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Actualités - CHRONOLOGIE

LIRE EN FRANçAIS ET EN MUSIQUE Il a signé au stand Virgin « La perfection du tir », de Mathias Énard : le cercle infernal de la violence de la guerre (Photo)

Lire « La perfection du tir » de Mathias Énard (Actes Sud, 2003), c’est prendre le risque de revivre les affres d’une guerre civile aux cicatrices mal recousues. Du moins pour le lecteur libanais, qui revit donc un épisode cuisant de son existence. Pour son premier roman publié – « J’ai abandonné les trois précédents dans un fond de tiroir », précise-t-il en riant –, il a choisi pour trame la violence extrême. «Ce sujet me fascinait. Pendant plusieurs années, parallèlement à mes études de persan et d’arabe, j’ai interrogé des combattants irakiens, iraniens et libanais. » Ces « séquelles de guerre », qu’il observait, enfant, sur le corps de son grand-père qui a « participé à toutes les guerres du XXe siècle », l’ont mené peu à peu vers « les traces qu’un conflit laisse dans l’esprit ». Bourreaux, victimes : les effets de la violence sont « dévastateurs », et Mathias Énard a choisi d’en faire son roman. Un franc-tireur s’occupe, quand les accalmies le lui permettent, de sa mère à moitié folle. Quand il constate qu’il ne peut plus le faire tout seul, il demande l’aide de Myrna, une toute jeune femme de 15 ans qui devient lentement son obsession lorsqu’il est au front. « Je sentais que quelque chose n’allait pas dans l’écriture, commente l’auteur. Ce combattant à la troisième personne du singulier ne tenait pas vraiment la route. C’est en 1999, alors que j’étais de passage à Beyrouth, que j’ai décidé d’employer le “je”. » Si le meurtrier et Myrna tiennent les rôles principaux, la tendresse du regard du protagoniste pour son camarade de guerre, Zak, fraternel et ultraviolent, mais aussi pour sa mère, rend ces derniers magnifiques. « Une fois que j’ai tenu le personnage, c’est moi qui ai été obligé de m’arrêter, raconte Mathias Énard. Je profitais du rythme guerre/cessez-le-feu pour reprendre mon souffle ; il y avait une adéquation entre le combattant et l’écrivain. » Difficile d’identifier la ville au début du roman, même si Beyrouth se dévoile clairement dans les dernières pages. « C’est par respect pour les combattants et parce que cette guerre n’est pas la mienne que j’ai voulu cette opacité », précise-t-il. Outre ce roman sensible, où l’amour ne trouvera malheureusement pas sa place, l’auteur présente également un travail récent de traduction d’un amusant Épître de la queue, une « obscénité divertissante » de Mirzâ Habib Esfahâni, poète persan du XIXe siècle (éditions Verticales, 2004). « C’est une décision prise avec Bernard Wallet, directeur de la publication, commente-t-il. Cette publication montre d’abord que ce texte n’est pas de la mauvaise pornographie, comme on voulait le faire croire à l’époque de son écriture, et ensuite que le corps peut faire rire dans ses postures les plus dégradantes. » D.G.
Lire « La perfection du tir » de Mathias Énard (Actes Sud, 2003), c’est prendre le risque de revivre les affres d’une guerre civile aux cicatrices mal recousues. Du moins pour le lecteur libanais, qui revit donc un épisode cuisant de son existence. Pour son premier roman publié – « J’ai abandonné les trois précédents dans un fond de tiroir », précise-t-il en riant –, il a...