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EN DENTS DE SCIE Vous reprendrez bien un autre café...

Quarante-deuxième semaine de 2004. Le fantasme absolu du Libanais moyen : devenir une souris. Ou mieux : installer des micros dans la pièce où les deux hommes se retrouvent et une installation d’écoute à domicile. Pour pouvoir entendre ce que peuvent bien se dire – et comment ils se le disent – Émile Lahoud et Rafic Hariri à chaque fois qu’ils se retrouvent depuis le massacre, par 96 « serial-amendeurs », de la Constitution libanaise, le 3 septembre dernier. Sachant que le président prorogé sur ordre du tuteur syrien ne peut pas se permettre de virer purement et simplement le Premier ministre (Damas le veut au Sérail), qu’il préfère (et doit certainement faire en sorte) le voir démissionner de lui-même. Sachant également que l’inamovible Premier ministre ne peut pas se permettre de renoncer à la troisième présidence (il serait immédiatement soupçonné de collusion avec l’opposition nationale), qu’il préfère (et doit certainement faire en sorte) que le chef de l’État lui signifie lui-même son congé. Mais que ce Libanais se console. Parce que avec cette trame de (très mauvais) roman de gare, grâce auquel le lecteur étranger apprend, dès les premières lignes, que la victime immolée sur l’autel de cette cohabitation stérile et abâtardissante n’est autre que le Liban, le dialogue des deux hommes, qui n’ont même pas un dénominateur commun sur lequel se retrouver, ne peut en aucun cas ressembler à du Shakespeare. Alors, au lieu de rester arc-boutés sur des revendications parfaitement parallèles, qui ne se croiseront jamais, sans doute vaudrait-il mieux qu’ils multiplient donc les tasses de café et les considérations climatiques – la saison s’y prête admirablement –, en attendant que leur arrive de Damas ou de Anjar, par fax, la composition du prochain gouvernement. En attendant aussi que finisse d’agoniser un Parlement qui ne sert absolument plus à rien. À part à malmener la Constitution et à servir de bunker politique avec vue sur la Méditerranée à Nabih Berry. Quarante-deuxième semaine de 2004. Le fantasme absolu du Libanais moyen : qu’Émile Lahoud gouverne en harmonie avec ses promesses. Une fois son mandat rallongé de trois ans, le chef de l’État a aligné les promesses de vents nouveaux, de mœurs nouvelles, affirmé et réaffirmé que les portes de Baabda sont ouvertes, grandes ouvertes, pour tout le monde. Que ces invitations au voyage national aient été l’expression d’une sincère volonté de rectifier les erreurs des années écoulées ou celle d’une nécessité autrement plus triviale, dictée par la réalité des résolutions onusiennes et qui exige une couverture, une crédibilité, une légitimité pour une prorogation exportée et imposée ; peu importe. Si seulement Émile Lahoud avait eu la bonne idée de convaincre le tuteur syrien de l’urgence d’un consensus national, de l’urgence d’un plan de sauvetage à l’image de celui proposé tant par le Rassemblement démocratique de Walid Joumblatt que par le Renouveau démocratique de Nassib Lahoud, un plan capable de convaincre l’opposition nationale de participer au premier cabinet du demi-mandat, un plan à même de « désinternationaliser » le dossier libanais... Non seulement aurait-il atténué l’impact de l’erreur de la prorogation de son mandat, mais aurait-il assurément réduit, et de beaucoup, son impopularité. Et remis le Liban, en compagnie de Rafic Hariri, sur la voie de l’inespérée guérison. En attendant, les Libanais, eux, se contentent, entre deux cafés, de fantasmer sur du sang totalement neuf qui viendrait transfuser un Exécutif moribond et inutile. Ziyad MAKHOUL
Quarante-deuxième semaine de 2004.
Le fantasme absolu du Libanais moyen : devenir une souris. Ou mieux : installer des micros dans la pièce où les deux hommes se retrouvent et une installation d’écoute à domicile. Pour pouvoir entendre ce que peuvent bien se dire – et comment ils se le disent – Émile Lahoud et Rafic Hariri à chaque fois qu’ils se retrouvent depuis le...