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Actualités - REPORTAGE

Une nouvelle zone protégée au Liban-Sud qui ouvre une bonne perspective pour l’écotourisme Un sanctuaire inattendu pour les oiseaux à Ebel es-Saqi (photo)

Il y a quarante ans, un sens remarquable de l’écologie a poussé le ministère de l’Agriculture de l’époque et la communauté locale de Ebel es-Saqi, un village du caza de Marjeyoun (Liban-Sud), à reboiser toute une montagne de chênes et de pins. Cet espace vert d’environ 38 hectares est aujourd’hui devenu une zone protégée grâce à l’initiative de plusieurs partenaires, autant des organisations internationales que la communauté locale. Mais nul n’aurait pu prévoir que les arbres n’étaient pas du tout le seul atout de l’endroit… qui est un sérieux candidat au titre de Important Bird Area (IBA), une classification mondiale désignant une zone fréquentée par un nombre impressionnant d’espèces d’oiseaux. C’est dans le souci de promouvoir le tourisme et la protection de l’environnement dans l’ancienne bande frontalière (auparavant occupée par Israël) que l’aventure de la zone protégée de Ebel es-Saqi a commencé. Le projet a été lancé après que la Finul eut alerté l’Escwa sur l’existence de l’endroit. L’agence onusienne a alors commandé une étude, qui a pris en compte la possibilité d’une exploitation durable et écologique de l’espace vert. Une fois cette première étude mise sur le tapis, l’Escwa a lancé un appel d’offres, et c’est Mercy Corps qui a obtenu la charge de financer le projet, dans le cadre de son programme de développement du Liban-Sud pour lequel elle a obtenu un budget total (pour plusieurs projets) de 12,5 millions de dollars de l’USAid. À son tour, Mercy Corps confie l’aspect écologique du projet à l’association SPNL (Société pour la protection de la nature au Liban), qui gère déjà la réserve des cèdres du Chouf. C’est là que l’observation révèle un fait très surprenant: Ebel es-Saqi serait l’un des sites les plus fréquentés par les oiseaux migrateurs au Liban, surtout ceux qui volent très haut dans les airs (donc qui dépendent des courants d’air et sont obligés de se poser sur le site). Son importance serait même mondiale puisque de nombreuses espèces menacées au niveau de la planète s’y retrouvent et peuvent y être observées. Sans compter la biodiversité remarquable du site. Assaad Serhal, directeur général du SPNL et coordinateur du programme des IBA au Liban, déclare que les recherches se poursuivent pour recenser toutes les espèces d’oiseaux qu’on trouve sur ce territoire, mais que beaucoup d’entre elles ont déjà été repérées. « Il existe déjà quatre IBA au Liban, à Horch Ehden, aux cèdres du Chouf, dans les marais de Ammick et aux îles des Palmiers, explique-t-il. Selon nos études qui sont achevées, Ebel es-Saqi devra bientôt s’ajouter à la liste puisque c’est l’un des points d’eau où les oiseaux migrateurs se posent hors de leurs pérégrinations. SPNL, qui est le coordinateur national, a déjà certifié ce fait. La décision officielle n’attend que l’assentiment final de Bird Life International, à Cambridge. » Parmi les espèces menacées mondialement observées à Ebel es-Saqi, on retrouve l’aigle impérial ainsi que d’autres espèces d’aigles et de faucons, des espèces de busards, de sarcelles, de bécassines, de bruants, de crécerelles, de râles des genêts, de serins, de pélicans… Le site de Ebel es-Saqi est formé en plus d’un écosystème, d’où le fait que des espèces très différentes fréquentent l’endroit. « Toutes les espèces d’oiseaux sont représentées dans les différentes zones, explique M. Serhal. Il y a la forêt proprement dite, l’espace rocheux méditerranéen, la zone humide de la rivière de Hasbani, les pâturages où sont cultivées des plantes de fourrage et le champ d’oliviers. Toute cette biodiversité a été préservée. » Différence entre « hima » et « mahmié » Mais pourquoi une forêt, à l’origine plantée artificiellement, a-t-elle acquis une telle importance ? « Le processus de reboisement avait été très bien réalisé en ce temps-là, souligne M. Serhal. D’un autre côté, l’espace a été bien conservé et a connu une progression telle qu’il en est devenu presque naturel. La zone protégée est aujourd’hui un habitat méditerranéen semi-naturel. » Il insiste sur le concept de « zone protégée », qui présente des différences avec celui de « réserve naturelle ». En arabe, la seconde idée se traduit par « mahmié », alors que la première donne « hima ». Si le concept de réserve a été quasiment importé de l’Occident, où la dégradation des ressources a obligé les législateurs à concevoir une protection absolue des sites importants (la première réserve date de 1890, à Yellow Stone, en Californie), le second est séculaire et provient bien de chez nous. « Dans le temps, les communautés locales au Liban étaient plus conscientes que nous de la nécessité de préserver les ressources naturelles, constate M. Serhal. Les sites étaient déclarés “hima” pour assurer une bonne utilisation de leurs ressources. C’est un concept que nous avons puisé dans nos traditions et qu’il faut faire revivre. En attendant, ce projet sera unique au Liban et au Moyen-Orient. » La principale différence entre la gestion d’une réserve naturelle et celle d’un « hima », c’est qu’il est pratiquement interdit de toucher à quoi que ce soit dans la première (sauf en cas de nécessité absolue) parce que l’objectif en est la protection, alors que la seconde peut être un théâtre d’activités, à condition que celles-ci ne causent pas de dégâts permanents au site et répondent à un besoin de développement durable. Malgré cela, la SPNL, fidèle à sa politique écologique, compte intervenir le moins possible dans la progression naturelle de la forêt. Ainsi, il est possible d’observer, selon M. Serhal, la naissance de nouveaux chênes sur le site sans aucune intervention humaine. Chasse interdite Quelle importance revêt ce site pour Ebel es-Saqi ? Riyad Abou Samra, président du conseil municipal, exprime sa certitude que la forêt pourra assurer le développement écotouristique de sa localité, détruite à 80% durant l’invasion israélienne de 1978 et reconstruite, depuis, avec l’aide des troupes norvégiennes de la Finul. Dans ce beau village qui cultivait traditionnellement les oliviers mais où l’agriculture est, aujourd’hui, réduite à son expression minimale, ce projet est le bienvenu. M. Abou Samra précise que les terrains sur lesquels avait été plantée la forêt appartenaient en partie au ministère de l’Agriculture et en partie au village. Comme pour les réserves, hima Ebel es-Saqi sera dotée d’un centre d’accueil, d’une salle de projection, d’une boutique de souvenirs… La gestion ne différera pas beaucoup de celle d’autres sites protégés. «Nos recherches scientifiques et le classement du site en tant qu’IBA dictent nos décisions en matière de gestion intégrée, souligne M. Serhal. Pour l’instant, il nous apparaît clair que l’observation d’oiseaux, les randonnées à pied ou à vélo, la création d’aires de pique-nique… sont des activités à envisager. » Mais que faire au cas où la chasse s’y développe ? M. Serhal indique que la chasse sera strictement interdite dans la zone classée IBA, c’est-à-dire dans la périphérie de la « hima » (la forêt et les autres écosystèmes), par décision municipale. La chasse ne sera évidemment pas interdite dans les terrains environnants, qui sont privés. « Il faut que la communauté locale devienne la gardienne du site en en comprenant l’importance et l’impact positif sur les habitants, dit-il. Ailleurs, si la chasse est bien contrôlée, elle peut devenir un bon outil de gestion. » Actuellement, un plan de gestion est mis au point avec le financement de Mercy Corps et la participation des différents partenaires. Le projet, qui comprend différentes constructions, devra être livré par la SPNL en décembre (la réalisation débutera en septembre). Théoriquement, les visiteurs pourront commencer à affluer dès l’hiver. Des sessions de sensibilisation devront être organisées à l’intention des écoliers, des professeurs et des agriculteurs de la région. Par ailleurs, la première activité qui y sera exercée se déroulera les 2 et 3 octobre, en concomitance avec le Festival mondial des oiseaux : les amateurs pourront observer les différentes espèces d’oiseaux migrateurs ou établis sur le territoire, à Ebel es-Saqi. Suzanne BAAKLINI Adresses utiles Pour plus d’informations sur ces divers projets, il est possible de contacter Hala Kilani, chargée des activités économiques à Mercy Corps, au 03-567928. Pour la zone protégée de Ebel es-Saqi, on peut consulter le site Internet du SPNL, qui sera prêt dans quelques jours, à l’adresse suivante : www.spnlb.org, ou celui de Mercy Corps : www.mercycorps.org. L’adresse électronique du SPNL est la suivante : spnlorg@cyberia.net.lb Enfin, pour ce qui est des activités de Chebaa plus spécifiquement, on peut appeler Pascal Abdallah au 03-218048. Un khan historique et de vieux moulins, pour voyager dans le temps La zone protégée de Ebel es-Saqi sera ultérieurement reliée à divers projets touristiques, écotouristiques et agrotouristiques, actuellement entrepris à l’initiative de Mercy Corps dans la région de Marjeyoun et Hasbaya (Liban-Sud). Parmi ces projets, on peut compter le musée de la Seconde Guerre mondiale qui sera situé dans un hôpital historique souterrain à Khiam (voir L’Orient-Le Jour du 18 août 2004) et un complexe agrotouristique tout proche (pas encore réalisé). Deux autres projets, qui feront partie du même circuit, mettront en valeur le patrimoine de Hasbaya. Le premier consiste en la restauration d’un khan (marché traditionnel) du XVIIIe siècle. Son importance réside dans le fait qu’il s’agit d’un des seuls khans ruraux historiques toujours existant au Liban. L’archéologue Sami Masri, de la compagnie Historic Lebanon, responsable du chantier, explique que les travaux in situ consistent principalement en la restauration de l’endroit et en des fouilles effectuées sous la supervision de la Direction générale des antiquités (DGA). Le travail devra durer encore un an. « Ce caravansérail du XVIIIe siècle est formé principalement d’un bâtiment en longueur, d’une place centrale et de plusieurs salles, explique M. Masri. À l’époque, des marchands des pays environnants s’y arrêtaient, principalement pour s’approvisionner en eau. » Il révèle que le bâtiment principal en arcades sera transformé en musée où, d’une part, les objets trouvés sur le site seront disposés et, d’autre part, une exposition présentera aux visiteurs tout ce qui a trait aux caravansérails de l’époque. Ce projet, financé à partir d’un budget global de l’USAid pour le Liban-Sud, ajoutera une attraction touristique à la région, dont l’importance historique est indéniable. Toutefois, comme ce site a toujours été prisé par les marchands à travers les siècles, Mercy Corps a entrepris d’y construire un khan moderne à partir d’un budget provenant du ministère américain de l’Agriculture. Le squelette de la structure est déjà visible non loin du khan historique. Activités à Chebaa Le village de Chebaa, aux pieds du mont Hermon, fera également l’objet de projets futurs entrepris par Mercy Corps. L’un d’eux porte sur deux vieux moulins à eau de la région, qui seront restaurés et utilisés pour diverses activités touristiques à caractère pédagogique, puisque ces petits musées permettront aux visiteurs de voir le fonctionnement de cette dynamique. Un des deux moulins en pierre blanche est même demeuré intact, avec tous ses instruments à l’intérieur, ce qui en fait une acquisition précieuse pour le projet. Pascal Abdallah, consultant auprès de Mercy Corps et organisateur des activités, explique que le moulin sera transformé en écomusée pédagogique, où le blé sera effectivement moulu, avec la perspective de le vendre sous diverses formes. Les explications seront données par un guide issu de la communauté locale. Le second moulin, moins complet mais particulièrement bien situé (les deux sont à proximité d’une rivière du nom de Nabeh el-Maghara), sera transformé en snack libanais. Outre les moulins, de nombreuses activités sont prévues dans cette localité à la nature particulièrement imposante. Ainsi, des randonnées pédestres pourront être organisées, dont la perspective la plus importante serait l’escalade du mont Hermon si la situation le permet. D’autres circuits de promenade seront possibles dans les vergers du village, à Wadi Jhennem, où les randonneurs pourront s’adonner à une cueillette de fruits ou à d’autres travaux agricoles. Autre possibilité : les promenades à dos de mule. « Cette activité s’insère bien dans l’histoire du village, qui a, de tout temps, été un passage pour les caravanes », explique M. Abdallah. Il ajoute qu’un tour du village à pied sera également envisagé pour les amateurs. Une aire de camping entièrement équipée, avec un espace réservé aux barbecues, sera également aménagée à Wadi Jhennem. Par ailleurs, en hiver, il sera possible de faire de la raquette sur neige et du ski de fond. Selon M. Abdallah, ces activités pourront être lancées dès octobre si tout va bien. Elles seront d’ailleurs liées entre elles, et les visiteurs pourront envisager un déjeuner chez l’habitant.
Il y a quarante ans, un sens remarquable de l’écologie a poussé le ministère de l’Agriculture de l’époque et la communauté locale de Ebel es-Saqi, un village du caza de Marjeyoun (Liban-Sud), à reboiser toute une montagne de chênes et de pins. Cet espace vert d’environ 38 hectares est aujourd’hui devenu une zone protégée grâce à l’initiative de plusieurs...