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analyse Plaidoyer en vue d’une approche nouvelle des relations libano-syriennes Pour pouvoir célébrer un vrai 22 novembre

«Le Liban vit de la liberté et il mourrait sans elle. La Syrie officielle, qui le sait, fait ce qu’elle peut pour nous enchaîner à elle. C’est une vue assez courte ; car le meilleur allié de la Syrie, en face de mille dangers, c’est un Liban indépendant et prospère » (...). Ces propos ne sont pas ceux d’un ténor de Kornet Chehwane, d’un responsable « aouniste » ou FL ou même d’un cadre de la Gauche démocratique. Ils ne datent pas d’aujourd’hui. Ils remontent au 23 novembre... 1954. Ils ont été publiés dans le quotidien Le Jour par ce véritable visionnaire que fut Michel Chiha. À l’époque, le pouvoir syrien avait pris une série de mesures à l’encontre du Liban pour faire pression sur le gouvernement libanais en vue de l’amener à s’aligner sur le système d’économie dirigée adopté alors par Damas. L’éditorial de Michel Chiha était certes motivé par un contexte totalement différent de notre conjoncture présente. Mais il n’en reste pas moins que sa teneur, et plus particulièrement les termes utilisés dans le passage reproduit ci-dessus illustrent de manière on ne peut plus claire une réalité indéniable qu’il serait malsain d’occulter : les relations entre le Liban et la Syrie ont été marquées à différentes périodes de l’histoire contemporaine des deux pays par un climat de méfiance, d’incompréhension, parfois même d’hostilité à peine larvée, qui perdure pratiquement depuis la fin du mandat. Ces relations ont été constamment régies par une logique de coercition et de rapports de force, au lieu d’être le fruit de mesures de confiance (« confidence building measures », comme diraient les Américains), basées sur la sauvegarde des intérêts et le respect des spécificités de chacun des deux peuples. À l’occasion de l’anniversaire du 22 novembre (et en attendant de pouvoir célébrer une véritable « fête de l’indépendance »), une réflexion s’impose au sujet de la nature de ces liens bilatéraux. Mondialisation oblige : les facteurs économiques et la conception moderne, rationnelle, civilisée, des relations entre deux pays (quels qu’ils soient) devront tôt ou tard – que les esprits sclérosés le veuillent ou non – prendre le dessus sur l’approche militaro-sécuritaire à connotation stalinienne. L’époque du tiers-mondisme primaire des années 60 et de la guerre froide est à jamais révolue. On oublie souvent, aussi bien à Beyrouth qu’à Damas, que le Liban et la Syrie sont désormais engagés dans un processus de partenariat euro-méditerranéen qui implique non seulement l’ouverture des marchés et la création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, mais également l’adoption de mesures politiques concrètes au niveau du respect des droits de l’homme et de l’adaptation de l’establishment en place aux pratiques démocratiques. Nul ne peut nager indéfiniment à contre-courant, se placer constamment en porte-à-faux avec le cours naturel de l’histoire. Le monde est entré de plain-pied dans le XXIe siècle et il est sans doute grand temps que l’on passe, au plan des relations libano-syriennes, de la logique sécuritaire la plus pure à une approche de style euro-méditerranéen. C’est un tel changement de mentalités, de vision d’avenir, qui permettrait de tourner la page de la suspicion dans les rapports bilatéraux. Et de clore, par la même occasion, le dossier du recouvrement de l’indépendance et de la souveraineté du Liban. Mais cela nécessite beaucoup de courage et de clairvoyance à Damas et, surtout, un regain de dignité à Beyrouth. Une dignité qui permettrait d’épargner aux Libanais cette véritable insulte à leur intelligence que constituent les propos des responsables officiels invitant l’ambassadeur américain à ne pas s’immiscer dans nos affaires intérieures alors qu’il presse, précisément, le Liban de prendre son destin en main. Serait-il superflu, à cet égard, de rappeler à ces responsables les conditions dans lesquelles s’exerce le pouvoir sur la scène locale depuis, au moins, l’époque de Taëf ? Il faudra un jour que nos dirigeants aient l’audace de regarder, en toute lucidité, les vérités en face. Pour que le pays puisse célébrer réellement, enfin, le 22 novembre. Le vrai... Michel TOUMA
«Le Liban vit de la liberté et il mourrait sans elle. La Syrie officielle, qui le sait, fait ce qu’elle peut pour nous enchaîner à elle. C’est une vue assez courte ; car le meilleur allié de la Syrie, en face de mille dangers, c’est un Liban indépendant et prospère » (...).
Ces propos ne sont pas ceux d’un ténor de Kornet Chehwane, d’un responsable « aouniste » ou...