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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Bkerké, Moukhtara et Koraytem derrière les barricades

C’est, visiblement, plus qu’un mot d’ordre : il faut préserver, sauver la Constitution libanaise, et, au-delà, l’exception culturelle qui fait du Liban le dernier bastion, même boiteux, même bancal, même fissuré, de la démocratie et de l’État de droit au Liban. Ceux qui l’ont compris sont tous anti-reconductionnistes, même si leurs motivations restent diversement appréciables : garantir l’alternance, en finir avec un ennemi intime, accéder à la première présidence. Cette hétérogénéité reste somme toute assez normale, puisque l’éventail de ces hommes et ces femmes qui souhaitent une élection en bonne et due forme, libanisée soit-elle ou pas, est d’une largeur astronomique, marie la carpe et le lapin, et va, comme le dit un œil de lynx rompu à la chose libanaise, « de Sleimane Frangié à Samir Frangié ». Parmi ces pôles qui disent, haut ou bas, non à la reconduction ou au renouvellement du mandat Lahoud, trois ressortent naturellement : Bkerké, Moukhtara et Koraytem. Trois pôles qui ont été amenés, ces derniers jours, à adopter d’exceptionnelles et salvatrices positions (le patriarche Sfeir), à faire preuve d’une maturité et d’un courage politiques uniques en leur genre, dans son cas (Walid Joumblatt), ou à se murer dans un silence presque autistique qui, certains jours, en certains lieux, en dit plus long qu’un recueil de discours castristes (Rafic Hariri). Trois pôles qui se sont retrouvés, également ces derniers jours, autour d’une même table, toujours à deux : dimanche dernier, comme souvent, le leader druze et le Premier ministre évaluent la semaine ; il y a quelque temps, ce même leader druze se rendait célébrer dans l’intimité le troisième anniversaire de l’heureuse réconciliation de la Montagne en la résidence estivale du patriarche maronite, son partenaire national, et hier, le chef du gouvernement s’est entretenu en tête à tête pendant près d’une heure avec le cardinal, à l’issue duquel il s’est fendu d’un très bref mais lourd de sens « quiconque rencontre Mgr Sfeir en ressort satisfait ». Au lendemain de la fameuse (et véritablement motrice) homélie dominicale du patriarche, au cours de laquelle il avait mis en garde contre un amendement constitutionnel, qui anéantirait ce qui reste de démocratie libanaise, et à quelques jours à peine, sans doute, de son audience avec Bachar el-Assad au palais des Mouhajirine, le timing du pèlerinage politique de Rafic Hariri à Dimane, et l’image qu’il répercute auprès de l’opinion publique locale et régionale, sont censés mettre du baume au cœur du maître de Koraytem. Bousculé par sa double volonté de ne pas froisser Damas en raison d’un éventuel second et légitime « over my dead body », et de ne pas rééditer cette terrible cohabitation, qui a sérieusement entamé ses prérogatives et, même, sa popularité. Même s’il sait pertinemment que, sur le fond, sur les raisons de ce « non, non, non » silencieux à l’amendement constitutionnel, tout le sépare du patriarche. Pour Mgr Sfeir, le refus est un refus de principe, indépendant de l’homme, des circonstances, des desiderata des uns ou des autres ; un refus basé sur la volonté de ne pas toucher, pour l’instant, à Taëf et au fragile équilibre politico-communautaire ; un refus de la situation, de l’aliénation de la souveraineté, de l’indépendance et de la libre décision, beaucoup plus que celui de l’individu. C’est plus ou moins la même chose pour Walid Joumblatt, mais c’est loin d’être le cas pour Rafic Hariri. Qui aurait « besoin de se recycler », avait dit il y a quelques jours le seigneur de Moukhtara à L’Orient-Le Jour. Il n’empêche, à l’heure où le chef de l’État sortant a décidé de voler à la rescousse des reconductionnistes, Bkerké, Koraytem et Moukhtara se retrouvent, circonstances obligent, unis derrière les mêmes barricades. Pour la défense du respect de la Constitution. L’idée que ces trois pôles pourraient penser se retrouver également sur un même axe, en un même front ; inviter Damas, qu’ils ménagent et estiment tous trois à différents degrés, à inclure dans l’équation présidentielle, aux côtés des considérations régionales et du bras de fer avec Washington, le facteur libanais, cette idée, qui reste éminemment virtuelle, recevrait sans aucun doute l’appui d’une très grande majorité de Libanais. Et nul besoin, pour en juger, de quelque institut de sondage que ce soit. Ziyad MAKHOUL

C’est, visiblement, plus qu’un mot d’ordre : il faut préserver, sauver la Constitution libanaise, et, au-delà, l’exception culturelle qui fait du Liban le dernier bastion, même boiteux, même bancal, même fissuré, de la démocratie et de l’État de droit au Liban. Ceux qui l’ont compris sont tous anti-reconductionnistes, même si leurs motivations restent diversement...