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Actualités - OPINION

Le corps politique oscille entre le renflouement de l’équipe en place et le changement pur et simple

C’est un peu surréaliste. L’histoire est en marche accélérée, à pas forcés de campagne. Les institutions, et Taëf, sont secoués comme les cocotiers des Caraïbes, ou les palmiers de Floride, sous le souffle torride du cyclone « Frances ». Et l’agenda, le carnet de commandes de Hariri oblige tout le monde à attendre son retour de tournée officielle à l’étranger, avant de parler un peu politique. De préparer le grand ménage de la rentrée. Il n’y aura donc pas de négociations sur le sort du cabinet avant le 17 septembre, quand Hariri pourra de nouveau poser son coude valide sur son bureau du Sérail. Avec quatre ministres, et non des moindres, démissionnaires, on ne peut pas faire comme si de rien n’était. Deux tendances se font jour chez les professionnels du cru. – Certains estiment que le gouvernement présent doit rester en place. Parce qu’il a des tâches à compléter lui-même. Comme l’élaboration du projet de budget pour la prochaine année comptable. Et surtout parce que nommer un nouveau gouvernement pour six petits mois, dont trois iraient certainement en fumée parce qu’ils seraient consacrés à la formation puis au rodage de travail, n’en vaut pas la peine. Sans compter qu’accaparé par l’impérieuse nécessité de concocter une nouvelle loi électorale, le gouvernement ne pourra pas engranger des réalisations par ailleurs. On sait en effet qu’après les législatives du prochain printemps, le gouvernement sera tenu de rendre son tablier. Or le Liban, dans la passe maritime particulièrement délicate qu’il traverse, ne peut pas se livrer aux courants sans navigateurs effectifs. Suivant ces professionnels, il faut replâtrer, en nommant quatre nouveaux ministres. Une opération qui permettrait, du reste, à leur avis, de prouver que le régime prorogé jette sans tarder les fondements du chantier de la réforme. En désignant aux postes laissés vacants des cadres compétents, qui feraient bonne impression sur l’opinion. – Mais d’autres soutiennent qu’il est préjudiciable de tenter de faire du neuf avec du vieux. Ils préconisent que l’on entre clairement, et de plain-pied, dans l’âge d’or promis. En mettant en place une toute nouvelle équipe. Composée de techno-politiciens, capables, actifs, dont la seule irruption sur la scène publique ferait passer sur le pays un vent frais de confiance retrouvée. D’autant que tous les courants politiques seraient représentés, au titre de l’union nationale. Tandis que des experts reconnus seraient chargés des départements spécialisés, des ministères de services notamment. On évoque couramment le recours à des personnalités fiables, voire brillantes et charismatiques, de la société civile. Comme Adnan Kassar, Riad Salamé, Joseph Torbey, Jacques Sarraf, Pierre Achkar, Georges Aboujaoudé, Roger Nasnas, Fadi Komair et d’autres. Bien évidemment, la probité, mais aussi l’intégrité intellectuelle, seraient la caractéristique commune de la nouvelle vitrine du pouvoir. Dont la crédibilité ferait dès lors un fantastique bond qualitatif en avant. Les tenants de cette thèse affirment que le régime renouvelé partirait du mauvais pied, s’il devait rester lourdement lesté par un gouvernement épuisé, obsolète, dépassé. Un gouvernement affaibli par les départs, miné par les querelles intérieures, et dont certains éléments frondeurs se déchaînent régulièrement contre le Premier ministre. Ce qui, ajoutent-ils, prive le régime de toute béquille raisonnablement utile, face aux attaques des multiples oppositions de l’intérieur. Comme face à « l’offensive américano-européenne » et aux menaces d’Israël. Pour eux, il faut gommer totalement le tableau psychédélique, anarchique, du premier mandat. En installant à sa place l’image d’un pouvoir d’entente cohérent, bien ordonné, rassurant et productif. Tactiques Pour sa part, selon ses proches, le président Lahoud veut étudier tranquillement la question. Pour voir d’abord s’il faut favoriser le maintien ou le départ des Trente devenus Vingt-six. S’il devait prêter l’oreille aux avis qui courent les coulisses, il entendrait que la majorité continue à penser qu’on ne peut toujours pas se passer de Hariri. Certains tacticiens lahoudistes pensent même qu’en gardant Hariri avec une défroque de gouvernement, comme c’est le cas aujourd’hui, on lui rognerait les ailes pour les législatives de l’an prochain. Alors qu’en le remplaçant avant cette échéance, on lui redonnerait du tonus, comme il en avait eu en 2000, quand il était sur le banc de touche. Mais est-ce qu’on ne pourrait pas le garder à la tête d’un gouvernement de transition ? Difficile, répondent ces sources. Parce qu’en principe, un gouvernement pratiquement désigné pour les élections devrait être formé sur base d’un principe d’impartialité et de transparence, interdisant qu’un de ses membres soit candidat à la députation. Cette condition ne s’applique pas au gouvernement actuel, formé pour d’autres missions. Pour tout dire, ces lahoudistes pensent qu’en maintenant Hariri, on peut le brûler électoralement. Pour le moment, le principal intéressé se cantonne dans la réserve. Il ne donne pas d’avis sur le cabinet. En principe, il devrait se réunir avec le président Lahoud pour évoquer la question. Et aussi pour voir comment rationaliser les rapports au sein du pouvoir, à l’avenir, pour ne pas retomber dans la querellite. Les dirigeants, est-il besoin de le souligner, ont désormais un souci commun : comment dénouer l’écheveau Joumblatt. Campant sur son refus de l’amendement constitutionnel et de la prorogation, il se montre déterminé à ne plus participer au pouvoir. Hariri va l’entreprendre, indiquent des sources fiables, pour le récupérer. Car un gouvernement qui aurait contre lui à la fois Joumblatt et Kornet Chehwane serait plutôt branlant. Comment cela ? Parce que les 29 qui ont voté non truffent les commissions parlementaires et peuvent, par leur assiduité, constituer souvent une majorité en séance plénière. D’autant que sur plusieurs sujets ponctuels ou circonstanciels, ils recevraient divers renforts. Sur un plan politique plus général, il est évident que la position chrétienne reste une préoccupation majeure pour le pouvoir. Qui sait combien les appréhensions, pour ne pas dire les rejets, de Bkerké comme de la rue chrétienne, peuvent peser dans la balance politique. Surtout que, fait remarquable, le manifeste d’attaque des évêques maronites a été apprécié en tant que cri d’alarme même par la majorité des prosyriens. Dont certains révèlent d’ailleurs que Damas lui-même pense que les dénonciations de mauvaise gouvernance et de corruption méritent une respectueuse salutation. Il faut compter aussi, rappelle un pilier de Kornet Chehwane, avec la 1559. Que les autorités auraient tort de prendre à la légère, à son avis. Priorité qui passe bien avant la formation d’un nouveau gouvernement, estime-t-il. Philippe ABI-AKL

C’est un peu surréaliste. L’histoire est en marche accélérée, à pas forcés de campagne. Les institutions, et Taëf, sont secoués comme les cocotiers des Caraïbes, ou les palmiers de Floride, sous le souffle torride du cyclone « Frances ». Et l’agenda, le carnet de commandes de Hariri oblige tout le monde à attendre son retour de tournée officielle à l’étranger,...