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Actualités - OPINION

Les émigrés nous écrivent

Il y a la manière L’estomac qui se noue, la gorge qui se resserre, pas de doutes, le départ aura lieu dans moins de 24 heures. La fin de l’été ? La fin des vacances ? Le chagrin des départs ? Je ne sais pas… toujours est-il, je pourrai difficilement avaler quoi que ce soit ce soir. Pourtant, en route vers l’aéroport, les quelques kilomètres carrés de photos et de drapeaux ont vite fait de transformer le sentiment que j’ai de déserter en réussite d’évasion. « Je sais, on fait ce qu’on peut, mais il y a la manière », disait Jaques Brel en parlant du bon Dieu. Le bon Dieu se demande sans doute où les hommes ont-ils appris à si bien ramper… L’impuissance est finalement très difficile à gérer, à digérer… Liban : 1943-2004, 61 ans. J’ai laissé mourir ma patrie. Il était bien jeune, ce Liban... Rabih NASSAR Paris Qui assurera l’alternance ? Je suis un Libanais exerçant la profession d’avocat à Marseille. Je me permets de vous féliciter avant tout pour cette rubrique qui permet à la diaspora de s’exprimer et de montrer qu’elle s’inquiète toujours, malgré la distance, de l’avenir de la mère patrie. Lorsque je parle du Liban, je n’en parle pas comme d’une nation, mais d’une patrie, en ce que son existence même constitue, à mes yeux et à ceux de beaucoup d’autres, un message au monde entier, et ce plus particulièrement en cette période agitée. En effet, voilà enfin un pays qui démontre qu’une mosaïque de communautés peuvent coexister ensemble, en parfaite intelligence et dans un esprit de convivialité et d’enrichissement culturel. En outre et surtout, cette coexistence n’implique aucunement que l’une de ces communautés abandonne sa personnalité, sa culture. Or, il est constant que nombre de dirigeants occidentaux reconnaissent et encensent cet état de fait, ce qui ne les a pas empêchés d’approuver expressément la « Pax Syriana ». Voilà vingt-neuf ans que la situation est absolument paradoxale : le Liban, message de paix, de convivialité, de vie, est abandonné par ceux-là mêmes qui le citent en exemple. Pourtant, ces mêmes dirigeants avaient été prévenus : les événements se produisant au Liban finiront, tôt ou tard, par s’étendre à leur pays... dont acte le 11 septembre 2001. L’insistance pour l’application de la résolution n° 1559 est un bon pas des pays occidentaux. Le refus de l’ingérence syrienne (enfin !), notamment par le rejet de l’affaire de l’amendement constitutionnel, est également un bon pas. Ces pas constituent une avancée qui permettra peut-être au Liban de s’affranchir de cette tutelle syrienne, particulièrement pesante. Néanmoins et après un bref regard sur la vie politique libanaise, l’inquiétude a principalement pour source les questions suivantes : qui pourrait, le cas échéant, assurer l’alternance au pouvoir ? Comment se déroulerait cette alternance ? Mais surtout, les hommes politiques libanais sont-ils prêts à assumer cette alternance ? Élias ABOUJAOUDÉ Marseille Une indépendance qui fait peur Mes chers compatriotes, ne perdez pas espoir ! Il existe toujours au pays du Cèdre une femme et vingt-huit hommes qui ont eu le courage de dire non. Non, ne touchez pas à ma constitution en l’amendant sur mesure ! Non, ne redonnez plus confiance à une équipe qui a reconnu son fiasco, enfonçant tout un peuple dans la pauvreté ! Non, un pays voisin et se disant « frère » n’a pas le droit de s’ingérer de manière si arrogante dans notre vie démocratique ! Que dire de plus, quoi écrire de plus ? Tout a été dit et écrit. Le Conseil de sécurité de l’Onu a voté une résolution. Son but est de redonner au Liban sa souveraineté. Le plus triste dans cet acte est que nous ne sommes pas à l’origine de cette résolution. Bien au contraire. La diplomatie libanaise a dépêché ses émissaires pour faire avorter ce texte avant son adoption. Mais le monde libre en a décidé autrement. N’oubliez surtout pas que nous, les Libanais émigrés, nous n’avons pas notre mot à dire. Notre indépendance fait peur ! Robert AOUAD France La position de la France à l’Onu En tant que résident français au Liban, j’ai suivi l’actualité politique interne et internationale. Et sans vouloir me mêler des affaires intérieures du pays, je voudrais tenter d’expliquer la position de la France, du moins ce que je peux en comprendre. Bien sûr que la France et les États-Unis se sont retrouvés sur une même longueur d’onde, mais il est clair que les conceptions ne sont pas les mêmes. L’Amérique a une stratégie au Moyen-Orient dont nous entrevoyons les contours, mais sans la comprendre parfaitement. Par contre, la France, amie de toujours du Liban et des pays arabes en général, ne pouvait accepter que dans son principe, on modifie une Constitution à la veille d’une élection. Cela est contraire à toute démocratie. Mais le Liban est-il une démocratie ? Il est surprenant de constater que ceux qui se lamentaient de l’abandon du Liban par la France s’insurgent aujourd’hui contre une position française qui ne voyait que l’intérêt et l’avenir des Libanais, mais c’est ainsi chez l’être humain : « la tête fonctionne plus souvent avec les intérêts de son ventre. » Par contre, certaines interventions de responsables du pays me choquent. À deux reprises : la première fois lors de la demande du retrait des milices dans le sud du pays et leur remplacement par l’armée régulière et la deuxième fois quand, à propos de la présence de l’armée d’un pays voisin pour maintenir l’ordre, il a été fait état de l’incapacité de l’armée du Liban à gérer ces problèmes. En responsable des affaires du pays, je me dirai que la première des choses à faire pour espérer un jour accéder à une véritable indépendance, c’est d’avoir une armée de professionnels qualifiés et les moyens qui vont avec pour pouvoir assurer aussi bien la sécurité externe qu’interne. Telle est la base de toutes les démocraties. Yves KERLIDOU Les virages de M. Joumblatt Dans le débat qui oppose MM. Joumblatt et Nasrallah sur la validité d’un référendum au Liban, j’aime rappeler à M. Joumblatt qu’il a été l’un des premiers à s’engager pour la tenue d’un référendum au sujet de la présence syrienne au Liban (édition du 25/02/2004). En tant que Libanais, on a le droit de savoir ce que l’a poussé à faire un virage de 180°. Marc N. France Retour «chez soi» L’été s’achève, le touriste libanais rentre « chez lui », à Londres, Paris, Boston ou ailleurs. Il n’a pas bien eu le temps d’aller admirer les processions aux portes des ambassades, ni d’assister aux sons et lumières prodigués cette année si parcimonieusement par Israël, qui persiste néanmoins à se gaver la panse de nouveaux colons hétéroclites dont il dégurgite les noyaux durs dans les « territoires » avoisinants. Bravo donc pour la paix civile, mais évitons d’en parler dans le Sud. Bravo aussi pour la reconstruction, mais de quoi et pour qui ? Bonjour l’Onu... Et les écoles et les universités, mais à quel prix pour la majorité des familles ? Quid de la justice, de la santé, de la sécurité routière, de la sécurité alimentaire (le poulet a-t-il les yeux bridés et la vache toute sa tête ?). L’électricité ne fonctionne que par le canal d’une anode. Pas la moindre cathode dans les bagages des rares élites rentrant s’installer au Liban, sitôt phagocytés par le confessionnalisme sociétaire. Partent les rassasiés, qu’arrivent les affamés. Le Liban est éternel, l’incurie aussi, manifestement. Assem Abdallah Lyon Vision d’horreur Je fais partie de cette majorité de Libanais expatriés depuis leur naissance. Je vis depuis quelques années à Paris mais ne me suis jamais détourné de mon pays d’origine dans lequel je n’ai jamais vécu. En effet, étant étudiant en droit, j’ai effectué cet été un stage au sein d’un cabinet d’avocats à Beyrouth. Parmi les choses que l’on y apprend, il est nécessaire d’aller sur le terrain en général, dans les locaux de l’administration en particulier afin d’y effectuer des formalités : vision d’horreur... En une demi-journée, je suis allé au registre du commerce, au palais de justice, au ministère de la Justice et enfin celui des Affaires étrangères. Quelle honte ! Des locaux vieux, sales, poussiéreux, gris. Des dossiers qui s’empilent par milliers sur des étagères non numérotées, provoquant naturellement la perte de ceux-ci. Une absence de tout outil informatique. Des files d’attentes interminables, où les administrés manquent d’en venir aux poings. Un palais de justice aux allures fantômatiques, sale et indigne d’une République (soi-disant démocratique), où les mesures de sécurité sont inexistantes. Au final, les formalités pour lesquelles nous nous étions déplacés n’ont pu être effectuées, été et chaleurs obligent. Comment se fait-il qu’après 15 années de guerre nous en soyons toujours là ? Les gouvernements successifs se sont fixé d’autres priorités : reconstruire un centre-ville sans âme, aux allures de Disneyland, un aéroport qui a endetté le pays, des routes qui massacrent ce qui nous reste de forêts et du béton, là où l’on peut encore en mettre. L’Administration est le lien entre l’État et ses citoyens ; c’est là que tout commence ou recommence. Comment ceux-ci peuvent-ils encore respecter l’État lorsqu’ils se retrouvent obligés de faire la queue dans des locaux pourris, dans le but d’obtenir un simple tampon ? Les gens par ailleurs se permettent de critiquer les fonctionnaires sous prétexte qu’ils sont lents, antipathiques, paresseux et non professionnels. Mais au contraire ! Comment n’ont-ils pas encore « pété les plombs » ? Certes ils manquent de motivation, mais peut-on le leur reprocher, au regard des conditions dans lesquelles ils travaillent ? Je défie quiconque de faire le travail qu’ils essayent de faire pour un salaire de misère. Alors, messieurs les responsables, dépêchez-vous d’agir. Les files d’attente s’allongent du côté des ambassades et des consulats qui, eux, ont une organisation administrative digne des pays qu’ils représentent. Jean-Paul ACHKAR Paris Liberté, dignité, fraternité Qu’il me soit permis de vous raconter cette anecdote. Je suis médecin d’origine libanaise et je travaille dans une ville charmante du sud-ouest de la France. Au cours de ma carrière, j’ai été amené à soigner à plusieurs reprises d’anciens militaires qui avaient servi durant leur carrière au liban. J’ai eu de la sorte la chance d’écouter leurs histoires sur notre pays, nos grands-parents, leurs coutumes, leurs combats et de percevoir à travers leurs récits toute l’estime et la compassion qu’ils avaient pour ce « petit paradis ». Je me souviens particulièrement d’un soir d’été, alors que j’étais encore un jeune interne, accompagant un de ces « vieux » dans son dernier voyage et qui gardait le souvenir du Liban jusqu’à son dernier souffle ; il ressemblait à mon grand-père qui me manquait tant. Alors parfois je rêve, je rêve d’un Liban qui reviendrait sous protectorat français, avec des Français comme moi ou comme tous ces immigrés qui ont appris, à travers les souffrances et les combats, les vraies valeurs de la vie et qui apporterait au peuple libanais un message de liberté de dignité et de fraternité. Aimé HADDAD France La vie, un buffet Voici une pensée qui s’applique bien au peuple libanais : la vie n’est pas un restaurant mais un buffet, il faut se lever pour se servir. Notre Liban est un pays magnifique. Après une guerre de plus de vingt ans, il reste le pays le plus beau du monde, il faut que le peuple coopère à sa survie et à sa beauté. Que chacun donne sa part et fasse un effort pour la prospérité de ce pays merveilleux. Antoinette ABOU-RJEILY Montréal-Canada Un été magnifique, mais... Après avoir passé un été magnifique au Liban, je suis très déçue de voir ce que ces élections peuvent rapporter comme nouvelles. Déçue aussi de voir que le Liban n’est plus aux mains de Libanais, car en lisant les quelques articles de journaux libanais, nous nous rendons compte que notre affaire – l’affaire libanaise – relève désormais de quelques politiciens et aussi de la France, de l’Union européenne, des Nations unies, de la Syrie et de la guerre en Irak. Bref, un peu de toute la planète sauf des libanais. Que se passe-t-il ? Qu’attendons-nous ? Stéphanie D. France
Il y a la manière
L’estomac qui se noue, la gorge qui se resserre, pas de doutes, le départ aura lieu dans moins de 24 heures. La fin de l’été ? La fin des vacances ? Le chagrin des départs ? Je ne sais pas… toujours est-il, je pourrai difficilement avaler quoi que ce soit ce soir.
Pourtant, en route vers l’aéroport, les quelques kilomètres carrés de photos et de...