement accordé le droit de manifester. Sans se rendre compte que, ce faisant, il donnait raison à ceux qui l’accusent de s’être transformé en caricature de démocratie socialiste, avec tout ce que cette expression a d’anachronique. En prorogeant le mandat d’Émile Lahoud, le Liban est passé à côté d’une occasion démocratique, a affirmé il y a quelques jours Jacques Chirac. En organisant un simulacre de manifestation de masse, le pouvoir récidive. Bien sûr, la communauté internationale est loin d’être équitable et l’État israélien bénéficie d’une odieuse indulgence américaine. Mais ce n’est pas par les moyens employés hier qu’on la fera fléchir – et réfléchir. C’est en procédant à des ouvertures démocratiques sincères, à des initiatives crédibles en faveur de la paix, qu’on y parviendra. L’émissaire onusien Terjé Roed-Larsen vient d’annoncer que des journées sombres se profilent à l’horizon, si l’occasion de paix qui se présente, avec la relève palestinienne, est manquée. Et l’occasion de paix passe par la démocratie, le dialogue, et non ce genre de raidissement dont tout indique qu’il se base sur ce que les sociologues appellent « le viol des foules », et le mépris des aspirations à la paix de tout un peuple. Aux accents de la 1559, des Libanais sincèrement épris d’indépendance sont sensibles, car ces exigences, ils les martèlent depuis le mois de mai 2000 et l’évacuation par l’armée israélienne de la bande frontalière occupée. Que certains veuillent se servir de la 1559 comme levier pour faire avancer les choses, quoi de plus normal, même si ce point d’appui demeure ambigu, incertain. Car la 1559 est bien une ingérence dans les affaires intérieures du Liban, mais une ingérence dont le but est de contrer une autre ingérence, devenue insupportable pour beaucoup et mortelle pour un Liban pris en otage. En tout état de cause, il y a une troisième voie que le Liban peut et doit emprunter, c’est la voie du dialogue patient, raisonnable et modéré. Cette voie est la seule qui puisse épargner au Liban – et à la région – les journées sombres annoncées par le médiateur onusien. Il faut se ressaisir et sortir du vertige de la fuite en avant. Et comment oublier, en regardant défiler les dizaines de milliers de manifestants, hier, les dizaines de milliers d’autres Libanais chassés du Liban depuis 1990 par des conditions politiques et économiques déplorables, contraints de vivre sous d’autres cieux, dans l’espoir fou et renouvelé tous les jours qu’un miracle pourrait se produire qui leur permettrait de revenir au Liban. En les oubliant, et en scandant jusqu’au délire, avec Nasser Kandil, son attachement à la Syrie, ce Liban, qui est passé si souvent à côté de la paix, risque cette fois de passer aussi à côté de lui-même. Fady NOUN
Pour montrer au monde que la majorité du peuple libanais est hostile à la résolution 1559, l’État libanais s’est très démocratiquement accordé le droit de manifester. Sans se rendre compte que, ce faisant, il donnait raison à ceux qui l’accusent de s’être transformé en caricature de démocratie socialiste, avec tout ce que cette expression a d’anachronique.
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