Quel cirque !

Récemment, Da Vinci Code, l’ouvrage de Dan Brown, a été interdit à la demande du clergé libanais. Il n’y a pas si longtemps, il a été interdit à Marcel Khalifé de chanter Youssof, à la demande de religieux mahométans... Il y a quelques petites années, le groupe de musique 666 a été interdit de concert à Beyrouth pour des raisons de signes sataniques... Les danseurs de la troupe Maurice Béjart ont été sollicités pour porter des t-shirts cachant leurs torses nus et ne pas utiliser de costumes pouvant évoquer une abaya symbolique, etc. Et ça se veut être un État moderne ! Mais quel pays peut encore prétendre interdire l’entrée d’un livre, d’un disque, d’une documentation ou quoi que ce soit d’imprimé, de gravé, ou même de dit, dansé ou chanté quelque part dans le monde? Quel pays peut encore interdire l’Internet, les paraboles et tout autre moyen de communication qui existent dans les plus modestes foyers avec tout ce qu’ils charrient d’informations et de messages sur leur passage ? Un service public qui s’en remet aux communautés religieuses pour prendre une décision, soucieux d’éviter leur grogne, relève d’un piètre État. Devenu grand village, grand bourg, grande communauté ou grand cirque, ce monde ne connaît plus de barrière... Et ce n’est pas en interdisant qu’on éduque, qu’on met en garde, qu’on renseigne ou enseigne. Il ne faut pas être Freud pour le savoir. Acheter un livre, un disque, se rendre à un concert, à une manifestation artistique, culturelle ou sociale exigent un effort, un déplacement, un investissement. Cela suppose, par conséquent, un minimum d’éducation, de culture, de curiosité saine et de sensibilité au beau. Et il se trouve encore des gens pour monter la garde et interdire! Par ailleurs, pour une modique somme de 10 dollars, le petit écran, omniprésent chez les grands et les petits, les riches comme les pauvres, les intellectuels et les ignorants, les cadres et les manœuvres, déverse une foule d’images, de sons et de textes souvent impudiques et indigestes. Horribles et dangereux. Agressant les 7 à 77 ans jusque dans leur intimité, sans aucun souci de leur niveau intellectuel, moral ou social. Et cela, aucun objecteur de conscience ne peut l’empêcher. Alors, qu’en pense la hiérarchie religieuse de tout bord ? L’État se veut-il toujours aux abonnés absents? Informer, éclairer, expliquer, n’est-ce pas plus intelligent, plus porteur que sévir, interdire ou faire les gardes-chiourmes? N’est-ce pas plus civilisé aussi? Et s’il «s’agit de prendre en compte les réactions des petites gens», comme le dit si bien un responsable, c’est justement ces dernières qu’il faut encadrer. Ce sont elles, surtout, qui boivent les mots des religieux. «Les petites gens», quel ignoble commerce! Enfin, si tout cela n’a rien de convaincant, qu’aucun des gardiens de la moralité n’oublie que l’interdiction d’un produit, quel qu’il soit, est la plus belle des promotions que l’on puisse lui offrir. Alors, à bon entendeur...! Maria CHAKHTOURA