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Actualités - REPORTAGE

ALIMENTATION - Les pesticides et les engrais, véritables poisons pour le consommateur et l’environnement Les produits bio entre réalités et espérances (photo)

Qui sont les consommateurs qui recherchent les produits bio et fermiers aujourd’hui ? Ce sont tout simplement ceux qui en ont assez de se voir servir des fruits et légumes – produits par des agriculteurs peu consciencieux ou ignorants –, dans lesquels les traces de pesticides et d’engrais chimiques sont tellement importantes qu’elles en font quasiment des poisons. Ces consommateurs peuvent se tourner aujourd’hui vers un marché bio, bien qu’il soit encore restreint et un peu plus cher que les produits dits « traditionnels ». Mais les garanties sont-elles suffisantes et quelles sont-elles ? Où se procure-t-on ces produits ? Peut-on parler de culture bio quand la pollution est quasi généralisée ? En contrepartie, quels risques court-on à continuer à consommer des fruits et légumes (et tous les aliments dérivés) traités aux produits chimiques, sachant que le contrôle sur les cultures est inexistant au Liban, et que les experts relèvent des anomalies dans l’usage des pesticides et engrais chimiques par les agriculteurs (sinon tous du moins une bonne partie) ? Les pommes sont un peu moins reluisantes, les tomates un peu moins parfaites : les fruits et légumes bio ont un bon vieil air d’antan. Ils ont leur goût bien particulier aussi, souvent différent du goût standardisé de la marchandise traitée que l’on trouve sur nos marchés. Cela prend peut-être du temps de devenir un adepte du bio, mais l’idée fait son chemin. Certes, les cultures pouvant être considérées comme biologiques ne dépassent pas 0,3 % de l’ensemble des terres agricoles, soit environ 760 hectares, selon Randa Khoury, directrice du département d’agriculture à l’Institut de recherche agricole libanais (IRAL), mais la « tendance bio » se confirme de plus en plus, et avec une progression qui s’accélère depuis quelques mois, selon Fadi Daou, un ingénieur agricole spécialisé dans le domaine. Une aubaine ? Pour commencer, il est important de signaler les anomalies relevées dans l’agriculture traditionnelle (celle où des produits chimiques sont utilisés). Sans vouloir accabler les agriculteurs qui souffrent de multiples maux aujourd’hui, les experts soulignent quand même les dangers de l’utilisation massive et désordonnée de pesticides et d’engrais chimiques, des dangers dont souffre en premier lieu le paysan qui les utilise, et en second lieu le consommateur. « La situation est très mauvaise », estime Rami Zreik, directeur du département des sciences environnementales à l’AUB, et initiateur du projet d’agriculture bio « Healthy Basket ». Tout en soulignant le manque d’intérêt à l’encontre de l’environnement, et donc de la santé, il raconte que « des quantités de pesticides interdits dans le monde restent utilisés au Liban, l’irrigation par les eaux usées est très courante et la sensibilisation du paysan virtuellement inexistante ». M. Zreik cite une étude menée il y a deux ans par une chercheuse de l’Université libanaise (UL) sur les fraises produites au Liban, et qui a montré que dans beaucoup d’échantillons, les résidus de pesticides excédaient les doses tolérées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des études similaires à l’AUB sur les concombres révèlent que ceux-ci sont pulvérisés une trentaine de fois par saison. En d’autres termes, l’agriculteur n’attend jamais que les traces du poison disparaissent avant de pulvériser à nouveau le produit sur ses cultures. Et c’est là que réside tout le problème. Mme Khoury explique que « les pesticides ont un temps de demi-vie, en d’autres termes, ils se dégradent à leur rythme ». Elle ajoute : « Comme les pesticides deviennent tous systémiques, c’est-à-dire qu’ils s’infiltrent à l’intérieur du produit pour tuer l’insecte au-dedans du fruit, le danger devient plus grave si l’agriculteur ne respecte pas les délais avant de cueillir la production. En fait, on ne peut se débarrasser de ces résidus ni par le lavage ni par l’épluchage. » Sans vouloir généraliser, Mme Khoury souligne quand même que les agriculteurs, inquiets pour leur production, souvent ignorants des règles d’utilisation de ces produits, n’hésitent pas à pulvériser les légumes et fruits plusieurs fois, ou à les cueillir trop tôt. M. Zreik stigmatise le manque de contrôle sur la culture agricole. Les fermiers sont-ils seulement conscients de la dangerosité des produits chimiques qu’ils achètent ? « Il faut dire que les sociétés qui vendent ces produits et leurs représentants sont loin d’être tous malhonnêtes, mais le paysan ne va pas nécessairement vers eux, il se dirige parfois vers les petites boutiques où les ingénieurs agricoles ne sont pas toujours présents, dit Mme Khoury. Le Comité des produits agricoles, dont je fais partie, et qui évolue au sein du ministère de l’Agriculture, a mis au point une liste de produits interdits, mais nous ne sommes pas responsables du contrôle. Par ailleurs, nous avons créé une loi pour imposer la présence d’un ingénieur dans tous les endroits où les pesticides sont vendus. Mais cette loi n’a pas encore été adoptée. » Elle dit cependant que les agriculteurs sont devenus conscients du problème de l’excès de pesticides quand ils ont voulu exporter leur production, et que celle-ci a souvent été refusée aux douanes étrangères. Autant elle que M. Zreik estiment également que le consommateur n’est plus dupe, et qu’il recherche désormais une marchandise plus saine. Les résidus de pesticides ont en effet de graves conséquences sur la santé. Pour ne citer qu’un exemple, les produits contenant du nitrate d’amonium posent problème parce que cette substance se transforme en nitrite, une matière cancérigène. En principe, les pesticides à base de cette substance sont interdits. Une pratique agricole plus délicate Toute l’agriculture au Liban devrait faire l’objet d’un contrôle bien plus strict, pour le bien-être des consommateurs. Mais en attendant, l’une des alternatives est de se tourner le plus possible vers les produits bio et fermiers, pour peu qu’on puisse garantir leur provenance. La culture des produits bio suppose que les pesticides et engrais chimiques soient éradiqués, et que d’autres moyens de lutte, par des produits organiques autorisés ou par ce qu’on appelle la lutte biologique (combattre les insectes par leurs prédateurs naturels, par exemple), soient employés pour résoudre les problèmes. Il faut signaler cependant que la culture biologique, comme la rationalisation de l’utilisation des produits chimiques au cas où la première n’est pas possible, ne favorise pas seulement l’amélioration de la santé (autant celle du consommateur que du paysan lui-même, qui, en pulvérisant les produits, est le premier touché par leur toxicité), mais aussi la réduction de la pollution dans le sol, l’eau (notamment les nappes phréatiques) et l’air. Mais cette mauvaise utilisation des pesticides durant des années sur une grande partie des terres agricoles du pays rend-elle encore possible une exploitation biologique, dans un contexte de pollution quasi généralisée ? M. Zreik assure qu’il existe toujours des coins éloignés et tout à fait propres. « Il n’y a pas de pollution irréversible dans tout le Liban, affirme-t-il. Il est vrai que les conditions sont défavorables sur la côte par exemple. Mais en montagne, il existe toujours des parcelles où l’environnement n’est pas pollué. » Selon les spécialistes et les agriculteurs interrogés, l’idéal est d’utiliser une terre propre, peut-être en friche. Si la terre était auparavant exploitée de manière traditionnelle, il faut attendre quelques années (deux ou trois) avant de pouvoir être sûr que la transformation est assez poussée pour y cultiver des produits bio. D’où l’idée que la culture bio nécessite des sacrifices et de la patience, surtout que les méthodes agricoles elles-mêmes sont plus artisanales, donc plus difficiles à appliquer. D’où le fait aussi que le produit fini est logiquement plus cher. « Il ne faut pas croire que la différence de prix est si importante, elle ne dépasse pas les 20 %, insiste M. Zreik. Préserver sa santé à ce prix ne vaut-il pas la peine ? » Des certificats délivrés par des bureaux étrangers Certainement. Mais entre-temps, les agriculteurs, saignés à blanc par des années de vache maigre (c’est le cas de le dire !), ne sont pas tous disposés ni capables de franchir le pas. Beaucoup de personnes se sont lancées dans l’aventure et s’y sont cassé les dents, vu que les produits bio ne bénéficient pas encore, ou très peu, d’une infrastructure pour l’écoulement de ce genre de production (label...). L’entrée en jeu de grandes organisations comme World Vision, ou institutions comme l’AUB (en coordination avec Mercy Corp et le ministère de l’Agriculture, pour « Healthy Basket »), a permis d’épauler un certain nombre d’agriculteurs et les pousser à effectuer la transformation. En effet, produire bio, c’est surtout suivre un certain nombre de règles et savoir faire parvenir la marchandise à la clientèle qui la réclame. Pour cela, il faut un savoir-faire, le contrôle continu d’ingénieurs compétents en la matière, mais aussi un budget pour s’assurer un certificat de qualité, jusqu’à présent délivré au Liban par des compagnies privées étrangères. Celles-ci envoient leurs experts plusieurs fois sur les lieux, et octroient ce certificat une fois que les conditions de qualité lui semblent respectées. Cependant, un agriculteur comme Élie Ayoub par exemple, bien connu dans le milieu du bio, refuse d’intégrer ce système, bien que ce soit, après tout, la seule garantie actuelle. Il soutient que c’est le ministère libanais de l’Agriculture qui devrait instaurer un tel système de certification, au lieu d’occasionner des dépenses supplémentaires à l’agriculteur. Green Line, une association écologique, travaille à un projet local : en collaboration avec le « Environmental Core Laboratory » de l’AUB, les prémices d’une institution de certification libanaise, qui sera appelée « Libancert », ont été élaborées. D’autre part, Green Line a milité pour l’adoption, par Libnor, de standards pour l’agriculture biologique, ce qui a été réalisé. Des sessions de formation à l’application de ces standards ont par ailleurs été organisées par l’ONG à l’intention des agriculteurs. Enfin, celle-ci oeuvre pour qu’une loi visant à organiser le secteur soit adoptée par le ministère de l’Agriculture (un brouillon est déjà prêt). Peu à peu, le monde des produits bio s’organise. Pour l’instant, à part les entreprises bien connues (ou soutenues par les grandes organisations) et les agriculteurs à la réputation établie, il n’y a pas de raison de penser, le contrôle étant inexistant pour l’agriculture bio comme traditionnelle, qu’on peut faire confiance à tout ce qui se réclame de cette mouvance. Mais dans tous les cas, ce qu’il est possible de dire, c’est que le bio devient de plus en plus « tendance ». Or, c’est cela qui agace l’ingénieur Fady Daou, qui a lancé depuis peu son propre projet. « Le bio n’est pas seulement une question de technique, mais de philosophie basée sur la préservation de l’environnement, la santé et le bien-être des travailleurs agricoles, dit-il. Je crains que, avec le développement rapide de cette pratique, ce concept ne s’étiole chez ceux qui ne le comprennent pas, et ne soit remplacé par une simple logique marchande... » Suzanne BAAKLINI Éradiquer l’insecte nuisible tout en préservant l’environnement La fonction principale de l’Institut de recherche agricole libanais (IRAL) est, comme son nom l’indique, la recherche. Or, de nombreux projets ayant un rapport direct ou indirect avec l’agriculture biologique ont été entrepris par l’institut ces dernières années. L’un d’eux, comme l’explique Randa Khoury, directrice des départements agricoles à l’IRAL, a porté sur un inventaire des intrants de l’agriculture biologique au Liban, pour déterminer les moyens de fertilisation et la lutte contre les fléaux. Ce document a été présenté au comité d’administration, mais reste également disponible pour les agriculteurs désireux d’en prendre connaissance. « Il faut savoir que dans l’agriculture biologique, l’objectif n’est pas d’éradiquer complètement les insectes, parce que nous tenons à l’équilibre écologique », explique Mme Khoury. Réduire donc la nuisance de l’insecte sans provoquer sa disparition, tel est le but recherché. Pour cela, plusieurs voies s’ouvrent aux chercheurs. « Nous avons essayé la technique des insectes stériles, explique Mme Khoury. C’était une réussite, mais nous n’avons pas encore pu généraliser la méthode parce qu’il revient à l’État de financer la construction d’une ferme d’insectes. » Cette méthode consiste à lâcher dans la nature, près des cultures touchées, des insectes qui auraient été stérilisés dans des fermes spécialisées, et qui réduiraient de facto la reproduction de la population de leurs congénères nuisibles. Une autre technique se base sur les pièges condensés à phéromones, censés attirer les insectes et empêcher la reproduction. Mais elle reste coûteuse, comme le souligne Mme Khoury. Elle ajoute que ces techniques ont été particulièrement testées sur un insecte dont la prolifération a été redoutable, la mouche de la Méditerranée, dont le nom savant est Ceratitis capitata. Une troisième technique s’est avérée être une réussite, notamment sur la mouche précitée : il s’agit de l’extraction d’un produit naturel à effet insecticide, à partir de certaines plantes locales. Ce genre de produit permet d’éviter l’utilisation de produits chimiques tout en ayant un effet similaire. Les chercheurs de l’IRAL travaillent également sur un projet d’extraction d’une bactérie fermentée pour lutter contre une autre espèce redoutable de mouches, baptisée vulgairement mouche des olives. Cette bactérie fonctionnerait comme insecticide. Outre ces recherches, l’IRAL a apporté son aide technique à des agriculteurs biologiques, et a notamment essayé de cultiver des légumineuses sous des oliviers à Zghorta, dans le but d’enrichir le sol en azote, au bénéfice des oliviers. Un panier sain et de qualité, signe de solidarité communautaire Parmi les initiatives mises en place pour aider les agriculteurs à effectuer la conversion, il y a celle de « Healthy Basket », un projet lancé depuis deux ans au sein de l’AUB, avec pour partenaires Mercy Corp et le ministère de l’Agriculture. Le projet concerne une cinquantaine de fermes sur plus de 200 hectares dans diverses régions : Akkar, Akoura, Laqlouq, Chouf, sud de Saïda jusqu’à Jezzine, Ehden, Qaraoun, Deir el-Ahmar, Yammouné et Aarsal. « Nous recevons des fonds d’aide que nous transmettons aux agriculteurs qui veulent changer leurs méthodes de travail et adopter celles du bio », explique Rami Zreik, directeur du département des sciences environnementales à l’AUB et consultant du projet. Le but de « Healthy Basket », qui est conçue comme une entreprise (« pour donner un exemple économique de la viabilité de l’agriculture bio »), était de créer une filière allant du fermier producteur jusqu’au consommateur de produits de qualité. Une façon de viser trois objectifs : la protection de l’environnement, la valeur ajoutée due à la qualité du terroir et la santé. Comment fonctionne cette filière ? Les agriculteurs qui se joignent au projet obtiennent évidemment une aide technique et financière pour préparer leur terre, qu’elle soit utilisée précédemment ou non. L’entreprise les aide par la suite à acquérir la bonne méthode et à suivre le processus qui débouchera sur leur acquisition d’un certificat délivré par un bureau international basé aux Pays-Bas. Le contrôle de ce bureau est précédé d’un contrôle local. En fin de compte, l’entreprise assiste également les agriculteurs dans l’écoulement de leur marchandise. L’idée est non seulement de placer cette marchandise dans le magasin de « Healthy Basket » (dans le secteur de Hamra) ou d’autres échoppes, mais d’introduire un programme d’agriculture soutenu par la communauté des consommateurs intéressés. Comment ? Explications de Rami Zreik : « Si la communauté est intéressée à préserver sa santé, protéger l’environnement et soutenir le petit agriculteur, alors nous lui offrons la possibilité d’un abonnement mensuel. Avec cet arrangement, on fait parvenir aux abonnés chaque semaine un panier avec quinze variétés de pain, œufs, laitue, roquette, tomates, concombres, fruits de saison, légumes pour cuisine... » En adoptant ce principe, le consommateur s’engage à recevoir le panier sans choisir les denrées qu’il contient (puisque c’est une action de soutien). Cependant, le panier, qui est livré à domicile, est étudié pour convenir aux besoins d’une famille. L’abonné peut choisir entre un petit panier, pour 66 dollars par mois, et un grand, pour 100 dollars. Pour s’abonner, il faut appeler Mia Kassem au 03-794438. « Healthy Basket » est encore à ses débuts, écoulant quelque 1,5 à 2 tonnes par semaine (alors qu’une grande compagnie vend 60 tonnes par jour). « Mais il faut que le consommateur libanais prenne conscience de sa santé et de celle de sa famille, et aussi du fait que la situation au Liban ne va pas s’améliorer toute seule », conclut M. Zreik. Une culture de plus en plus rentable Des agriculteurs qui se sont convertis au bio que nous avons contactés, détenteurs de certificats, se déclarent satisfaits de leur décision, qui s’accorde avec leurs principes, et des revenus générés par cette culture de qualité. Ils avouent que les débuts sont difficiles, mais que la production s’améliore, notamment en quantité, avec le temps. Quand il a rejoint « Healthy Basket », Ahmed Hussein avait une terre inutilisée et propre à Bebnine, au Akkar. Aujourd’hui, il y a planté des centaines d’arbres fruitiers et elle est soumise à un contrôle strict de la part de l’entreprise familiale. Sa nombreuse famille gère ce projet agricole, pour lequel il a laissé tomber sa précédente entreprise. « Ce qui me va très bien, c’est que je suis payé tout de suite, sachant que ma marchandise s’écoule très vite, dit-il. Je suis de loin plus gagnant que les agriculteurs qui emploient toujours les méthodes traditionnelles. Et, de plus, j’ai la conscience tranquille, je ne vends aux clients que ce que je donnerais à manger à ma famille. » Rafic Boustany a installé son projet dans une ferme abandonnée trente ans plus tôt, à Debbiyé. Ayant opté pour l’agriculture bio, plus particulièrement les cultures de montagne, il se souvient qu’il y a quatre ans, à ses débuts, le marché était quasi inexistant, mais il estime aujourd’hui que la demande augmente de plus en plus. « L’agriculture bio est rentable, à condition de lui prêter une attention quotidienne, soulève-t-il. Elle tient plus de l’artisanat que de l’industrie. » Dans ce paysage, Élie Ayoub est une figure assez particulière. Il n’a pas encore recherché un certificat et considère son agriculture comme « naturelle », plutôt que bio. « Je travaille comme le faisaient mes grands-parents », indique-t-il. Mais ça n’a pas toujours été ainsi. C’est après s’être gravement empoisonné avec un produit chimique que le vendeur lui avait décrit comme inoffensif, en 1989, que M. Ayoub décide de revenir aux méthodes ancestrales. Dans sa terre à Rachaya, il a dû longtemps se battre avant de voir son projet lancé, surtout qu’il était l’un des premiers à avoir emprunté ce chemin. Contrairement aux autres agriculteurs bio, M. Ayoub n’utilise même pas de produits organiques et compte sur l’équilibre naturel pour combattre les maladies. « Mes cultures sont rentables aujourd’hui parce je les vends directement, sans passer par des intermédiaires, dans la “Maison de la Santé », qui m’appartient ”, explique-t-il. « Voilà pourquoi je n’ai pas besoin de vendre ma marchandise plus cher que le marché, ajoute-t-il. Mais je comprends que ceux qui se lancent aujourd’hui soient obligés de le faire. » « Souk el-Tayeb », comme son nom l’indique... Chaque samedi, dans le parking de Sofil, se tient un marché réservé aux produits fermiers et bio, au nom évocateur de « Souk el-Tayeb ». On y trouve des fruits et légumes bio, évidemment, mais aussi du pain et de la « mouné »... Comme l’explique Kamal Mouzawak, initiateur du projet, expert en cuisine macrobiotique, l’objectif d’un tel marché est autant de promouvoir les produits fermiers que de les commercialiser. Il est facile de convenir avec lui quand il vous déclare que « c’est un endroit de vie, l’ambiance y est conviviale ». Bref, Souk el-Tayeb, qui existe depuis juin, expose des produits de qualité, biologiques ou simplement traditionnels. Les stands sont achetés par les organisateurs, qui les louent aux commerçants. Même si le souk a déjà ses habitués, la progression reste assez lente, selon M. Mouzawak. « Pourtant, les produits n’y sont pas beaucoup plus chers qu’ailleurs, ajoute-t-il. Et si c’est un peu plus cher, la qualité justifie pleinement cette différence. »
Qui sont les consommateurs qui recherchent les produits bio et fermiers aujourd’hui ? Ce sont tout simplement ceux qui en ont assez de se voir servir des fruits et légumes – produits par des agriculteurs peu consciencieux ou ignorants –, dans lesquels les traces de pesticides et d’engrais chimiques sont tellement importantes qu’elles en font quasiment des poisons. Ces...