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De Minas Gerais à Kornet Chehwane Pharès Zoghbi, ou la belle carrière d’un émigré à contresens

Paris – d’Élie MASBOUNGI «Mon nom est Homme, et Liban n’est que mon prénom », a dit Me Pharès Zoghbi (pastichant un poète français dont il avoue avoir « oublié le nom »...) après avoir recu, le 15 novembre 2004, sous la légendaire coupole de l’institut, le prix Choucri Cardahi de l’Académie des sciences morales et politiques, au cours d’une cérémonie où la tradition exige qu’il n’y ait pas de discours. Mais c’était trop demander à un ténor du barreau libanais qui couronnait ainsi en beauté une carrière brillante et un parcours atypique. C’est en effet par une émigration à contresens que Pharès Zoghbi, né en 1918 dans l’État brésilien de Minas Gerais, entame sa vie libanaise. Orphelin de père à l’âge de 8 ans, il débarque au port de Beyrouth en compagnie d’un ami de la famille. Un débarquement au sens propre du terme puisqu’il s’est effectué par barque, comme cela se faisait à cette époque-là. Une frêle embarcation prêtée et barrée, se rappelle-t-il, par un certain Ibrahim Kamar. Direction Kornet Chehwan où Pharès Zoghbi fréquente dès le lendemain l’école du village que dirigeait un proche parent, Abboud Zoghbi. La cheminement qui s’ensuit est tout naturellement la « descente » à Beyrouth puis l’inscription au collège de La Sagesse où le brillant élève devient par la suite enseignant tout en étudiant le droit à l’USJ. Les annales du barreau de Beyrouth témoignent en lettres d’or des grands dossiers traités et plaidés par Me Zoghbi. Des procès et affaires dont l’interminable épisode du Casino du Liban, à la fin des années soixante, n’est pas le moindre. Parallèlement à ses activités professionnelles, Pharès Zoghbi se passionne pour la lecture. Il achète, lit et collectionne des centaines puis des milliers d’ouvrages sur les sujets les plus divers. Au fil des années, il constitue une bibliothèque qui compte à présent environ soixante mille volumes qu’il garde précieusement au rez-de-chaussée de sa maison de Kornet Chehwane. « J’en ai fait don tout récemment aux pères jésuites, nous confie Me Zoghbi, qui les ont gardés dans notre localité afin que les jeunes de la région en profitent.» C’est ainsi que la Compagnie de Jésus gère la bibliothèque de la Fondation Pharès Zoghbi qui connaît une très bonne fréquentation. Dans un mot de circonstance prononcé lors d’un dîner au Royal Monceau le soir même de la cérémonie de remise du prix de l’ASPM, Pharès Zoghbi a exprimé ses remerciements à l’Académie française, précisant que c’est la fondation portant son nom qui bénéficiera du don en espèces offert en même temps que la médaille. Il a évoqué pêle-mêle devant ses invités, avec humour et émotion, des moments de sa vie qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Les années d’études et d’enseignement au collège de La Sagesse, sa passion pour Lamartine et Renan qui ont séjourné au Liban, la visite du président Edouard Herriot à la faculté de droit de Beyrouth et à Byblos, où il a fait une halte dans la maison de Renan. L’allocution de Pharès Zoghbi était étayée d’extraits de lectures ou de rencontres où l’humour côtoyait à merveille la connaissance et la réminiscence. Pharès Zoghbi a cité par l’extrait ou l’anecdote Georges Schéhadé, Nadia Tuéni, et d’autres dons et talents plus éloignés de nous tels que Sainte-Beuve, Léon Daudet ou Henry Laurens, mais si proches de nous par leur génie, leur esprit et leur culture. Voilà ce qui, pour Pharès Zoghbi, s’appelle une vie bien remplie, et une retraite sereine et bien méritée.
Paris – d’Élie MASBOUNGI

«Mon nom est Homme, et Liban n’est que mon prénom », a dit Me Pharès Zoghbi (pastichant un poète français dont il avoue avoir « oublié le nom »...) après avoir recu, le 15 novembre 2004, sous la légendaire coupole de l’institut, le prix Choucri Cardahi de l’Académie des sciences morales et politiques, au cours d’une cérémonie où...