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analyse Début de la rallonge de trois ans du mandat présidentiel La tension née de la prorogation risque de gagner la rue

Depuis hier, le pays se trouve sous le régime d’un mandat présidentiel prorogé de trois ans. L’amendement constitutionnel de fait accompli, voté en défiant la communauté internationale et sa 1559, a provoqué dans ce pays une césure qui va en s’aggravant. La main tendue par le président Lahoud, qui a ouvert la porte de Baabda à tous, n’a pas suffi à amadouer l’opposition, qui a donc boudé le nouveau gouvernement. Encore plus monochrome, si l’on peut dire, que le précédent. Cela contre le gré initial de son chef qui lui aussi a tenté, vainement, d’amener l’opposition à composition. Son prédécesseur, initialement pressenti pour se succéder à lui-même, avait également achoppé sur la même pierre et s’était donc récusé. Tout cela, en s’accumulant, constitue un tableau politique chargé de lourds nuages. Il est évident que désormais Omar Karamé ne cherche plus cette ouverture qu’il lui a été impossible de trouver. Il ne fait plus risette à l’opposition, mais lui adresse plutôt des mises en garde voilées. Ainsi la manifestation de mardi prochain, dite du million, dirigée contre la 1559, est considérée ouvertement par les loyalistes comme un signe tangent du large appui populaire au pouvoir. Donc, du même coup, une riposte massive ciblant l’opposition intérieure, qu’elle s’appuie (comme les aounistes) sur la 1559, ou non (comme les joumblattistes). On aurait pu penser que l’initiative de faire bouger la rue, via les partis, aurait pu inquiéter les autorités en place. De fait, le ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié, principal concerné par le maintien de l’ordre, a tenté de négocier une annulation, un remplacement ou un report de la manifestation. Mais il a d’autant moins réussi que d’autres piliers du pouvoir ont lourdement mis la main à la pâte pour faciliter l’organisation de la grande démonstration de force. Bien entendu, l’opposition le leur reproche. En s’étonnant que des officiels, qui ont pris acte juridiquement de la résolution 1559, puissent soutenir une manifestation dirigée contre la légalité internationale. Mais les fidèles du jumelage vont vaillamment de l’avant. L’un de leurs hérauts habituels, le député Nasser Kandil, soutient ainsi que les digues vont être rompues par le flot populaire, comme autant de lances contre ce qu’il appelle d’une façon imagée « le parti de Feltman. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’une fois de plus le fameux « remote control » agit sur la scène libanaise. Toutes les forces dépendant ou proches de la Syrie sont mises à contribution pour le grand jour du 30 novembre. Malgré l’ampleur du mouvement, un député opposant le juge comme « cartoonesque », frisant l’inanité sinon le ridicule. Il souligne en effet que derrière les slogans brandis, qui sont de pure acrimonie, on ne décèle aucun projet, aucune proposition politique. Il s’agit simplement de déverser un trop-plein de bile. Ce qui est, à son sens, un peu débile. Et dangereux, car les mouvements de foule, on sait comment ça commence, on ne sait jamais comment ça peut finir. Sans compter, ajoute ce député, qu’après le 30, les morceaux seront encore plus durs à recoller sur le plan politique intérieur déchiré. Ce député en veut à Omar Karamé pour avoir parlé d’un million. Il note qu’il reste, sur les quatre millions de Libanais résidents, trois autres millions qui ne vont pas manifester. Et qu’on ne doit pas oublier les quelque 15 millions de Libanais, ou de Libanais d’origine, qui sont à l’étranger et dont la volonté est majoritairement, autant que notoirement, indépendantiste. Ce parlementaire remarque qu’au lieu de se gargariser de chiffres gonflés, le gouvernement ferait mieux de travailler, pour le peu de temps qu’il a à accomplir et le beaucoup de tâches qu’il a à remplir. Il devrait s’occuper des prestations sociales, accélérer la présentation du budget, préparer la loi électorale sans tarder. Alors qu’il la promet pour février, ce qui serait trop proche de l’échéance des législatives, au printemps. Cette même personnalité relève que si les partis de la ligne dite nationale voulaient vraiment soutenir l’État, ils se seraient avant tout interdit de manifester. Parce qu’après tout, une manifestation, cela fait toujours désordre par rapport à l’État, au système en place. Qui a besoin, ici plus qu’ailleurs, pour lui-même encore plus que pour le pays, de stabilité et non d’agitation. Or l’initiative des forces loyalistes va exacerber des tensions locales déjà très vives. Conduire l’opposition à durcir ses positions, et à contre-manifester, peut-être sur plusieurs jours, alors qu’auparavant certains éléments de Kornet Chehwane œuvraient pour la détente et le dialogue. Dorénavant, et à cause de l’aveuglement du gouvernement concernant le recours à la rue, la plupart des opposants n’en veulent plus pour gérer les législatives. Ils crient déjà au manque de légitimité et d’impartialité, en dénonçant la présence, sur les bancs du gouvernement, de non moins de 20 candidats-députés sur 33 ministres. Ils réclament donc la démission du cabinet et son remplacement par une équipe neutre. Finalement, observent les opposants, le seul changement que le pouvoir prorogé, qui en a tant promis, a opéré, c’est de larguer Hariri. Philippe ABI-AKL
Depuis hier, le pays se trouve sous le régime d’un mandat présidentiel prorogé de trois ans. L’amendement constitutionnel de fait accompli, voté en défiant la communauté internationale et sa 1559, a provoqué dans ce pays une césure qui va en s’aggravant. La main tendue par le président Lahoud, qui a ouvert la porte de Baabda à tous, n’a pas suffi à amadouer...