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Actualités - OPINION

Nasser, Yasser...

Jusque dans la mort, l’insaisissable Yasser Arafat aura ridiculisé ceux qui prétendaient lui dénier le droit de parler plus longtemps pour les Palestiniens. Jamais depuis Nasser en effet, la disparition d’un chef arabe n’a été ressentie avec tant de douleur et de désarroi par les siens. Et si Ariel Sharon est bien aise d’avoir perdu son ennemi intime, si les condoléances de George W. Bush ne brillaient guère par leur sincérité, le gros de la planète était adéquatement représenté hier au Caire pour un dernier hommage à la mémoire du vieux leader. Non point évidemment que Arafat faisait l’unanimité aux quatre coins du globe ; mais il est réconfortant de constater que le monde sait encore respecter, dans le deuil, le choix des peuples. Particulièrement remarquable de dignité, de générosité et de perspicacité politique aura été à cet égard l’attitude de la France où a été soigné, où a expiré Abou Ammar, entouré des honneurs dignes d’un chef d’État. Louable elle aussi, certes, est la décision de l’Égypte d’abriter les funérailles officielles en raison de l’impossibilité pour les monarques et présidents arabes de se rendre en Palestine. Mais d’obsèques populaires point, dans cette même Égypte qui pourtant a vu naître, grandir et décrocher son diplôme d’ingénieur Yasser Arafat : sage précaution, foule et affliction pouvant faire en effet un mélange des plus détonants. Mais est-elle ailleurs que dans la rue, l’affliction ; a-t-elle vraiment gagné la brochette de dirigeants arabes réunis hier au Caire pour un ultime salut à la dépouille du leader palestinien ? Arafat a causé la ruine du Liban après avoir manqué faire de même avec la Jordanie, il a guerroyé contre les Syriens qui cherchaient en vain à lui imposer leur tutelle, il a applaudi Saddam Hussein qui envahissait le Koweït. Et pourtant ces mêmes chefs arabes bien carrés dans leurs trônes ou fauteuils et qui gèrent des États constitués, policés (et même trop souvent policiers) ont gros à envier à ce paria : à savoir la confiance, l’allégeance, l’attachement, l’affection que lui aura invariablement manifestés son peuple, dans la vie comme dans la mort. Qui dit mieux, Messieurs ? Nasser-Arafat : ces deux destins se croisent en plus d’un point, trouvant une troublante conclusion dans les mêmes ondoiements de marées humaines. Tous deux ont joué la guerre pour parvenir à la paix. Aux yeux d’un monde arabe sonné par l’ampleur de la défaite militaire de 1967, c’est d’ailleurs la cruelle déroute du colosse égyptien qui devait faire la fortune d’Abou Ammar et de ses fedayine. En reconnaissant non plus le fait israélien mais le droit à l’existence de l’État hébreu, en concluant les accords d’Oslo, le Palestinien a frôlé la paix de la main. Confronté tour à tour à de vulnérables gouvernements travaillistes et à des durs du Likoud, Arafat doit-il assumer seul la responsabilité des occasions historiques ratées comme on le lui reproche communément ? Sans doute pas ; il reste que le chef de l’Autorité autonome a reculé devant le dernier saut, celui qui, du modèle Nasser, devait le transporter scabreusement dans le moule d’Anouar Sadate : Sadate qui est arrivé à récupérer jusqu’au dernier pouce de territoire perdu par son illustre prédécesseur ; Sadate qui s’est vu taxer de traître et l’a payé de sa vie. Interdit de sépulture à Jérusalem, c’est néanmoins sous une terre apportée de la Ville sainte que repose le coureur épuisé, dans ce même bureau-prison où il était enfermé depuis des années. Des épreuves les plus humiliantes, Yasser Arafat aura une fois de plus tiré une improbable grandeur. Issa GORAIEB
Jusque dans la mort, l’insaisissable Yasser Arafat aura ridiculisé ceux qui prétendaient lui dénier le droit de parler plus longtemps pour les Palestiniens.
Jamais depuis Nasser en effet, la disparition d’un chef arabe n’a été ressentie avec tant de douleur et de désarroi par les siens. Et si Ariel Sharon est bien aise d’avoir perdu son ennemi intime, si les...