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Actualités - OPINION

HISTOIRE Traditions et coutumes bibliques au Liban

Ayant vécu une cinquantaine d’années au Liban, je m’y suis intéressé aux façons de vivre qui datent de la haute antiquité et qu’on retrouve dans les livres de la Bible*. Ainsi de la manière de recevoir son hôte pour la première fois en partageant avec lui, à l’entrée de la maison, le pain et le sel. Rite patriarcal que j’ai vécu il y a trois ans dans un village du Chouf, chez un cousin de mon gendre, à part le partage du sel, denrée devenue moins rare qu’aux temps jadis. Le pain plat en forme de grande crêpe, comme je l’ai vu faire aussi dans mon enfance en Bretagne, se laisse rompre très facilement, et n’a pas besoin de couteau pour s’y tailler une tartine. Ainsi les disciples d’Emmaüs reconnurent leur Maître ressuscité « à la fraction du pain » (Lc, XXIV, 30). Ce pain plat est aussi très commode pour se passer de fourchettes, de cuillères et d’assiettes, car les convives se servent d’un morceau de ce pain pour prendre une bouchée dans le grand plat posé au centre de la table. D’où la nécessité des ablutions avant et après le repas. Et puis il y a la bouchée amicale ou honorifique que l’on offre à un hôte de marque. Tout cela se retrouve dans la Cène quand saint Jean demande à Jésus qui va le trahir et que celui-ci offre une bouchée à Judas (Jn, XXIII, 26). Geste qui passa inaperçu des autres apôtres. D’autre part, la parabole des vierges sages et des vierges folles m’est revenue en mémoire en assistant à un mariage à la montagne, avec l’arrivée du nouveau marié vers minuit, au bruit des pétards et des youyous de joie familiale (Mt XXV, 6). D’où la nécessité de l’éclairage avec les lampes à huile en terre cuite à cette époque. Quand je suis arrivé au Liban au milieu du siècle dernier, on n’avait pas encore achevé l’installation de l’eau courante, dans toutes les maisons de la montagne, et vers le coucher du soleil, quand son ardeur avait baissé, les jeunes filles se rendaient à la source jaillissante pour y remplir leur jarre portée sur l’épaule comme jadis Rébecca, dont la beauté éblouit Isaac (Gn, XXIV, 15 à 61). Remontons encore plus loin dans l’antiquité, au temps du prophète Isaïe qui nous parle du battage du blé à son époque (VIIe siècle avant J-C). « Voici que je fais de toi un traîneau à battre, neuf, à doubles dents, tu broieras, tu hacheras les montagnes, tu réduiras les collines en menue paille. Tu les vanneras et le vent les enlèvera... » (Is. XLI, 15 et 16). En lisant ce passage je me suis senti dans les montagnes de Hrajel ou de Faraya, dans les années 1950, où j’ai vu des scènes de moissons de ce genre. Et pour les vendanges, j’ai encore été très intéressé par l’usage des pieds pour écraser le raisin autrefois dans des cuves plates également taillées dans le calcaire de la montagne et dont le vin nouveau était transvasé par des rigoles dans une suite de cuves également taillées dans le rocher. J’ai retrouvé tout cela dans un texte du prophète Isaïe : « À la cuve j’ai foulé solitaire. Des gens de mon peuple, nul n’était avec moi. Alors, dans ma colère, je les ai foulés, je les ai piétinés dans ma fureur. Leur jus a giclé sur mes habits et j’ai taché tous mes vêtements... » (Is. XLIII, 3). Et quand Jésus nous dit qu’il vaudrait mieux attacher au cou de ceux qui scandalisent les enfants ces meules qu’un âne tourne et qu’on les précipite au fond de la mer... (Mt, XVIII, 6), vous pouvez encore rencontrer ces meules inutilisées aujourd’hui près des anciens moulins à eau de la montagne. Je pourrais encore parler des jardins d’Adonis (Is. XVII, IO et II), des filets des pêcheurs de Tyr qui sèchent sur les rochers où j’ai vu encore des fûts de colonne de prophyre dans la mer, à fleur d’eau. (Ez. XXVI, 4 et 5), symboles d’une grandeur déchue. Tout cela pour dire que le Liban est aussi une terre sainte et biblique. Yves CARIOU Ancien professeur de lettres, d’histoire et de religion au Liban et en Syrie, de 1950 à 1995 * Les références bibliques de cet article sont celles de La Sainte Bible de Jérusalem, aux éditions du Cerf, 29 boulevard Latour-Maubourg, Paris.
Ayant vécu une cinquantaine d’années au Liban, je m’y suis intéressé aux façons de vivre qui datent de la haute antiquité et qu’on retrouve dans les livres de la Bible*.
Ainsi de la manière de recevoir son hôte pour la première fois en partageant avec lui, à l’entrée de la maison, le pain et le sel. Rite patriarcal que j’ai vécu il y a trois ans dans un village...