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Actualités - OPINION

perspective La défense des libertés publiques, plate-forme commune pour l’opposition dans le bras de fer interne Un enjeu qui pourrait constituer la partie cachée de l’iceberg : le poids de la présidence de la République

«La libanité n’est pas incompatible avec l’arabité. Nous voulons être libres chez nous. Le Liban indépendant, libre, pluraliste, attaché à la coexistence est un “plus” pour la Syrie, pour les Arabes, pour l’islam. » Ces propos tenus par Walid Joumblatt devant des délégations populaires venues samedi dernier à Moukhtara pour lui exprimer leur soutien résument de façon informelle l’un des (nombreux) enjeux qui ont été au centre de la guerre libanaise : la sauvegarde de certaines spécificités de l’entité libanaise, à savoir les libertés publiques et individuelles, la coexistence et le pluralisme socio-communautaire. Cet attachement aux libertés et au pluralisme a représenté ces dernières années – et continue, plus que jamais, de représenter – le principal dénominateur commun entre les Libanais, transcendant les communautés et les courants politiques antagonistes. Les prises de position répétées du leader du PSP à cet égard – tout comme celles de la nouvelle gauche démocratique – revêtent dans le contexte présent une importance primordiale non seulement parce qu’elles contribuent à préserver ces particularismes auxquels M. Joumblatt affirme être attaché, mais surtout parce qu’elles pourraient servir de tremplin, de catalyseur à un dialogue interne et, par la suite, à un consensus national. L’une de causes de l’incompréhension quasi viscérale qui s’est instaurée entre une large fraction de l’opinion libanaise et le régime syrien est le peu de considération accordé par Damas à ces traditions démocratiques et libérales du pays du Cèdre. Les pratiques de la Syrie au Liban tout au long des années de guerre ont, de fait, failli ébranler et miner la spécificité libanaise fondée sur le respect des libertés. L’intervention systématique des « services » dans les moindres détails de la vie publique et au niveau de tous les appareils du pouvoir – aussi bien législatif, exécutif que judiciaire – a en effet amorcé, au fil des ans, une lente modification du comportement et des réflexes politiques de l’establishment en place. On n’a, certes, pas atteint le point de non-retour et c’est précisément sur ce plan que l’attitude de Joumblatt, de certains responsables musulmans et de la gauche démocratique est salutaire. Leur rejet des pratiques militaro-sécuritaires et leur attachement au pluralisme et aux libertés publiques peuvent effectivement contrer les tentatives de modifier la nature du système libanais, de même qu’ils peuvent constituer une plate-forme de dialogue et d’entente avec l’opposition chrétienne. Une plate-forme commune qui serait, le cas échéant, l’un des paramètres d’un nouveau pacte national. À en juger par les développements des dernières semaines, le slogan de la défense du système démocratique (dans toute sa portée) pourrait être l’un des éléments moteurs de la prochaine étape de la vie politique dans le pays. À moins que le régime ne traduise réellement dans les faits – concrètement, de façon sérieuse et crédible – les velléités d’ouverture qu’il a manifestées au lendemain de la prorogation du mandat présidentiel. Dans ce cadre, un autre enjeu – de taille – devrait être pris en considération. Un enjeu qui pourrait constituer la partie cachée de l’iceberg dans le délicat bras de fer dont le pays est le théâtre : l’équilibre de forces au sein du pouvoir, plus précisément le poids et le rôle de la présidence de la République ainsi que ses rapports avec les autres pôles de l’Exécutif et du Législatif. Le Rassemblement de Kornet Chehwane a une responsabilité historique à assumer sur ce plan. Il doit savoir manœuvrer, conclure des alliances, définir sa ligne de conduite, de manière à rester fidèle à ses constantes nationales sans pour autant risquer d’affaiblir la présidence de la République, en tant que pôle représentatif de l’une des composantes communautaires du pays. L’enjeu à ce propos ne devrait nullement être perçu sous l’angle simplement sectaire ou confessionnel. Il se rapporte plutôt à la nature même du système politique en place. Il est lié foncièrement aux fondements de la formule libanaise de coexistence, consacrée dans la nouvelle Constitution comme la pierre angulaire, la raison d’être de l’entité libanaise. Marginaliser ou affaiblir l’un des pôles représentatifs du pouvoir – quel qu’il soit – reviendrait à saboter cette formule de coexistence. À ce niveau, Joumblatt et les responsables mahométans qui rejettent le fait accompli actuel ont également (à l’instar de Kornet Chehwane) un rôle historique à jouer, s’ils désirent préserver – comme ils ne cessent de le répéter – le pluralisme et les spécificités du Liban. Dans le contexte présent, il s’agit d’établir une nette distinction entre la lutte contre les pratiques militaro-sécuritaires et la marginalisation de la présidence de la République. Dans ce même souci de sauvegarde de l’esprit de coexistence, le régime Lahoud est, pour sa part, confronté à un défi majeur : sortir de l’isolement dans lequel il s’est laissé enfermer. Car ce serait mettre en danger le rôle même de la présidence que de continuer à n’avoir pour seul appui (ou presque) sur le plan interne que... le régime syrien et ses acolytes locaux. Il y va, là aussi, de l’avenir de la formule libanaise. Michel TOUMA
«La libanité n’est pas incompatible avec l’arabité. Nous voulons être libres chez nous. Le Liban indépendant, libre, pluraliste, attaché à la coexistence est un “plus” pour la Syrie, pour les Arabes, pour l’islam. » Ces propos tenus par Walid Joumblatt devant des délégations populaires venues samedi dernier à Moukhtara pour lui exprimer leur soutien résument de...