Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Le procureur de Malabo s’est adressé à la presse, à Beyrouth Plainte contre trois Libanais impliqués dans le putsch manqué en Guinée

Apparemment, les procureurs généraux de tous les pays ont des points communs : ils ont l’air redoutable et... sont bavards. M. José Olo Obono, procureur général de Guinée équatoriale, s’est adressé samedi à la presse libanaise, insistant pour expliquer en espagnol les tenants et les aboutissants du coup d’État manqué dans son pays, dont un Libanais serait le cerveau ou en tout cas le coordonnateur général. L’objectif de M. Obono : sensibiliser les médias libanais sur cette affaire afin que les complices locaux des putschistes soient punis et surtout dévoilent les dessous du complot qui a failli renverser le régime. Une histoire presque incroyable qui rappelle les années d’or d’une race en voie de disparition : celle des aventuriers... Officiellement, José Olo Obono veut faire les choses dans les règles. La langue officielle de son pays, la Guinée équatoriale, étant l’espagnol, c’est dans cette langue qu’il s’est adressé à la presse libanaise, tout en se faisant traduire par un homme redoutable qui semblait, soit dit en passant, donner aussi son opinion tout en traduisant les propos de son supérieur. L’affaire n’a pourtant rien de drôle, puisqu’il s’agit d’un coup d’État manqué dans son pays, qui aurait dû avoir lieu le 8 mars dernier, s’il n’avait été éventé par mégarde en Afrique du Sud et au Zimbabwe. L’affaire aurait pu n’être que d’un intérêt limité pour les Libanais n’était-ce la présence de compatriotes parmi les organisateurs du putsch. L’un d’eux, EK, allant même à en être le principal coordinateur, à en croire les autorités guinéennes. Selon eux, EK, ayant pour nom de code « Smelly », n’en serait d’ailleurs pas à son premier coup. Né lui-même en Afrique, il aurait été impliqué dans des coups d’État au Nigeria. Le Koweït de l’Afrique Cet homme très riche aurait ainsi pris contact avec le chef de l’opposition au régime du président Obyiang – en place en Guinée équatoriale depuis 25 ans déjà –, Severo Moto, en exil à Madrid. Selon les autorités guinéennes, l’ancien Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, aurait même encouragé la rencontre, bénissant, ainsi que George W.Bush et Tony Blair, le coup d’État en gestation. On se croirait en Irak... Mais cela se passe en Guinée équatoriale, pays devenu riche depuis quatre ans lorsqu’on y a découvert du pétrole. Il est d’ailleurs aujourd’hui le troisième pays producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne et, selon un expert, il aurait mille milliards de CFA, en recettes annuelles de pétrole. Le tout pour 500 000 habitants. Un paradis, en somme. Pour donner une autre idée du niveau de vie dans ce pays, une petite information qui n’a l’air de rien : l’État guinéen possède pour les voyages officiels un Boeing 737 et 2 Falcon 900. Avec l’Afrique du Sud, qui est le géant de la région, c’est le seul pays d’Afrique à posséder ce type d’appareils. D’ailleurs, la Guinée équatoriale est surnommée le Koweït de l’Afrique. Pour toutes ces richesses, le pays attire donc les convoitises et EK aurait donc eu, avec d’autres, l’idée d’y organiser un coup d’État qui lui permettrait de rafler quelques contrats juteux... Selon les autorités guinéennes, EK et Severo Moto se seraient mis d’accord sur le principe. Mais il a fallu recruter des mercenaires et acheter des armes, tout en essayant de trouver les financements nécessaires. C’est là que serait intervenu Mark Thatcher, dit « Scratcher », installé depuis des années en Afrique du Sud, et familier de plusieurs mercenaires, anciens des bataillons d’élite des forces de l’apartheid, qui vendent désormais leurs services militaires au plus offrant, depuis que le régime a changé en Afrique du Sud. C’est ainsi que Simon Mann, ancien des bataillons d’élite et propriétaire de deux sociétés offshore, aurait été mis à contribution. Mann, bien introduit dans les milieux des mercenaires, qui, selon le procureur Obono, seraient le nouveau fléau de l’Afrique, aurait donc recruté un certain Nick Du Toit, qui a lui-même recruté les exécutants. Nick Du Toit serait le seul organisateur du complot qui se serait rendu en Guinée équatoriale et s’y est même installé six mois avant la date prévue pour le coup d’État. Deux jours avant la date prévue, EK aurait loué un avion pour Moto qui est parti de Madrid en direction de Malabo, capitale de Guinée. Première escale à Las Palmas, puis à Bamako pour faire le plein, et c’est là que les putschistes apprennent qu’il y a eu un problème et que Simon Mann a été arrêté à Harare au Zimbabwe. Des aveux qui en disent long, mais pas assez C’est d’ailleurs à partir des aveux de Mann, que l’avocat du gouvernement guinéen, Henri Page, a rencontré en prison à Harare, que les autorités guinéennes ont commencé à reconstituer toute l’affaire. Mark Thatcher a été ainsi identifié et il sera jugé en novembre en Afrique du Sud. Nick Du Toit a été arrêté à Malabo et sera jugé sur place, en Guinée. D’autres complices présumés, comme Greg Wales ou Gary Hersham, font l’objet d’une procédure civile en Grande-Bretagne. Restent les trois Libanais, EK, KF et HM. EK qui, selon les autorités guinéennes, serait l’homme le plus important parmi les auteurs du complot, a la double nationalité, britannique et libanaise. Et selon l’avocat libanais du gouvernement guinéen, Me Michel Tuéni, il aurait fait l’objet d’une action judiciaire en Grande-Bretagne. Ce qui l’aurait poussé à se réfugier au Liban. C’est donc pour cette raison que le procureur guinéen se trouve à Beyrouth. Il a même rencontré à cet effet son homologue libanais, M. Adnane Addoum, qui lui aurait demandé de présenter un dossier officiel, assorti d’une demande d’extradition. Avant d’avoir ce dossier en main, la justice libanaise ne peut pas se prononcer. Apparemment, le dossier, avec une plainte pénale, devrait être présenté au procureur Addoum mercredi. Mais d’ici là, les responsables guinéens cherchent à médiatiser l’affaire pour faire une pression indirecte sur la justice libanaise. Selon des sources proches de la délégation guinéenne, il s’agirait beaucoup moins pour eux d’obtenir l’extradition des Libanais que leurs aveux complets, qui permettraient aux autorités là-bas d’arrêter tous les complices et de tuer dans l’œuf toute tentative ultérieure de putsch. Car, si l’enquête guinéenne progresse, il manquerait apparemment encore des détails essentiels que les autorités souhaitent obtenir à tout prix pour des questions de sécurité interne. Interrogé par les journalistes sur l’éventualité de tortures à l’encontre des prisonniers en Guinée, le procureur Obono a catégoriquement nié ces allégations, et l’avocat Henri Page, qui a rencontré Nick Du Toit et Simon Mann dans leurs lieux de détention respectifs, a précisé les avoir trouvés en forme, niant qu’il aient fait l’objet de mauvais traitements. En tout cas, devant les journalistes libanais, M. Obono a rappelé la présence en Guinée équatoriale de 200 Libanais que les habitants locaux apprécient beaucoup, pour leur dynamisme et leur capacité d’intégration. Selon lui, le président Obyiang a personnellement tenu à ce que l’implication de Libanais dans le coup d’État manqué ne soit pas divulguée. Mais si l’État libanais ne coopère pas avec les autorités guinéennes, nul ne peut prévoir ce qui pourrait se passer. Ce n’est pas du tout une menace, a précisé la délégation guinéenne. Mais cela pourrait en avoir l’air. En tout cas, la balle est dans le camp de la justice libanaise. D’abord, le parquet étudiera le dossier qui lui sera remis, et ensuite, il prendra sa décision. En attendant, « Smelly » ne s’est pas encore manifesté. Ni directement ni par le biais de ses avocats. Wait and see... Scarlett HADDAD
Apparemment, les procureurs généraux de tous les pays ont des points communs : ils ont l’air redoutable et... sont bavards. M. José Olo Obono, procureur général de Guinée équatoriale, s’est adressé samedi à la presse libanaise, insistant pour expliquer en espagnol les tenants et les aboutissants du coup d’État manqué dans son pays, dont un Libanais serait le cerveau ou...