Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

À l’AUH, la colère des partisans et la consternation des responsables (photo)

Colère et stupéfaction, révolte mêlée de dégoût et consternation. Les lexiques de la souffrance, et celui de la profonde déchirure qu’elle engendre inévitablement, sont très riches, abondants. Cependant, ces deux binômes expriment parfaitement le climat général qui a prévalu hier à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth (AUH), où le ministre Marwan Hamadé et son chauffeur, Oussama Abdel Samad, ont été admis aux urgences après l’attentat perpétré dans la matinée contre le député et ancien ministre druze. Douleur. Après avoir été soumis à des examens, M. Hamadé, blessé par des éclats d’obus au visage et atteint de brûlures du second degré, notamment au nez, à la joue, et au-dessus de l’œil, est entré en salle d’opérations pour subir une intervention de chirurgie réparatrice de quatre heures, sous la direction d’un groupe de médecins emmené par le député Ghattas Khoury. Dans un état stable à la suite de l’opération, il a été transféré en salle de réanimation. Il devait ensuite prendre la parole en soirée. Le docteur Khoury a indiqué que l’œil droit du député avait été sauvé. M. Abdel Samad, victime de blessures légères et de contusions, a également été soigné avant de quitter l’hôpital. Fureur. La rumeur d’un attentat contre Marwan Hamadé, réputé homme de paix et de consensus, s’est répandue dans le pays comme une traînée de poudre, instaurant un climat de tension très nettement perceptible, viscéralement asphyxiant. L’atmosphère n’a pas tardé à gagner les alentours de l’AUH : à la suite de l’admission de M. Hamadé à l’hôpital, des centaines de militants druzes, choqués et mus par une rage difficilement contenue, se sont massés devant l’établissement qu’ils ont littéralement tenté de prendre d’assaut, brisant la vitre de la porte d’entrée. Les partisans, déchaînés, ont rapidement formé une ceinture de sécurité hermétique autour de Walid Joumblatt, qui, visage grave, a été l’un des premiers à arriver au chevet de son compagnon de longue date. À sa sortie de l’hôpital, aux côtés du PDG du quotidien an-Nahar, Gebrane Tuéni, le seigneur de Moukhtara a apostrophé la foule noire de colère, l’appelant à garder son calme. « Marwan Hamadé va bien. La priorité va à la paix civile, à laquelle certains tentent de porter atteinte. Nous attendrons la fin de l’enquête et nous nous en tiendrons à la loi. La loi existe bien dans ce pays, non ? » a-t-il martelé – lapidaire – dans le but d’apaiser les esprits, message repris en écho par M. Tuéni. Joumblatt sera obligé d’intervenir à plusieurs reprises pour sommer ses partisans d’observer un minimum de calme et de discipline. Le Liban tout entier C’est un cortège extraordinaire de personnalités politiques et diplomatiques, représentant le Liban tout entier et un grand nombre de pays du monde qui ont accouru pour dénoncer l’attentat. Opposants, loyalistes, prosyriens, ambassadeurs, simples personnalités de la société civile, tous sont venus condamner le recours aux vieilles méthodes barbares de jadis, exprimer leur profond respect pour M. Hamadé et soutenir les parents du ministre démissionnaire, notamment son fils Karim et son frère, le journaliste Ali Hamadé. Les couloirs du hall de l’hôpital ont rapidement été envahis par les figures politiques et diplomatiques : l’ambassadeur de France, Philippe Lecourtier, l’ambassadeur de Grande-Bretagne, James Watt, l’ancien président Amine Gemayel, l’ancien président Élias Hraoui, qui n’arrive pas à retenir ses larmes, les ministres Khalil Hraoui, Bahige Tabbarah, Mahmoud Hammoud, le ministre Karam Karam, représentant le président Émile Lahoud, les députés de la Rencontre démocratique, un grand nombre de parlementaires, d’anciens parlementaires, d’anciens ministres... La liste est très longue, quasi interminable. Consternation. Un constat évident l’emporte. Par-delà tous les paradoxes politiques, l’ensemble du Liban s’est retrouvé hier au chevet de Marwan Hamadé : Kornet Chehwane, le Forum démocratique, la gauche démocratique, les Forces libanaises, le Courant patriotique libre, le Mouvement réformiste Kataëb, le Parti national libéral, le Renouveau démocratique – Nassib Lahoud en tête –, le Hezbollah, le mouvement Amal, Maan Bachour, des délégations religieuses chrétiennes, musulmanes (notamment cheikh Hani Fahs) et druzes... Dans les couloirs de l’hôpital, Élias Abou Assi, secrétaire général du PNL, n’hésite pas à qualifier l’attentat d’« acte terroriste » qu’il a imputé aux parties visant à « empêcher toute existence souveraine, libre et indépendante du Liban ». Il exprime ainsi tout haut ce que certains, beaucoup même, pensent tout bas. Tout le monde préfère retenir son souffle, condamner l’acte dans l’absolu, sans pouvoir s’empêcher, toutefois, d’appréhender ce que l’avenir proche peut bien réserver. L’ambiance est terne. Au choc qui a du mal à se dissiper, celui du grand retour des voitures piégées, succède la consternation. Et puis, tout d’un coup, la rumeur du dehors – des portes de l’hôpital devant lesquelles Joumblatt et ses alliés reçoivent ceux qui terminent leur visite de solidarité – s’amplifie, augmente. Un chaos indescriptible survient : bousculades, hurlements des Forces de sécurité intérieure qui tentent d’assurer le service d’ordre. C’est le vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam, qui vient d’arriver, entouré d’une muraille sécuritaire qui écarte tout ce qui se trouve sur son passage. Surgis de nulle part, trois drapeaux PSP sont énergiquement brandis par les partisans. Le responsable syrien, blême, est aussitôt suivi par Walid Joumblatt et Ghazi Aridi, qui s’engouffrent avec lui derrière une porte latérale, pour un aparté de plus d’une demi-heure. Quelques secondes après Khaddam, c’est l’ambassadeur des États-Unis, Jeffrey Feltman, qui arrive à son tour, entouré de ses gardes du corps. Le regard déterminé, le diplomate va à son tour à la rencontre de la famille. Puis c’est au tour d’une délégation de Kornet Chehwane, du Forum démocratique et de la gauche démocratique, regroupant notamment Nayla Moawad, Élias Atallah, Farès Souhaid, Samir Frangié et Samir Kassir, d’entrer dans la pièce. Ils quitteront avant le départ du vice-président syrien. Khaddam conspué Effervescence. L’aparté avec Joumblatt terminé, Abdel Halim Khaddam repart dans la même agitation. À sa sortie, hué par les militants rassemblés, il est pris dans une grande bousculade. Ce n’est qu’après l’intervention de Joumblatt, qui rappelle ses partisans à l’ordre, que le responsable syrien s’exprime devant les caméras : « La direction syrienne, le président Bachar el-Assad en tête, a été choquée lorsqu’elle a appris la tentative d’attentat qui a visé notre frère et ami Marwan Hamadé, l’une des personnalités politiques qui a déployé de grands efforts pour la paix civile au Liban et la consolidation des relations libano-syriennes. » « Je me réjouis d’apprendre que notre frère Marwan est en bonne santé et souhaite qu’il sorte bientôt de l’hôpital. Ce crime odieux vise sans aucun doute la paix civile au Liban. Je pense que tous les Libanais et tous ceux qui aiment le Liban le condamnent et souhaitent que ce pays frère jouisse de tous les éléments de la sécurité et de la stabilité », a-t-il indiqué. Sitôt son discours terminé, le responsable syrien, visiblement fatigué, est sorti par une porte latérale de l’établissement. Puis, tous les responsables politiques présents, notamment le chef du PSP, ont quitté en même temps. Et l’inextricable rassemblement s’est aussitôt dispersé. Michel HAJJI GEORGIOU
Colère et stupéfaction, révolte mêlée de dégoût et consternation. Les lexiques de la souffrance, et celui de la profonde déchirure qu’elle engendre inévitablement, sont très riches, abondants. Cependant, ces deux binômes expriment parfaitement le climat général qui a prévalu hier à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth (AUH), où le ministre Marwan...