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Actualités - ANALYSE

Analyse - Politisation des élections municipales : le pour et le contre

Fallait-il ou ne fallait-il pas donner une dimension, un cachet politique à l’échéance municipale ? Depuis le début des élections, la question en a taraudé plus d’un. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de plusieurs des membres du Rassemblement de Kornet Chehwane, à l’instar du député Boutros Harb, qui a plus d’une fois affirmé que les municipales devaient rester dans le contexte du développement, de la gouvernance locale, des familles et de l’esprit du village. Tout au contraire, d’autres, parmi lesquels le général Michel Aoun ou le chef de l’opposition Kataëb Élie Karamé, ont voulu d’emblée « politiser » l’échéance, déterminer des enjeux politiques et, partant, définir un axe de confrontation entre le pouvoir et l’opposition. Ainsi, le courant aouniste a-t-il tenté d’infléchir les élections dans le sens d’une bataille générale contre les symboles du pouvoir, ce qui n’a pas été sans bousculer tout un pan de la politique libanaise, fortement traditionnel. Qui a eu tort, qui a eu raison ? Toute réponse hâtive ne pourrait être que simpliste, schématique. Ceux qui ont plaidé en faveur de la politisation des élections municipales s’inspirent de l’expérience démocratique européenne. En France, se défendent-ils, les élections municipales opposent les formations politiques en présence. Pourquoi n’en serait-il pas de même au Liban ? Pourtant, les tenants de cette théorie ne sont pas sans ignorer l’aspect particulier du tissu socioculturel libanais, et la puissance des clans et des familles au niveau des phénomènes politiques, toujours aussi présente. Déjà, dès le XIVe siècle, Ibn Khaldoun définissait le concept de la aaçabiya, l’esprit de cohésion au niveau du groupe – et tout particulièrement au niveau des clans et des communautés –, plus tard repris et développé par plusieurs sociologues, pour expliquer l’émergence et le déclin de l’État dans le monde arabe. Or le concept opératoire de la aaçabiya pourrait servir à expliquer la situation libanaise, où viennent se superposer, au niveau de la représentation, les structures familiales aux structures communautaires. À cela, il faudrait ajouter que la comparaison entre les structures d’un Liban pluraliste, multicommunautaire et soumis à des phénomènes sociopolitiques tels que le féodalisme ou le clanisme, et la structure stato-nationale de la plupart des États européens paraît peu convaincante. Plusieurs sociologues de l’école consociative, à l’instar de Théodor Hanf, de Hans Daälder ou d’Antoine Messara, ont déjà infirmé ce genre d’étude comparative, estimant que le Liban ne pouvait être comparé qu’à la catégorie de pays pluralistes à laquelle il appartient, tels que la Suisse, par exemple. D’ailleurs, estiment ceux qui se sont opposés à la politisation des municipales, le Liban est trop petit et beaucoup trop complexe pour transformer en bataille politique une telle échéance, puisque le théâtre de l’affrontement n’est, souvent, qu’un petit village de quelques centaines d’habitants. Il reste que le concept de la politisation, en soi, n’est pas mauvais, même lorsqu’il s’agit des municipales. Il requiert tout simplement une succession de conditions qui ne sont, pour l’instant, pas réalisées, à commencer par la diffusion d’une culture démocratique et civique et la formation de partis politiques organisés, disciplinés et capables d’assurer, sur le terrain, les tâches que les habitants attendent d’une municipalité : asphalter les routes, faire des formalités sans complications, assurer l’eau potable, etc. En bref, pour faire des municipales une véritable échéance politique, il semble qu’il faille avant tout s’éloigner des slogans et des idées trop générales, pour tenir compte avant tout des réalités politiques, sociologiques et anthropologiques du pays. Partant de ce principe, les résultats obtenus au Metn ou à Jbeil par exemple s’inscrivent largement dans la logique générale du pays. Michel HAJJI GEORGIOU
Fallait-il ou ne fallait-il pas donner une dimension, un cachet politique à l’échéance municipale ? Depuis le début des élections, la question en a taraudé plus d’un. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de plusieurs des membres du Rassemblement de Kornet Chehwane, à l’instar du député Boutros Harb, qui a plus d’une fois affirmé que les municipales devaient rester...