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Débat - Interventions à l’Usek de Salah Honein, Badawi Abou Dib et Waël Kheir L’abolition de la peine de mort, un choix moral à faire

Le débat toujours passionnel autour de la peine de mort a été relancé jeudi soir lors d’une conférence à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Usek) qui a réuni trois intervenants de marque : le député Salah Honein, le juriste Badawi Abou Dib et le militant des droits de l’homme Waël Kheir. C’est à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, qui tombe le 10 octobre (un congrès international s’est tenu à cette date à Montréal), que le tout jeune Centre international de rencontre et de dialogue culturel (Cirdic), en collaboration avec la pastorale universitaire de l’Usek, a pris cette initiative. Le ton du débat, qui avait pour thème « La législation libanaise et la campagne mondiale contre la peine de mort », était favorable à l’abolition de la peine capitale au Liban, même si la complexité de cette question, qui divise toujours l’opinion publique, transparaissait au cours des interventions et du débat avec le public. Le député Salah Honein, qui a rappelé être à l’origine, avec six de ses collègues, d’un projet de loi pour l’abolition de la peine de mort, s’est employé à défendre le choix abolitionniste. Pour lui, « la peine de mort ou son abolition est en premier un choix moral à faire » parce que la peine capitale « est considérée comme un acte d’agression prémédité et délibéré sur une personne incapable de se défendre », et parce qu’elle « suggère qu’il n’y a pas d’espoir de réhabilitation ou de rédemption pour un criminel ». L’attitude à adopter envers la peine de mort suppose en second lieu un choix politique à faire, constate M. Honein, qui relève que la peine capitale a été abolie dans les pays où la liberté est inscrite dans la Constitution et respectée dans la pratique, contrairement aux dictatures où « l’État a le droit de disposer du citoyen jusqu’à lui retirer la vie ». Enfin, l’abolition de la peine de mort est un choix juridique. « Pour les partisans de la peine de mort, la mort du coupable est une exigence de justice, souligne le député. Toutefois, cela signifie que la loi du talion demeurerait, à travers les millénaires, une loi nécessaire à la justice humaine, ce qui est inconcevable à notre époque vu que le progrès et l’évolution de la justice ont permis de dépasser les vengeances (…) » Et la peine de mort comme prévention contre la récidive ? « Dans cette optique, la justice tuerait plus par précaution que par vengeance, et elle se transforme dès lors en justice d’élimination », fait-il remarquer. Il faut évoquer ici un argument massue des partisans de la peine capitale que les trois intervenants ont contesté : celui de la dissuasion. Selon eux, l’expérience a montré que la courbe de la criminalité ne semblait pas affectée par l’exécution des criminels. Les raisons en sont multiples : d’une part, la grande partie des crimes sont commis en des instants de folie, sous l’impulsion de pulsions de violence et de mort. Même dans le cas de crimes prémédités, le tueur croit pouvoir s’en sortir, et la peur ne le rattrape que quand il est capturé. Réhabilitation et non pas vengeance Après avoir rappelé que le Parlement a aboli le texte qui prive le juge de son pouvoir d’appréciation, en d’autres termes de celui de tenir compte de circonstances atténuantes, Me Abou Dib a évoqué les multiples cas auxquels s’applique la peine de mort et qui sont cités dans la loi, certains étant inspirés de la guerre, comme les crimes à caractère confessionnel ou les attentats à l’explosif. Ce qui n’a pas empêché l’attentat contre le ministre Marwan Hamadé, ni les assassinats du président René Moawad et du ministre Élie Hobeika, a-t-il remarqué. Me Abou Dib a par ailleurs souligné que la peine de mort ne pouvait être placée sur un pied d’égalité avec le crime puisque la victime d’un tueur pouvait toujours entrevoir ne serait-ce qu’une faible lueur d’espoir d’échapper à son bourreau, alors que le condamné à mort sait que son destin est définitivement scellé. « Cela signifie-t-il pour autant que la peine de mort doit être abolie dans la loi ? » se demande-t-il. C’est là qu’il aborde le problème du châtiment qui remplacerait la peine de mort dans les cas des crimes les plus graves : serait-ce la prison à perpétuité ? Une question en entraîne une autre : les prisons au Liban et même dans les pays développés sont-elles aptes à réhabiliter le criminel et protéger la société contre une éventuelle récidive au cas où il est libéré ? Et s’il y passe le restant de ses jours, n’aurait-il pas été enterré vivant et n’aurait-il pas souffert davantage que ce qu’il aurait enduré au moment de sa mise à mort ? « Ce sont des questions qui requièrent un examen approfondi dont le débat dépasse la compétence des seuls juristes, et doit englober les sociologues et les responsables religieux, sociaux et nationaux », conclut Me Abou Dib. Enfin, c’est sous l’angle des droits de l’homme que Waël Kheir, porte-parole de la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH), a traité cette question. Il a rappelé que les dernières exécutions, qui ont eu lieu cette année, avaient été accompagnées d’un fort mouvement de protestation de la société civile. Les raisons pour lesquelles la peine capitale est considérée par les militants comme contraire à la justice et aux droits de l’homme sont multiples, selon M. Kheir. D’une part, « les crimes les plus graves sont commis par des êtres souffrant de déséquilibre mental », ce qui pose la question de leur responsabilité. D’autre part, la peine de mort suppose que le criminel assume la responsabilité absolue de son acte sans être affecté par aucun autre facteur, ce qui ne saurait être le cas, selon lui. Ensuite, la peine capitale n’a plus sa place dans une civilisation qui considère que le châtiment est une réhabilitation, non une vengeance. Il poursuit en disant que, selon les croyants, l’homme étant à l’image de Dieu, c’est à celle-ci que l’on nuit quand on condamne un être à mort. Réitérant l’argument selon lequel la peine de mort ne s’est pas avérée dissuasive, M. Kheir conclut en rappelant qu’elle va à l’encontre de deux articles de la Charte des droits de l’homme. Une liaison téléphonique avec Michel Taube, président de la campagne mondiale « Ensemble contre la peine de mort », a eu lieu durant la conférence. Celui-ci a souligné que, « même si le Liban est l’un des trois pays du monde à avoir repris les exécutions cette année, la résistance significative qu’ont provoquée ces décisions nous donne l’espoir que la peine de mort pourra y être abolie ». Il a rappelé que le congrès international sur la peine de mort a insisté, dans ses recommandations, sur le rôle des parlementaires, et que son organisation était prête à collaborer avec les députés libanais sur ce point. S. B.
Le débat toujours passionnel autour de la peine de mort a été relancé jeudi soir lors d’une conférence à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Usek) qui a réuni trois intervenants de marque : le député Salah Honein, le juriste Badawi Abou Dib et le militant des droits de l’homme Waël Kheir. C’est à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, qui...