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Actualités - REPORTAGE

Une promenade agréable non loin de la capitale Ghazir et ses environs, une région qui a gardé un cachet enchanteur(photos)

Pour tous ceux qui se plaignent du bétonnage excessif du pays, certaines régions du Mont-Liban, qui ont gardé leur cachet et où la verdure reste dominante, demeurent une aubaine. Parmi elles, on peut compter le beau village de Ghazir (Kesrouan) et des localités environnantes comme Jdeidet Ghazir, Chahtoul, Dlebta et Ghiné, avec leurs maisons traditionnelles ou nouvelles (à l’architecture remarquable), leurs anciens moulins, leurs cours d’eau, leurs vestiges historiques et, surtout, leur végétation toujours abondante. Si l’on ajoute à ce cadre enchanteur les nombreux restaurants offrant les traditionnels mezzés, il devient possible de passer dans cette vaste région toute une journée agréable pour découvrir de belles contrées proches de la capitale mais pas toujours connues des vacanciers. Des contrées qui mériteraient qu’on y développe une infrastructure touristique beaucoup plus importante, accompagnée d’activités récréatives plus attirantes, notamment pour les jeunes. Avec ses routes sinueuses, ses escaliers, son vieux souk en cours de réhabilitation, ses églises, Ghazir mérite le détour. Cette localité – dont est originaire le président Fouad Chéhab (il y est d’ailleurs enterré, et un monument lui est dédié) – s’étend de Maameltein jusqu’à 550 mètres d’altitude, en passant par Kfarhabab, une colline récemment urbanisée. Le village proprement dit a gardé un cachet traditionnel, avec ses maisons de familles et ses bâtiments (dont plusieurs couvents historiques et le siège de la municipalité) majoritairement en pierre blanche, sans compter son paysage naturellement très escarpé. Depuis quelques années, de nettes améliorations ont été apportées aux routes, dont les bords ont été reboisés et les trottoirs réaménagés. L’ancien souk, avec ses belles arcades, est en pleine réhabilitation, comme nous l’explique Ibrahim Haddad, président du conseil municipal. Les bâtiments seront bien sûr rénovés dans le respect du patrimoine architectural et le secteur sera illuminé. Les travaux sont à un stade avancé, comme on peut le constater sur place. Selon M. Haddad, «le gouvernement ne s’intéresse en aucune façon au développement urbanistique et touristique de cette région, et la réhabilitation de l’infrastructure, même celle des routes principales qui n’est en principe pas de notre ressort, est réalisée à nos frais.» Ghazir compte sur son territoire certains vestiges historiques, dont le plus visible est le pont romain, situé sur la façade maritime au niveau de Maameltein. Mais la plupart de ses bâtiments historiques sont plus récents, plusieurs d’entre eux étant des couvents. L’un des plus prestigieux est le couvent Saint-Antoine, qui n’est autre que le siège du supérieur général de l’Ordre maronite. Situé sur les hauteurs de Ghazir et surplombant la mer, cet impressionnant bâtiment en pierre a souvent changé de mains avant d’appartenir à cet ordre religieux. Des travaux de restauration ont été effectués récemment à l’intérieur du couvent, qui est d’une beauté à couper le souffle et qui mérite assurément d’être visité. L’église, avec ses tableaux et ses icônes, accueille le pèlerin et l’impressionne par sa finesse esthétique. Le couvent tire sa fierté du séjour qui y a effectué un célèbre poète polonais, Jules Slowacki, en 1837. C’est durant cette retraite, d’ailleurs, qu’il a écrit son chef-d’œuvre Anhelli, sur les tribulations des populations polonaises. Un autre poète connu, Youssef el-Khal, a également élu domicile à Ghazir et sa maison se trouve toujours dans le village. Il faut dire que Ghazir a souvent inspiré des poètes, comme Lamartine, un autre amoureux du Liban. Le poète français a d’ailleurs donné son nom à une très belle vallée verte, où il aurait passé quelque temps dans une ancienne cabane en pierre (encore visible). Cette vallée aurait pu faire l’objet d’une exploitation écotouristique idéale si elle n’avait été, selon les propres dires du président du conseil municipal, «défigurée par des travaux de construction d’une autoroute allant de la côte aux hauteurs du Kesrouan, en passant par Ghazir». Ainsi, à en croire M. Haddad, le gouvernement, et plus précisément le ministère des Travaux publics – qui se désintéresse du développement routier des villages de la région – n’hésite pas à abîmer des paysages naturels remarquables pour construire une autoroute... Des couvents et du vin Parmi les couvents de Ghazir figurent notamment celui qui porte le nom de Saint-François – aujourd’hui pris en charge par les sœurs de la Croix –, un séminaire pour la formation des prêtes maronites, ainsi que le couvent et l’école bien connus des sœurs antonines, en pleine rénovation actuellement. Le nombre d’églises et de couvents que comporte Ghazir a fait que son histoire et la majeure partie de ses activités sont fortement imbriquées avec les dates du calendrier religieux. M. Haddad souligne que le village, avec ses 25000 résidents, vit souvent au rythme des fêtes religieuses qui sont autant d’occasions d’organiser des fêtes et des activités. Durant la semaine qui précède la fête de la Vierge, le 15 août, le village organise ainsi des concerts de musique traditionnelle, un dîner villageois, des jeux et des conférences… Ghazir ne tire pas fierté de ses bâtiments historiques seulement, mais aussi des personnalités politiques et religieuses qui y sont nées. Il y a évidemment le président Fouad Chéhab, dont on peut toujours voir la maison familiale et le monument funéraire. Plus loin dans le temps, on peut évoquer l’émir Béchir, qui a également vu le jour dans le village avant de gouverner le Mont-Liban au XIXe siècle. Enfin, le père Yaacoub Haddad, fondateur du couvent de la Croix, dont le dossier de béatification est actuellement examiné au Vatican, a donné son nom à une rue, actuellement aménagée en lieu de promenade en pleine nature, allant du couvent Saint-Antoine à la limite du village de Chnanaïr. Mais il n’y a pas que les sites religieux à Ghazir, il y a aussi le vin. L’une des maisons les plus prestigieuses, celle de Château Musar, a installé ses locaux dans un bâtiment du XVIIIe siècle, en pierre blanche, proche de la place publique. Château Musar a été fondé en 1930 par Gaston Hochar et produit des vins réputés mondialement. On peut actuellement y visiter les caves (capables de contenir plus d’un million de bouteilles) et se livrer à une dégustation. Mais pour mieux organiser sa visite, il est préférable de prendre rendez-vous au préalable. Pour ce qui est des hôtels et des restaurants, on peut en trouver au niveau de Kfarhabab ou, plus bas, à Maameltein. Il est toujours possible, pour ceux qui désirent déjeuner ou dîner sur la côte, de se rabattre sur Jounieh, toute proche, ou sur Tabarja, également à quelques minutes de là (vers le Nord), ou encore pousser jusqu’à Jbeil. Mais pour ceux qui préfèrent un repas plus traditionnel, dans un cadre de verdure enchanteur, il leur faudra aller plus haut que Ghazir, jusqu’au village de Qattine (bien signalé sur la route principale). Là, un groupe de restaurants spacieux, parmi les plus connus de la région, attendent les clients. On y mange un très bon mezzé pour un prix raisonnable. On accède à Ghazir après avoir emprunté une grande bifurcation à partir de l’autoroute qui relie Beyrouth au Liban-Nord, juste après Jounieh. La route mène vers de très belles localités, qui méritent d’être découvertes ou redécouvertes. Suzanne BAAKLINI Maameltein, «une mauvaise réputation injustifiée» Dans le périmètre de Ghazir, un quartier, Maameltein, a acquis ces dernières années une réputation bien particulière, celle d’avoir un nombre considérable de bars et de cabarets et d’offrir aux visiteurs une vie de nuit plutôt chaude. Ibrahim Haddad, président de la municipalité de Ghazir, s’en offusque et tient à préciser cette perception. «Les cabarets et les bars dont on parle se situent plus au sud, dans la ville de Jounieh, ou plus au nord de Maameltein, martèle-t-il. Or c’est Maameltein qui a acquis toute cette réputation, injustement, alors que les boîtes de nuit qui s’y trouvent sont prestigieuses et respectables. Résultat: les habitants du secteur souffrent des mauvaises fréquentations et les femmes ne peuvent circuler dans le quartier sans être harcelées par des badauds. C’est insupportable.» M. Haddad assure que durant son mandat (il en est au second), son conseil municipal n’a pas donné de nouveaux permis pour l’ouverture de bars ou de boîtes de nuit dans la région. Les moulins abandonnés de Jdeidet Ghazir Juste au-dessus de Ghazir se trouve un village où les sources d’eau sont particulièrement abondantes, Jdeidet Ghazir. Ce n’est donc pas étonnant si la végétation y est aussi luxuriante et si la localité a toujours été connue pour ses fruits et légumes, ainsi que pour ses moulins. Ceux-ci sont aujourd’hui désaffectés, bien que majestueux, constituant autant de témoins d’un autre temps. Leur réhabilitation pourrait doter le village de sites touristiques intéressants. Les habitants, même s’ils ont modernisé leurs équipements et construit des usines plus nouvelles, n’ont pas tous abandonné le commerce des grains et produits de mouné. L’un d’eux, Michel Ghobeira, qui possède une boutique sur la route principale, nous explique qu’il a hérité de ce commerce qui se pratique de père en fils dans sa famille. «Dans le temps, quand les moulins à eau étaient encore opérationnels, les clients y amenaient leurs produits agricoles pour les faire moudre, raconte-t-il. Aujourd’hui, il est certain qu’ils viennent acheter le produit fini, même si, chez nous, il est souvent plus frais, surtout pour des denrées comme le blé concassé par exemple. Il n’est pas rare qu’on vienne de Beyrouth pour acheter sa mouné de chez nous.» Il ajoute que les prix ne sont légèrement plus chers que pour les produits qui sont particulièrement frais et meilleurs que ceux qu’on trouve habituellement dans les commerces. Adonis à l’abandon à Ghiné C’est le village où, dit-on, Adonis a affronté le monstre qui lui a coûté la vie. Pour commémorer ce récit mythique, un rocher gravé depuis des temps immémoriaux raconte la scène du combat du jeune homme et du sanglier, avec Aphrodite qui pleure son amour perdu. Ce rocher, c’est à Ghiné (Haut Kesrouan) qu’on le trouve, ainsi que d’autres vestiges archéologiques, dont les restes d’un temple romain, avec d’impressionnantes mosaïques. Il est clair que les sites archéologiques de ce beau village, qui surplombe la mer, ne sont pas bien entretenus. L’étroit sentier qui mène au rocher où la scène du combat est gravée est quasiment envahi par les herbes. D’ailleurs, sans la minuscule inscription présente, on passerait facilement à côté de cette œuvre antique sans la remarquer. Les restes du temple romain donnent eux aussi l’impression d’un certain abandon. Les mosaïques n’en sont pas moins magnifiques et particulièrement bien conservées. Aujourd’hui, une enceinte (pas très haute) entoure le site. Francis Azar, moukhtar et propriétaire du seul hôtel de la région, affirme avoir œuvré pour que la Direction générale des antiquités (DGA) construise cette enceinte afin de protéger, un tant soit peu, ces vestiges. Les sites historiques de Ghiné mériteraient le détour, mais, outre la négligence dont ils font l’objet, il n’existe aucune infrastructure capable d’accueillir les visiteurs et de leur procurer un minimum d’informations. Le village a aussi un atout d’un autre genre, connu lui aussi depuis l’Antiquité: la source d’eau de Aïn Abaal. Cette eau est très réputée pour ses vertus médicinales, et d’aucuns parcourent de grandes distances pour s’en procurer. Un habitant rencontré sur les lieux, Yaacoub Kallas, s’enorgueillit du fait que l’eau de cette source «comporte 18 minéraux et est très bonne pour la santé». Selon lui, «les Romains avaient déjà construit des canalisations pour l’acheminer vers leur temple et leurs camps». Aujourd’hui, la source, encadrée par une construction en pierre jaune, abreuve toujours les passants, même si elle est moins abondante que par le passé. Il est regrettable de relever que ce beau village de Ghiné souffre d’un manque de moyens permettant d’attirer les touristes libanais et les estivants étrangers. Francis Azar, qui y a installé son hôtel (qui porte son prénom) depuis 1982, raconte l’essor de cette région durant la guerre, comparé au vide qu’on y observe aujourd’hui. Il attribue cet état de fait au désintérêt de l’État pour cette région et à la hausse du prix de l’essence. Mais il admet également que les habitants devraient s’investir davantage dans le développement touristique de leur localité, pour en faire une destination plus attirante. Il faut préciser qu’une nuitée avec pension complète à l’hôtel Francis revient à 40 dollars, et qu’un buffet de «cuisine maison» y est organisé chaque dimanche pour 12 dollars par personne. Notre-Dame de la Forteresse, à Chahtoul : histoire d’une apparition De loin, l’église Notre-Dame de la Forteresse surplombant Chahtoul (Haut Kesrouan) ressemble à tant d’autres de la montagne libanaise, avec sa forme carrée, sa construction en pierre et son vieux clocher. Mais on raconte à propos de cette église, vieille de centaines d’années, une histoire liée à une… grotte qu’on peut visiter juste en dessous. Ce serait une apparition de la Vierge à cet endroit qui aurait incité à la construction de l’église. La grotte elle-même a été transformée en chapelle, où les croyants viennent prier. Chahtoul, c’est aussi le village de l’écrivain May Ziadé, où une sculpture lui est dédiée. On y accède par la route principale venant de Ghazir, et passant par Jdeidet Ghazir, Qattine et Aramoun.


Pour tous ceux qui se plaignent du bétonnage excessif du pays, certaines régions du Mont-Liban, qui ont gardé leur cachet et où la verdure reste dominante, demeurent une aubaine. Parmi elles, on peut compter le beau village de Ghazir (Kesrouan) et des localités environnantes comme Jdeidet Ghazir, Chahtoul, Dlebta et Ghiné, avec leurs maisons traditionnelles ou nouvelles (à...