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Actualités - REPORTAGE

CORRESPONDANCE - Avec l’association Karamah fondée par la Libanaise Azizah al-Hibri Pleins feux sur les droits de la femme musulmane (photo)

WASHINGTON – Irène MOSALLI L’exclusion, le voile, la polygamie. C’est à ces points que se limitaient les féministes américaines désirant de militer pour les droits de leurs consœurs musulmanes. En attendant, celles-ci se débattaient, aux États-Unis et ailleurs, avec d’autres problèmes aussi aigus : les modalités du divorce, la garde des enfants, l’indépendance financière et autres contentieux de leurs quotidiens. Aujourd’hui, les choses ont commencé à changer grâce à l’organisation – à but non lucratif – Karamah, composée d’avocates musulmanes qui se sont engagées à défendre les droits juridiques des femmes musulmanes aux États-Unis et partout dans le monde, lorsque ces droits sont lésés. La création de Karamah est l’œuvre d’une Libanaise, Azizah al-Hibri, une femme d’action et d’idées. Aujourd’hui, elle est professeur de droit corporatif et de droit islamique à l’Université de Richmond. Elle est devenue une référence en matière de jurisprudence islamique. Azizah al-Hibri est issue d’une famille beyrouthine conservatrice. Son père, Yehia al-Hibri, est le fondateur de l’Association islamique des familles beyrouthines. Son grand-père, Mohammed Toufic al-Hibri, uléma de renom, était l’un des fondateurs des Makassed, et c’est lui qui a créé au Liban le mouvement des scouts musulmans (qui a été suivi dans d’autres pays). Cependant, Azizah a toujours été un esprit libre et une soixante-huitarde convaincue. Lorsqu’elle s’est rendue aux États-Unis pour faire des études de philosophie puis des études de droit, elle a milité dans le Mouvement de la libération des femmes. « Cette dignité, nous la chérissons » Après ces différentes étapes, elle a décidé de redécouvrir le Coran par elle-même. Elle l’a lu en profondeur, de même que les « ahadiss ». Selon elle, chaque verset explique l’autre et tout se tient. La jurisprudence y est très claire lorsque ces différentes clauses sont abordées dans leur contexte et non prises séparément. Une telle lecture révèle que le Coran donne à la femme tous ses droits. À ce propos, Azizah al-Hibri se réfère souvent au respect de la dignité de l’homme, conformément au verset du Coran qui dit : « Nous avons honoré les fils d’Adam. » La dignité (« karamah » ) est le mot-clé. C’est celui qu’elle a choisi pour désigner l’organisation qu’elle a créée pour la défense des femmes musulmanes. « Cette dignité, dit-elle, nous concerne tous et toutes, indépendamment de la race, du sexe et du statut. En tant que musulmanes, nous chérissons ce don de Dieu. » Les objectifs de Karamah sont les suivants : d’abord mieux informer une nouvelle génération d’Américaines musulmanes œuvrant dans le domaine socio-juridique et qui ont déjà une connaissance des lois américaines et islamiques ; ensuite, dispenser, aux États-Unis et ailleurs, une éducation jurisprudentielle au plus grand nombre de femmes pour qu’elles puissent prendre leur destin en main, dans le contexte de l’islam. Au programme, également, l’organisation de conférences et de symposiums portant sur ces sujets. Au service des musulmanes mal informées Des initiatives qui ont porté leurs fruits. Aujourd’hui, les femmes musulmanes en difficulté, parce que mal informées, s’adressent à Karamah qui les oriente dans la voie susceptible de régler leurs problèmes. Par ailleurs, en cas de litige devant la justice américaine, cette dernière fait souvent appel à l’expertise de Karamah pour l’éclairer et l’aider à mieux appliquer la loi islamique lorsque certains aspects du conflit relèvent d’une loi appliquée aux États-Unis. Ceci a notamment trait à la maltraitance pratiquée sur le sol américain, à l’abandon du domicile conjugal, au bien-être des enfants. Afin de porter un jugement qui soit équitable sans déroger à la loi islamique. C’est là un travail des plus minutieux qu’arrive à assumer Karamah, que plusieurs responsables privés et officiels dans le monde arabe sont en train de consulter, en particulier dans le cadre des lois familiales, afin de répondre aux besoins actuels de la société, tout en restant attachés à la jurisprudence du Coran. Parallèlement, Azizah al-Hibri a beaucoup écrit sur la démocratie et les droits de l’homme dans l’islam et sur les droits de la femme musulmane. Elle met la dernière main à un ouvrage sur le contrat de mariage islamique dans la justice américaine. Elle a visité treize pays musulmans et s’est entretenue avec leurs leaders religieux et politiques, ainsi qu’avec des dirigeantes de mouvements féminins sur la condition de la femme. Aux États-Unis, elle fait notamment partie du Conseil consultatif du projet de pluralisme de l’Université de Harvard. Elle est mariée à un Américain d’origine saoudienne, Ahmed al-Haïdar, qui est ingénieur en informatique. Collabore avec elle à Karamah, une équipe des plus compétentes, composée de spécialistes de divers horizons : Irfana Anwer (Indienne et élevée à Bahreïn), directrice ; Fatima Hadji (Marocaine), en charge du programme de leadership ; Asiya Sarwari (Afghane), responsable de la rédaction du chapitre islam d’un ouvrage intitulé Encyclopédie des femmes dans la vie religieuse américaine ; Shamira Abdallah (Pakistanaise) s’occupe de la maltraitance des émigrées musulmanes ; et enfin, Monika Martin (allemande mariée à un Afro-américain musulman) est en charge de la comptabilité. Pour connaître les activités en cours de l’organisation, consulter le site Internet : karamah@karamah.org.

WASHINGTON – Irène MOSALLI

L’exclusion, le voile, la polygamie. C’est à ces points que se limitaient les féministes américaines désirant de militer pour les droits de leurs consœurs musulmanes. En attendant, celles-ci se débattaient, aux États-Unis et ailleurs, avec d’autres problèmes aussi aigus : les modalités du divorce, la garde des enfants, l’indépendance...