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Pour le député du Metn, il faut « remplacer l’administration syrienne du Liban par une administration nationale » Nassib Lahoud : Ce gouvernement ne représente pas le pouvoir exécutif, celui-ci se trouve ailleurs

Lorsqu’il commence à s’exprimer à la tribune de l’hémicycle, ses détracteurs et ses alliés, ses amis et ses ennemis se taisent et l’écoutent attentivement. Nabih Berry, qui a presque toujours quelque chose à faire ou à dire pendant les interventions des députés se lève et le fixe du regard et de l’oreille pendant toute la durée de son discours. Indéniablement, Nassib Lahoud, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a une stature d’homme d’État ; et si chacune de ses interventions place de l’Étoile, à différents degrés, retient l’attention, marque les esprits, celle d’hier se dégage, naturellement, du lot. Puisqu’elle équivaut à une déconstruction mathématique de l’ensemble du pouvoir en place. Le président du RD a d’abord consacré quelques petites minutes au cabinet Karamé. « C’est le gouvernement de la division et de la dispersion, à l’heure des grandes difficultés, à l’heure où l’unité devient urgente et le dialogue rarissime. C’est le gouvernement du clientélisme, à l’heure de l’émigration ; celui du blocus politique, de la reconduction des crises et de la praxis politique qui a mené le pays à la dégénérescence. Personne n’y échappe : ni son chef pour qui nous avons cependant du respect, ni les qualités de certains de ses membres, ni les répétitions à outrance de sa déclaration ministérielle, pratiquement clonée à partir des archives des gouvernements qui se sont succédé depuis le début des années 90. Et ce n’est pas non plus l’image très civilisée renvoyée par la présence inédite de femmes en son sein qui pourra sauver ce gouvernement. J’ai sincèrement très peur pour le crédit personnel de ces messieurs et de ces dames, le jour, très prochain, où l’on fera le bilan de ce gouvernement », a-t-il prévenu. Et puis il s’est attaqué aux fondements même du cabinet, en les démontant un à un. Ce gouvernement, comme tous les autres gouvernements d’après-guerre, « ne représente pas le pouvoir exécutif du Liban, comme l’a stipulé l’accord de Taëf, à propos duquel la déclaration ministérielle a presque honteusement et très laconiquement reconnu qu’il fallait poursuivre son application ». Citant une ancienne déclaration d’un actuel ministre, Nassib Lahoud a souligné que cet accord a fait l’objet d’un coup d’État qui l’a littéralement vidé de son sens « au profit d’un pouvoir autoritariste – et c’est là le véritable problème ». Parce que, a-t-il poursuivi, le Conseil des ministres, depuis dix ans, n’est que la vitrine, le masque d’un véritable pouvoir « qui se trouve ailleurs » – au mieux est-il « le partenaire, faible, du système sécuritaro-politico-judiciaire qui règne sur tous les rouages du pouvoir ». Pour le député du Metn, ce système est « immunisé contre l’alternance, n’est soumis à aucune remise en cause, aucune interpellation ». Pourquoi ? Parce qu’il « s’auto-alimente et s’autorégénère grâce au muselage des libertés, à la répression – secrète, nocturne, ou alors au grand jour – des citoyens, des étudiants, des opposants. Ce système garantit sa pérennité, aussi, par la voie des élections contrôlées, antidémocratiques, taillées à la mesure de ses hommes lige, verrouillées pour anéantir les opposants ou les adversaires, gavées de menaces, de transferts de registres d’état civil, de pots-de-vin, etc. », a-t-il poursuivi. « Et si, par chance, certains échappent aux mailles du filet et arrivent à se faire élire, on leur prépare une série de pièges et de complots au Conseil constitutionnel, désormais outil d’allégeance aux mains des puissants, comme bien d’autres instances judiciaires, au lieu d’être la conscience de la Loi fondamentale. » Et Nassib Lahoud ne s’est pas arrêté en si bon chemin, puisqu’il a également évoqué « la mainmise sur les municipalités et les crédits qui leur sont alloués, ainsi que l’embastillement et l’embrigadement des médias, les interventions quotidiennes dans leurs affaires. Chaque journaliste, chaque homme de médias au Liban sait cela et en souffre », a-t-il souligné. « Et pour couronner le tout, ils ont transformé les citoyens et leurs droits en clients politiques, en nécessiteux, en assistés, obligés, pour bénéficier de cette assistance, de faire montre d’une fidélité et d’une obéissance aveugles. » D’une logique mathématique, Nassib Lahoud explique, démontre, que ce clientélisme politique, « qui prospère à l’ombre du système sécuritaro-politco-judiciaire, est la raison principale d’une endémique et très organisée corruption : al-Madina, l’électricité, le secteur des combustibles, les coupons de pétrole irakien, les carrières... ne sont que la partie visible de l’iceberg immense qu’est cette corruption politique » a-t-il dit, évoquant la position abyssale du Liban dans le classement des pays où la corruption est la plus répandue. « Le gouvernement a assuré qu’il allait s’opposer à la corruption administrative, mais qui va faire face à la corruption politique ? » a-t-il demandé. La démonstration, la déconstruction se poursuit par l’introduction d’un autre facteur : la tutelle, ou plutôt « l’influence syrienne ». Puisque, selon Nassib Lahoud, ce système qui se cache derrière chaque cabinet, qui a « dynamité » l’accord de Taëf, anéanti la démocratie et les libertés, qui parraine la corruption et le clientélisme, ce système « s’abrite à l’ombre de l’influence syrienne au Liban et de la présence militaro-sécuritaire syrienne au Liban ». Cet état de fait « bloque le système constitutionnel, paralyse le travail des institutions et fait en sorte que la plupart des décisions essentielles que doivent prendre les seuls Libanais sont adoptées à Damas », a rappelé le député du Metn, donnant comme exemple parmi tant d’autres le triple amendement en dix ans de la Constitution. Il évoque ensuite « l’étroitesse » de la marge de manœuvre de la gestion syrienne du Liban, soulignant que le facteur sécuritaire « prime sur tout le reste, comme si le Liban a été réduit à un simple dossier sécuritaire – oui, un dossier – ; et Dieu sait combien de fois nous avons entendu ce mot dans la bouche des responsables des deux pays ». Enfin, il a relevé que ce type de relations libano-syriennes, unilatérales, n’est absolument pas immunisé contre un quelconque chamboulement des alliances internationales. Ce type de relations, « qui a semblé renforcer, pendant un moment, le crédit de la puissance régionale syrienne, est désormais objet de la condamnation internationale, un prétexte de pressions, de menaces et d’isolement », a-t-il précisé, donnant la 1559 en exemple. Et contrairement à beaucoup d’autres, qui critiquent sans jamais proposer d’alternative, le président du RD a bien explicité son plan. « Nous voulons d’abord remplacer l’administration syrienne du Liban par une administration libanaise, qui sera le reflet de la seule volonté des Libanais. Nous voulons que cela se fasse par les seuls moyens démocratiques, par un dialogue libre entre les Libanais, tous les Libanais. Nous voulons que cela se fasse en accord avec la Syrie, que cela ne soit pas contre la Syrie, que cela garantisse ses intérêts stratégiques, tout en pavant la voie à des relations de respect entre les deux pays frères, réellement souverains et indépendants, à un partenariat stratégique régi par la légalité internationale, plus fort que les bouleversements géostratégiques... » Enfin, sur le plan de l’accord de Taëf et du système politique, Nassib Lahoud préconise l’attachement, à tous les niveaux et sans interprétation aucune, à l’esprit et à la lettre de cet accord. Il souhaite que cesse le glissement de plus en plus progressif vers un système présidentiel, « en apparence », et un système sécuritaire, « en réalité ». Lequel « profite de l’appareil judiciaire et des services pour perdurer, en frappant les libertés, en réprimant l’opposition, en interdisant l’alternance, en protégeant les projets illégaux ». Il appelle également à des législatives « libres, réellement propres, régies certes par une loi démocratique et juste, mais surtout obéissant à un contrôle impartial et honnête, diamétralement opposé au rôle joué par le ministère de l’Intérieur durant les dix dernières années ». Quatrième point avancé par le député du Metn : commencer à « démanteler l’apppareil de corruption politique organisée, qui dirige chaque pan de la vie quotidienne au Liban ». Sans oublier la vérité, toute la vérité à propos de la tentative d’assassinat à laquelle a échappé Marwan Hamadé. « Sinon, ce crime politique sera de la responsabilité du régime en place et des pouvoirs sécuritaires. » Et pour finir, Nassib Lahoud a confirmé, évidemment, qu’il n’accordera pas la confiance au cabinet Karamé. Z.M.

Lorsqu’il commence à s’exprimer à la tribune de l’hémicycle, ses détracteurs et ses alliés, ses amis et ses ennemis se taisent et l’écoutent attentivement. Nabih Berry, qui a presque toujours quelque chose à faire ou à dire pendant les interventions des députés se lève et le fixe du regard et de l’oreille pendant toute la durée de son discours. Indéniablement,...