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Actualités - OPINION

Rébus de guerre

Qu’est-ce qui, du politique et du sécuritaire, devrait avoir la priorité dans une situation de guerre ? Les deux, est-on tenté de répondre ; mais ce serait oublier que la guerre, classique ou civile, a sa propre logique, laquelle se moque souvent de la raison pure. Cette bien difficile synthèse entre l’option militaire et la quête d’une plate-forme minimale d’entente, les protagonistes de la guerre libanaise l’ont tous expérimentée à travers les centaines d’accords de cessez-le-feu théoriques qui ont émaillé quinze longues années d’affrontements. Dans un contexte irakien tout de même différent, c’est un peu le même rébus que doit résoudre aujourd’hui le Premier ministre Iyad Allaoui : il est tenu de frapper fort pour asseoir une autorité qui ne tient, pour l’heure, qu’au soutien de ses tuteurs américains ; et dans le même temps, il devrait être le premier à savoir que s’il s’agit bien de rallier à son gouvernement les nombreux récalcitrants, aucune force au monde, serait-elle celle de l’unique superpuissance mondiale, ne peut remplacer la négociation, le compromis. C’est surtout vrai pour cette guerre à tiroirs initiée par l’invasion US de l’Irak, où résistance à l’occupation, lutte de libération, rivalités ethniques ou sectaires et subversion éminemment terroriste s’entremêlent aujourd’hui en un épouvantable chaos. En allant jusqu’à investir la ville sainte chiite de Najaf pour réduire la milice de l’imam rebelle Moqtada Sadr, Allaoui, lui-même un chiite, vient effectivement de montrer que ce nécessaire recours à la force ne l’effraie guère, mais aussi qu’il en connaît parfaitement les limites. Aller traquer en effet le jeune cheikh jusque dans le mausolée de l’imam Ali où il s’était retranché avec ses fidèles revenait tout à la fois à commettre un sacrilège et à faire un martyr du personnage pour le moins controversé qu’est le bouillant Moqtada. Car autant ce sayyed trentenaire galvanise les jeunesses déshéritées, autant son penchant pour l’aventure inquiète une hiérarchie religieuse indépendantiste certes, mais qui s’est bien gardée jusqu’à ce jour de croiser le fer avec les Américains. L’actuel séjour dans une clinique de Londres du chef suprême de cette communauté, l’ayatollah Sistani, a sans doute pu passer pour un feu orange donné à l’opération Najaf ; mais l’assiégé, par son inégal et opiniâtre combat, s’est gagné entre-temps l’admiration de nombreux Irakiens et aussi la solidarité de diverses instances chiites hors d’Irak. Déjà confronté à la grogne des Kurdes autonomistes et à l’hostilité des sunnites, le pouvoir irakien se devait, dès lors, de gérer avec la plus grande prudence une effervescence chiite d’autant plus fâcheuse qu’elle survient à la veille de la réunion d’un vaste congrès national appelé à désigner un Parlement provisoire. Voilà qui commandait absolument la recherche, amorcée hier, d’une solution préservant (jusqu’à nouvel ordre, jusqu’au tiroir suivant ?) et la vie et la liberté du rebelle Moqtada Sadr. Tout le sang versé ces derniers jours n’aura pas aidé, on le voit, à trancher le vieux débat sur les priorités. Après tant d’erreurs sanglantes et de soudaines volte-face, les Américains, eux, savent enfin ce qu’ils veulent : marquer des points décisifs sur le terrain, tout en rapatriant le moins possible de cercueils aux States où la campagne électorale bat son plein. D’où le rôle primordial confié cette fois à l’aviation dans les opérations menées à Najaf, Kout et Sadr City ; d’où aussi la proportion effroyable de civils tués et blessés par ces bombardements massifs. Voilà ce qui, dans le monde du business, s’appelle optimisation : de l’investissement, comme du profit. De l’Amérique, les Libanais attendent qu’elle libanise (ou désyrianise, comme on voudra) la prochaine échéance présidentielle. Ironie, c’est la course à la Maison-Blanche qui, aujourd’hui, se trouve atteinte d’irakisation. Issa GORAIEB
Qu’est-ce qui, du politique et du sécuritaire, devrait avoir la priorité dans une situation de guerre ? Les deux, est-on tenté de répondre ; mais ce serait oublier que la guerre, classique ou civile, a sa propre logique, laquelle se moque souvent de la raison pure.
Cette bien difficile synthèse entre l’option militaire et la quête d’une plate-forme minimale d’entente,...