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Le couple Liban-Syrie, une longue histoire de contrariétés accumulées

Pour illustrer l’album de famille Syrie-Liban, cette anecdote pleine de sens : l’épouse aimante, mais qui porte la culotte, insiste : qu’est-ce que monsieur souhaite qu’on lui prépare pour le déjeuner du lendemain ? Ce qu’elle veut, ce qu’elle a envie de cuisiner, répond-il. Mais non, elle tient absolument à savoir ce qui lui ferait envie à lui. De guerre lasse, il murmure : alors, des lentilles. Résultat des courses, il a droit à une assiette géante de macaronis... Depuis dix ans, au moins dix ans, c’est comme cela dans le ménage Liban-Syrie. Quand le mandat Hraoui a commencé à tirer à sa fin, nombre de pôles locaux ont relancé la Syrie pour en sonder les intentions. Il leur a été aimablement répondu qu’on tenait d’abord à connaître leur propre avis. Ils se sont, tous ou presque, prononcé avec véhémence contre la reconduction ou la prorogation. Les présidents Berry, Hoss, Karamé, le député Sleiman Frangié se sont distingués par leur opposition ouverte à tout amendement de la Constitution. Le jour de la séance, les parlementaires qui sont restés conséquents avec leur refus déclaré ont été Pierre Hélou, Nassib Lahoud, Mikhaïl Daher, Camille Ziadé, Najah Wakim, Zaher el-Khatib, Habib Sadeck, Moustapha Saad, Riad Aboufadel et Issam Naaman. Sept autres se sont absentés. Auparavant, lors d’un meeting à Qartaba, Berry avait affirmé que la minorité de la minorité seulement était avec la prorogation. Karamé, de son côté, avait annoncé les funérailles de la prorogation, l’inhumation devant se produire dans le port de Tripoli. Ce même leader avait finalement voté l’amendement, levant même les deux mains à l’appel de son nom. Depuis cette époque, et on le comprend facilement, il se méfie et ne s’avance plus à faire des annonces prématurées. Ainsi, pour le cas du président Lahoud, Karamé ne se prononce pas d’une façon marquée. Quant à Berry, il avait cru un moment avoir partie gagnée. En effet, Damas lui avait donné généreusement carte blanche pour diligenter des concertations élargies sur la prorogation du mandat Hraoui. Il en était sorti avec un large verdict de « non ». Mais le président Hafez el-Assad lui avait lancé : « Abou Moustapha, Abou Georges est un honnête homme. Il a coopéré avec nous avec autant de sincérité que de dévouement. » Berry a bien tenté, alors, de livrer un baroud d’honneur, d’expliciter en avocat expérimenté les méfaits de la prorogation. Il s’est trouvé contraint, en définitive, d’en être l’orchestrateur technique et l’exécutant. Le 20 juillet (1995), au déjeuner de la Mar Élias à Zahlé, il y avait à la table de Hraoui, Berry, Hariri, Khaddam, Hikmat Chehabi, Ghazi Kanaan et le général Ibrahim Safi. C’est ce jour-là qu’il a été question pour la première fois de la prorogation. Hariri a ouvert le feu en sollicitant Hraoui à cet effet « car, affirmait le Premier ministre, nous avons toujours besoin de vous ». Berry fixait le parquet, sans piper mot. C’est Hraoui lui-même qui s’est montré réticent. En exprimant un point de vue qu’il devait répéter par la suite : il faut savoir lire l’histoire. Or elle montre que les tentatives de rallonge n’aboutissent qu’à des résultats mauvais. Il a cité, dès ce jour-là, les cas de Béchara el-Khoury, de Camille Chamoun, des tentatives du Nahj... Bis repetita On retrouve aujourd’hui le même tableau. La scène est livrée à la lutte entre ceux qui rejettent l’amendement de la Constitution et les reconductionnistes. Ce débat prend le pas sur toute autre considération, sur tout autre problème. Tout comme à la fin du mandat Hraoui, les échanges d’accusations pleuvent. Et l’on se précipite à Damas. Qui, de nouveau, « consulte », mais cette fois sans même passer par Berry. Au-delà de la reconduction, le patriarche Sfeir souligne que si l’on veut amender un article, en l’occurrence le 49, il faut dans la même logique retoucher bien d’autres dispositions de la présente Constitution. Notamment celles qui ont trait aux prérogatives de la présidence de la République. Par ce rappel de bon sens, le prélat veut sans doute rendre la reconduction plus compliquée, plus difficile à réaliser. Cependant, c’était sur le perron de Bkerké qu’Élie Ferzli, vice-président de la Chambre, s’était dressé contre le projet de prorogation du bail Hraoui. Il avait même demandé qu’on raccourcisse plutôt le mandat. Et finalement, il s’est inscrit comme un chaud partisan du maintien de Hraoui. Car la majorité a basculé d’un seul coup quand le Ahram égyptien a publié, le 11 octobre 1995, le fameux diktat de Hafez el-Assad. Qui faisait savoir que « nos amis, nos frères Libanais de toutes tendances, sont d’accord pour proroger le mandat de leur président de la République ». Cela, sous prétexte que les délicates circonstances régionales ne permettaient pas le changement. Et sur ce point, il n’y a d’ailleurs pas de changement : c’est le même argument que l’on ressert aujourd’hui. Du moins du côté des reconductionnistes. Le tout restant de savoir si le président Bachar el-Assad va suivre ou non l’exemple de son père. Et décréter, ou non, le maintien en place du régime libanais actuel. Beaucoup d’observateurs estiment que les pressions US pourraient paradoxalement aider à la reconduction. Dans ce sens que l’on ne voudrait pas, du côté syrien, s’aventurer à changer une équipe fiable. Que pour faire mieux face aux exigences américaines concernant plus particulièrement le volet libanais (le Hezbollah, l’armée au Sud, le retrait syrien, les camps palestiniens), il vaut mieux agir dans la stabilité. Donc dans la continuité. Mais il faut le souligner : Hariri était favorable à la prorogation pour Hraoui. Il est par contre farouchement opposé à la reconduction pour Lahoud. Et il a fait savoir que, dans un tel cas, il passerait à l’opposition. Ce facteur, ainsi que l’incertitude concernant la docilité, peut-être moindre maintenant, de nombre de politiciens font qu’on se demande si un mot d’ordre allant contre la volonté libanaise ne risquerait pas cette fois de ne pas passer. D’autant que Bkerké, les évêques de la communauté maronite (concernée au premier chef par la présidentielle), et l’Est sont opposés à l’amendement de la Constitution. Ainsi, du reste, que l’Amérique (qui se trouve militairement en Irak) et la France. Ou même ainsi que nombre de courants influents de l’Ouest. Émile KHOURY
Pour illustrer l’album de famille Syrie-Liban, cette anecdote pleine de sens : l’épouse aimante, mais qui porte la culotte, insiste : qu’est-ce que monsieur souhaite qu’on lui prépare pour le déjeuner du lendemain ? Ce qu’elle veut, ce qu’elle a envie de cuisiner, répond-il. Mais non, elle tient absolument à savoir ce qui lui ferait envie à lui. De guerre lasse, il...