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SPECTACLE - Au théâtre Monnot «Yalo», d’Élias Khoury: sexe, passion, politique et torture (Photo)

L’univers carcéral dans toute son horreur. Une dénonciation virulente du monde des prisons, où torture et interrogatoire musclé font un hideux et insoutenable mariage. Un jeune metteur en scène, Charif Abdelnour, fondateur du théâtre Masrah al-Arab, se penche sur l’un des romans d’Élias Khoury qui a inspiré récemment, au cinéma, l’émouvant film La porte du soleil d’après le roman du même titre, traduit déjà en français. Adaptation fragmentaire pour la scène de Yalo où un jeune homme, enrôlé autrefois dans les milices durant la guerre fratricide au Liban, se fait pincer pour… viol. Et s’enclenche le cycle infernal des accusations de toutes sortes dans le noir gluant des geôles. Sexe, passion, politique et torture sont les ingrédients corsés de cette pièce sombre mais au souffle humain indéniable. Une scène nue et sans décor, avec quelques jeux de lumière. Accessoires d’ambiance: un panneau fait de feuilles A4 blanches collées les unes aux autres, tel un curieux paravent japonais, une table, une chaise et un kalachnikov. Images de la mémoire éclatée qui se projettent sur cet écran de fortune avec, pour l’interrogatoire, un «bourreau» bourru, qu’on voit en ombre chinoise… Et soliloque sur scène, entre arabe dialectal et quelques bribes de phrases littéraires, ce Yalo, jeune citoyen en bretelle, jeans et botte en caoutchouc, pris dans l’engrenage incompréhensible et obtus d’un collimateur sourd et aveugle. Déballage impudique et versatile d’une vie où la seule chaleur est celle d’une femme un peu manipulatrice, dont on ne verra d’ailleurs sur scène que les amusants ou agaçants croisements de jambes. Viol, partie de plaisir, rencontre passionnelle? Où est la vérité entre cet homme et cette femme détenteurs des vérités qui sauvent ou damnent les êtres? Et se dessine peu à peu le profil d’un être malmené par la vie et les événements. Sous le choc inhumain de la torture (notamment cette odieuse scène de l’empalement par le col d’une bouteille de Pepsi qu’on tend sournoisement à boire au prisonnier tremblant de peur), le captif avoue tout et n’importe quoi… Des scènes torrides de sexe d’un jeune affamé de plaisir charnel, on sombre aux aveux politiques les plus fous, juste pour ne plus être battu et humilié. Sévices moraux et physiques pour Yalo qui finiront en queue de poisson, pour la bonne raison que la politique ne pesait pas lourd sur son parcours; quant aux entorses du comportement avec la femme qui a mis ses sens en flamme, ce sera une autre histoire… Une de ces histoires dont les dossiers ne sont jamais fermés, comme une énigme et un suspense pour l’éternité. Les acteurs (en tête du petit peloton Johnny el-Hage, mi-cabotin, mi-tragique à masque vénitien, Rosanna Bou Absi – les jambes en l’air c’est elle! –, Ali Wehbi en «tortionnaire inquisiteur», Achraf Moutawee en moine lénifiant) essayent de trouver les mots et les expressions justes dans cette pièce aride, sans concessions, quelques pointes d’humour noir presque invonlontaires dans une atmosphère irrespirable et fustigeant, sans ménagement ou autre forme de procès, les débordements et dérives des autorités justicières… Un théâtre témoignage et non de divertissement, pour une réalité dure qui dépasse l’entendement. Âmes sensibles s’abstenir. Edgar DAVIDIAN
L’univers carcéral dans toute son horreur. Une dénonciation virulente du monde des prisons, où torture et interrogatoire musclé font un hideux et insoutenable mariage. Un jeune metteur en scène, Charif Abdelnour, fondateur du théâtre Masrah al-Arab, se penche sur l’un des romans d’Élias Khoury qui a inspiré récemment, au cinéma, l’émouvant film La porte du soleil...