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Dialogue - Colloque croisé USJ-Université islamique Le « Liban message » au défi de la modernité

L’Exhortation apostolique adressée aux Libanais par Jean-Paul II a fait, depuis 1997, l’année de sa publication, l’objet de nombreux commentaires. Les Recommandations dernières de l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine, publiées quelques semaines après son décès en 2002, aussi. Personne, toutefois, n’avait encore songé à rapprocher explicitement ces deux textes, publiés dans des circonstances si différentes, mais se rejoignant sur l’idée défendue par le pape pour lequel le Liban est « un message de convivialité et de pluralisme » pour l’Orient et l’Occident. Aujourd’hui c’est fait, et le mérite en revient à l’Université islamique et à l’ Université Saint-Joseph, qui ont organisé en commun un colloque en deux temps, sur les grandes thèmes des deux documents et les défis que leur mise en application présente. En un premier temps, cheikh Ali Khatib et le recteur Salim Daccache, directeur du Collège de Jamhour, ont présenté le premier les recommandations de l’imam disparu, le second l’Exhortation apostolique. Le Pr Ahyaf Sinno, vice-président du département d’études islamiques et arabes de l’USJ, devait profiter cette occasion pour faire un court historique de l’institut d’études islamo-chrétienne, le département de la faculté des sciences religieuses, organisateur du colloque. L’Exhortation apostolique n’a plus vraiment besoin d’être présentée... mais d’être lue. Il est rare que l’on ne sache rien de ce document, mais ceux qui l’ont lu attentivement sont également relativement peu nombreux. Chef-d’œuvre de modération et d’équilibre, le document comprend une partie ecclésiale et une autre nationale, qui trace les grandes lignes d’une reconstruction du « tissu social déchiré » d’un Liban sortant de la guerre. Il appelle chrétiens et musulmans à se ménager les uns aux autres l’espace politique nécessaire pour bâtir leur « maison commune », invite les chrétiens à faire cause commune avec le monde arabe, insiste sur le pluralisme culturel par lequel se distingue le Liban et effleure les grandes questions qui sont posées, notamment sur le plan de la souveraineté et de l’indépendance. Le pluralisme L’affirmation d’un pluralisme culturel au Liban avait, au moment de sa publication, soulevé de vives objections de la part de certains milieux musulmans, qui y avaient vu la consécration d’une réalité « fédérale » pour laquelle il fallait donc créer des structures politiques correspondantes. Ce mot, et la réalité qu’il couvre, sont beaucoup mieux acceptés aujourd’hui. Les Recomandations dernières (wassaya) de l’imam Chamseddine (publiées par Dar an-Nahar) sont la transcription d’entretiens accordés dans l’intimité à quelques-uns de ceux qui lui ont tenu compagnie lors du traitement contre le cancer qu’il a suvi à Paris, quelques mois avant sa mort. Dans ce qui devint un testament politique émouvant, il balayait une fois pour toutes la doctrine des dhimmis qui faisait des chrétiens des citoyens de second degré dans la cité musulmane, adhérait sans réserve à la réalité du pluralisme et demandait que l’on renonce au projet d’abolition du confessionnalisme politique. Que tout soit fait pour que les chrétiens du Liban occupent la place qui leur revient dans l’élaboration du destin du Liban, exigeait-il, étendant aussi cette exigence au monde arabe tout entier. Une révolution immense pour celui qui, quelques années plus tôt, défendait l’idée de la démocratie du nombre. La présentation de l’essentiel de l’exhortation et des recommandations dernières a été faite à l’USJ, le 4 mars. Le second volet du colloque s’est tenu jeudi 11 dans un amphithéâtre de l’Université islamique, à Khaldé, une institution créée en 1998, et dont l’imam Chamseddine a souhaité qu’elle fût un centre de rayonnement pour le dialogue islamo-chrétien, l’étude comparée des religions et l’approfondissement de la pensée musulmane. Une université qui, par ailleurs, s’est notamment dotée d’une faculté de tourisme. Tour à tour, le Pr Farah Moussa, doyen de la faculté d’exégèse islamique, et notre collaborateur Fady Noun, consultant à la faculté des sciences religieuses de l’USJ, ont parlé des défis qui se dressent face au Liban de la convivialité que défendent l’exhortation et les recommandations dernières. La foi, moteur de l’histoire Pour le professeur Moussa, le Liban de la convivialité doit être aussi, nécessairement, le Liban d’une foi vivante comprise comme moteur de l’histoire et facteur principal de changement politique. Le Pr Moussa a également parlé du défi posé au Liban de la convivialité par la réalité politique, appelée à se mettre au service du « Liban message ». Pour sa part, Fady Noun a relevé que la grande ignorance que les chrétiens et les musulmans du Liban ont de leurs religions respectives est l’une des menaces qui pèse sur la convivialité. Il a ajouté que, pour croître ensemble et cesser de se différencier au point de devenir des étrangers les uns aux autres, musulmans et chrétiens doivent relever, chacun pour sa part, le défi de la modernité : les uns pour prendre de cette modernité l’une de ses caractéristiques essentielles, la constitution de la foi et de la raison en domaines autonomes, les autres pour réconcilier ces deux démarches de l’esprit et empêcher la modernité de devenir son propre fossoyeur. Il a également été question du pluralisme comme expression politique du principe de réciprocité, qui consiste tout simplement à réclamer pour les autres les mêmes droits que l’on réclame pour soi. Au cours du débat qui a suivi, des questions plus politiques ont été abordées, les conférenciers relevant notamment que le clientélisme politique et surtout confessionnel affaiblit la convivialité dans la mesure où chrétiens et musulmans ne jouissent plus des mêmes droits. Il a été également question de la rareté des espaces de rencontre, avec la disparition du centre-ville et un certain cloisonnement géographique et fonctionnel qui sépare musulmans et chrétiens libanais les uns des autres. La responsabilité de l’État dans la défense de la convivialité n’en est ressortie que plus clairement. F.N.

L’Exhortation apostolique adressée aux Libanais par Jean-Paul II a fait, depuis 1997, l’année de sa publication, l’objet de nombreux commentaires. Les Recommandations dernières de l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine, publiées quelques semaines après son décès en 2002, aussi. Personne, toutefois, n’avait encore songé à rapprocher explicitement ces deux textes,...