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Actualités - interview

Interview - Damas ne peut aller à l’encontre de la vague antireconduction et l’ère de la dualité est terminée pour les États-Unis, estime le chef du PNL Dory Chamoun : « Pas de “bis” pour Émile Lahoud » (photo)

Cela fait une semaine qu’il répète, au jour le jour, les mêmes positions au sujet de la reconduction, sans ciller. Pour Dory Chamoun, Émile Lahoud ne bénéficiera pas d’un deuxième mandat, c’est une certitude. À L’Orient-Le Jour, le chef du Parti national libéral (PNL) explique pourquoi il est convaincu que le projet d’amendement constitutionnel n’ira même pas devant le Parlement. « La Syrie ne peut pas s’opposer à ce vaste courant hostile à la reconduction du mandat du président Lahoud. Ni l’Europe, et la France tout particulièrement, ni les États-Unis, et ni les Libanais, musulmans et chrétiens – comme l’atteste la position du patriarche maronite et le communiqué de Dar el-Fatwa – ne sont favorables à cette option », affirme-t-il. M. Chamoun rappelle que le Congrès américain a voté une loi – le Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act (SALSRA) – qui traduit, selon lui, une orientation claire de la politique US. « On a tendance à penser ici qu’une loi US est semblable à une loi votée par le Parlement libanais, qu’on peut la jeter dans n’importe quel tiroir si l’on veut, ce qui est loin d’être le cas. L’Administration américaine est obligée d’appliquer cette loi », dit-il. Mais le SALSRA n’évoque pas la présidence libanaise... « Non, mais il stipule que les Syriens doivent se retirer du Liban. Et ici, il est question du retrait syrien politique et militaire. Cela veut dire que les États-Unis n’accepteront pas que la Syrie dicte sa loi au pays du Cèdre, par le biais des députés libanais qui lui sont acquis », répond-il. « Les Syriens ne commettront pas l’erreur de la reconduction, car cela se retournera contre eux à tous les points de vue. Damas va faire comprendre aux parlementaires que la reconduction est une option obsolète. De plus, la reconduction passe nécessairement par l’intermédiaire du Premier ministre... Il y a toute une conjoncture qui va empêcher Damas de commettre cette erreur. Le langage que tiennent les Américains et les Européens à la Syrie est très clair. Il camoufle même certaines menaces », poursuit Dory Chamoun. Mais à considérer que l’option de Damas soit la reconduction du mandat Lahoud, les autorités syriennes accepteront-elles de faire marche arrière ? Et si elles le font, ne risquent-elles pas d’ouvrir la voie à d’autres concessions potentielles face à la pression US ? « Cela va sans dire. La Syrie ne peut plus se permettre de continuer à jouer le jeu qu’elle a joué durant vingt ans au Liban, et elle le sait. Elle essaye aussi de sauver les meubles. Elle se trouve dans une situation très précaire à tous les points de vue. Le régime syrien est obligé de refaire ses calculs. Le maximum de concessions que Damas puisse espérer, c’est qu’il y ait des élections, et que le nouveau président libanais ne soit pas hostile à la Syrie. D’ailleurs il ne peut pas en être autrement – personne, pas même moi, n’est farouchement opposé à la Syrie », dit-il. Rupture des relations diplomatiques en cas de reconduction À la lumière des expériences de 1976 et de 1990, peut-on effectivement dire que les États-Unis ont adopté une position définitive concernant la fin du rôle syrien au Liban ? « Depuis le 11 septembre, les États-Unis se sont rendu compte que la dualité qu’ils prônaient en politique dans cette partie du monde, et surtout par rapport au Liban et à la Syrie, était néfaste pour leurs intérêts. Cela permettait toutefois au régime syrien de se maintenir en place, ce que désire aussi Israël, qui ne s’en est jamais caché. Mais c’était nuisible aux intérêts américains. Cette dualité a ruiné le Liban. L’Amérique a fait de notre pays une base pour toutes les actions terroristes, de Carlos à l’Armée rouge japonaise, en passant par le Bader Meinhoff et Abou Nidal... Cela a mené droit au 11 septembre », indique-t-il. Et de poursuivre : « Les États-Unis ne peuvent plus se permettre ce genre de politique. Malgré tout ce qu’ils ont aujourd’hui comme relations spéciales avec Israël, les États-Unis donnent la priorité à leur intérêt sur tous les autres. Or ils ne sont pas partis en guerre en Afghanistan et en Irak pour maintenir une politique mi-figue mi-raisin. Ils veulent une démocratisation de toute la région. » La présidentielle libanaise n’est donc pas une priorité pour les Américains ? « C’est le processus du retrait syrien et la volonté de mettre un frein à la non-démocratisation du Liban qui intéresse les États-Unis », estime-t-il, en souhaitant toutefois que l’échéance automnale soit un maillon vers le changement. Quel que soit le successeur d’Émile Lahoud, il ne pourra pas agir comme ce dernier, indique-t-il cependant. « Il sera obligé de se concerter avec tout le monde pour relever le pays du désastre. La première chose que le nouveau président sera obligé de faire, c’est une nouvelle loi électorale équitable et représentative. Si le nouveau président n’agit pas ainsi, il sera confronté à la même opposition qu’Émile Lahoud, et ce même s’il est très proche des Syriens. Si Lahoud a l’armée de son côté, son successeur n’aura personne pour le soutenir », estime-t-il. À considérer que le président Lahoud soit reconduit dans ses fonctions, et que que M. Hariri soit obligé de se démettre, qu’arrivera-t-il ? « Je vois les choses se détériorer très rapidement. Les Américains prendront cela comme un camouflet direct, qui provoquera peut-être la rupture des relations diplomatiques avec le Liban. L’Union européenne fera la même chose, avec toutes les conséquences économiques que cela peut provoquer », répond Dory Chamoun. Pourtant, Washington évite soigneusement de négocier sur la présidentielle... « Ils évitent de nommer des personnes, mais sont attachés à des élections respectueuses de la Constitution. C’est-à-dire qu’ils sont contre une reconduction du mandat Lahoud. Émile Lahoud pourra-t-il aller à l’encontre de tout cela... ? Sauf s’il opère un véritable coup d’État pour pouvoir rester au pouvoir. Et un éventuel départ de Hariri envenimerait les choses encore plus. Mais les Américains se mettront en travers de tout cela. Ils ne badinent pas avec ces choses. La vieille position US fait partie du passé et les Américains sont pour des élections libres et pour le retrait syrien, ce qu’ils répètent depuis longtemps. Quand le Congrès US vote une loi, c’est une loi », revient-il à la charge. « Les USA sont déterminés à assainir la situation régionale. Il ne vont pas laisser le pays qui était le plus développé démocratiquement dépérir pour les beaux yeux de Damas. La déclaration d’Armitage sur les leçons à tirer de la chute du Baas en Irak était très suggestive », dit-il. Assurer à Lahoud une sortie honorable Pour Dory Chamoun, la position d’Émile Lahoud devrait être interprétée comme « une préparation à une sortie plus ou moins honorable, pour assurer une couverture démocratique. En d’autres termes, si le Parlement ne veut pas de lui, il acceptera son verdict ». Même si le président a clairement affiché son envie de reconduire son mandat « et ce depuis qu’il a commencé à aller à la messe le dimanche, à Bkerké ». « Mais dans l’état où elle se trouve, la Syrie n’ira surtout pas contre la France et les États-Unis. Les Français ont très clairement fait comprendre qu’ils veulent des élections libres au Liban », souligne-t-il. Qu’en est-il du communiqué « estropié » de Dar el-Fatwa ? « Le retrait du texte ne change rien à la réalité. Au contraire. Cela confirme la volonté de changement des Libanais. Il s’agit d’une faute politique qui va à l’encontre de la reconduction », dit-il. « Mais il n’y a pas une rencontre islamo-chrétienne telle que nous la voulons. Les Syriens n’ont jamais voulu qu’il y ait une vraie réconciliation. Le jour où ils cesseront de s’ingérer, la réconciliation se produira d’elle-même. Ce qu’on entend dire tout bas, entre quatre murs, montre qu’on est quand même parvenu à un certain degré de réconciliation. La Syrie joue inconsciemment le jeu d’Israël, en maintenant des lignes rouges entre les communautés », ajoute-t-il. « Quoi qu’il en soit, nous faisons ce que nous pouvons pour empêcher la reconduction. La réaction des Libanais est unanime : tous disent très sérieusement vouloir quitter le pays si cela arrive, parce que cela signifie pour eux la fin du Liban. Ce qui m’a étonné dans la déclaration d’Émile Lahoud, c’est le fait qu’il saborde lui-même sa propre crédibilité. Comment accepter de reconduire le mandat d’une personne qui hier prêtait serment sur la Constitution ? Il faut respecter la Constitution, ce n’est pas un torchon », poursuit-il. Mais n’a-t-il pas, comme il le prétend, réussi le volet stratégique de son mandat ? « Je ne sais pas de quel genre de stratégie il s’agit. Mais les résultats sont nuls, et il n’y aura pas de “bis” », conclut Dory Chamoun. M.H.G.

Cela fait une semaine qu’il répète, au jour le jour, les mêmes positions au sujet de la reconduction, sans ciller. Pour Dory Chamoun, Émile Lahoud ne bénéficiera pas d’un deuxième mandat, c’est une certitude.
À L’Orient-Le Jour, le chef du Parti national libéral (PNL) explique pourquoi il est convaincu que le projet d’amendement constitutionnel n’ira même pas...