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Actualités - CHRONOLOGIE

Le centre-ville a été complètement bouclé par l’armée et les FSI Anti et pro-Lahoud manifestent côte à côte place des Martyrs (photo)

«Nous contestons la violation flagrante de la Constitution et nous portons le deuil de la démocratie. Nous condamnons la tutelle syrienne et le suivisme du pouvoir libanais qui doit assumer seul la responsabilité de l’ingérence internationale. » Un petit tract portant cette unique phrase a été inlassablement distribué hier aux automobilistes qui traversaient la place des Martyrs par de jeunes étudiants de la gauche qui manifestaient contre la prorogation dans le centre-ville. Malgré la présence massive de l’armée, des FSI et ses commandos, des pompiers et des membres des services de renseignements en civil, les jeunes étudiants du Mouvement de la gauche démocratique, venus de l’AUB, de l’USJ, de l’Université de Balamand, de la LAU et de l’UL, ainsi que de jeunes indépendants ont tenu à marquer le coup, à être présents au centre-ville, au moment où les parlementaires votaient l’amendement de l’article 49 de la Constitution. Ils n’étaient pas plus d’une centaine, habillés de noir, signe de deuil, à observer donc un sit-in symbolique. Mais ils n’étaient pas les seuls au centre-ville. Une contre-manifestation formée, elle aussi, d’un peu moins de cent personnes, brandissant des photos du président de la République, le général Émile Lahoud, leur a fait face place des Martyrs. Une dizaine de femmes – dont les enfants sont impliqués dans l’incendie du ministère du Travail, en mai dernier, et qui se trouvent incarcérés à la prison de Roumié – se sont déplacées de la place Riad el-Solh, où elles contestaient le système judiciaire, jusqu’à la place des Martyrs, où elles ont applaudi à la reconduction. Dès 15h30, l’armée et les forces de l’ordre venues par centaines à Beyrouth ont bouclé le périmètre du Parlement. Les personnes qui se restauraient ou flânaient au centre-ville ont dû quitter à la hâte, alors que les cafetiers s’appliquaient à ranger leurs tables et chaises, promettant de rouvrir vers 22 heures, «quand la Constitution sera amendée ». « Peut-être à 18h05. Puisqu’il n’a fallu que dix minutes au Conseil des ministres samedi dernier pour voter la loi, il ne faudra que cinq minutes au Parlement pour amender la Constitution », lance un maître d’hôtel alors que les camions de l’armée commençaient à prendre place devant le café où il travaille. Place des Martyrs, vers 17 heures. Les jeunes de la gauche démocratique commencent à arriver. Plusieurs d’entre eux passeront deux heures à distribuer inlassablement des tracts aux automobilistes. Firas est étudiant à l’AUB. Il s’applique à distribuer des tracts comme si sa vie entière en dépendait, les tendant même à quelques convois de manifestants qui sillonnaient le centre-ville, arborant les images du président de la République. Croit-il que son action pourrait changer le cours des choses ? « Bien sûr que non, mais c’est bien de voir la réaction des gens », dit-il. La plupart des gens soutenaient les jeunes, en leur souriant, en leur lançant des « bravos », des « que Dieu vous garde ». D’autres, désabusés, lisaient le tract et lançaient: « C’est trop tard » ou encore « ça ne sert plus à rien ». Certains levaient leur pouce en l’air en signe de soutien, d’autres demandaient si l’on pouvait signer une pétition. Mais aucun automobiliste – homme, femme, jeune ou vieux – n’a arrêté sa voiture pour participer au sit-in. Il semble qu’un bon nombre de Libanais, pas très politisés certes, ont cessé d’écouter les nouvelles ou de poser des questions depuis presque une semaine. Ainsi, une bonne dizaine d’automobilistes hier se sont arrêtés, atterrés par la présence de l’armée en centre-ville, pour poser une seule et unique question : «Que se passe-t-il ? » « La séance de l’amendement », leur répondait-on. Oui, ils savaient qu’on allait prolonger le mandat du général Lahoud, mais ils ignoraient la date de la séance parlementaire, expliquent-ils. Vers 18 heures, ce sont quelques indépendants qui ont commencé à se joindre au sit-in mené par Omar Harouss, chef du mouvement estudiantin du mouvement de la gauche démocratique. Marc est médecin, Marwan ingénieur. Tous les deux indépendants. Ils ont collé du sparadrap sur leurs bouches et arboré des T-shirts sur lesquels on pouvait lire : « Vous méritez notre silence. » Johnny, lui, est partisan FL. Il est venu seul, habillé de noir et brandissant une petite pancarte où il a inscrit un « non » en rouge. L’air triste, il explique : « Tous les partisans des mouvements chrétiens voulaient manifester, mais leurs chefs ne les ont pas encouragés. » Un employé d’une entreprise située dans l’immeuble des Lazaristes vient de sortir de son bureau. Il est en costume cravate et il a la jambe plâtrée. Il regarde les manifestants en souriant. Invité à les rejoindre, il s’exécute, se déplaçant à l’aide de béquilles. Il refuse de dire son nom, se contentant d’indiquer : « Je suis un citoyen indépendant et je fais mon devoir. » Assis par terre, les jeunes préparent sur place les calicots qu’ils brandissent ensuite : « Que Dieu ait pitié de l’âme de la démocratie », « Non au suivisme du pouvoir libanais », « Nous voulons un président, non un wali », « Non à la violation de la Constitution », « Non à la transformation de la démocratie en dictature » et « Non à la tutelle syrienne ». L’arrivée des pro-Lahoud Ce ne sont pas uniquement les journalistes qui prenaient des notes et des photos, mais aussi des hommes en civil et des membres des FSI qui s’appliquaient à filmer les étudiants et à inscrire les phrases figurant sur les calicots que les jeunes avaient décidé de brandir. 18 heures, place des Martyrs, toujours. Une centaine d’hommes arrivent. Se placent à une centaine de mètres des manifestants qui font le deuil de la Constitution. Les couleurs de leurs vêtements, les slogans qu’ils clament à tue-tête, leurs applaudissements et les calicots gigantesques qu’ils arborent tranchent avec l’ambiance triste, presque grave, du sit-in anti-reconduction. Chaussés de sandales, de tongs ou de bottes, chacun d’entre eux brandit – dans chaque main – un portrait du général Lahoud. Les immenses calicots qu’ils portent sont signés du Parti socialiste arabe. L’homme qui les mène clame haut et fort un discours pour dire « non aux talmudistes qui œuvrent pour semer la zizanie entre musulmans et chrétiens ». Ces manifestants indiquent qu’ils viennent de la Békaa, de Aley et de la banlieue sud. Comme un certain Samir, édenté et en sandales, qui se dit originaire de la banlieue sud et qui décide de chanter Rajeh Yetaamar Lebnan, alors que les autres manifestants clament haut et fort : « Nous donnerons notre âme et notre sang pour le président Lahoud », ou encore « Il n’y a que Lahoud et il va être réélu ». Samir et quelques autres manifestants qui s’adressent à la presse seront vite invités au silence par Ali Harous, en costume cravate, qui se présente comme le président régional du Parti socialiste arabe et qui indique qu’il est le seul habilité à donner des déclarations à la presse. Le rassemblement pro-Lahoud s’achève vite. Quelques manifestants décident de se promener au centre-ville, sans pour autant brandir les portraits du président. Samir s’installe sur le trottoir parmi les manifestants anti-reconduction. Il raconte : « Je suis employé de la municipalité de Beyrouth, je suis originaire de Furn el-Chebbak. On m’a donné un portrait et je l’ai brandi. » « C’est la première fois que je viens au centre-ville, normalement je travaille du côté de Barbir », dit-il en découvrant émerveillé les bâtiments neufs de la zone Saïfi. Vers 19 heures, les manifestants anti-reconduction s’apprêtent à partir. Omar Harous relève que « d’autres sit-in pacifiques auront lieu prochainement place des Martyrs ». Non loin de là, des camions commencent à vider des cargaisons de feux d’artifice. Des hommes qui fument des cigarettes tout en vidant les caisses, faisant fi du danger, annoncent que le centre-ville brillera de mille feux durant 45 minutes à la fin de la séance parlementaire. À la question de savoir qui a offert les feux d’artifice, on nous répondra : « Les citoyens libanais. » Cap sur la place Sassine. Des portraits de toutes les dimensions du général Lahoud vous accueillent. Sur un trottoir, des haut-parleurs géants diffusent des chansons en hommage à l’armée libanaise et au président de la République. À la question de savoir qui a pris l’initiative de mettre cette ambiance festive à la place Sassine, on nous répondra aussi « un groupe de citoyens libanais »… Patricia KHODER
«Nous contestons la violation flagrante de la Constitution et nous portons le deuil de la démocratie. Nous condamnons la tutelle syrienne et le suivisme du pouvoir libanais qui doit assumer seul la responsabilité de l’ingérence internationale. » Un petit tract portant cette unique phrase a été inlassablement distribué hier aux automobilistes qui traversaient la place des...