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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Adieu Babylone

Pacifié et démocratisé de la désastreuse manière que l’on sait par George W. Bush, l’Irak se vide de ses chrétiens. Entamé depuis plusieurs mois déjà, le mouvement d’exode a atteint en effet un rythme record au lendemain des attentats à la bombe de dimanche dernier contre des églises. Et ce cri d’alarme est lancé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, un organisme qui ne risque pas de se mettre au chômage avec tous les soubresauts qui agitent périodiquement le Proche et le Moyen-Orient. De toutes les plaies qui, l’une après l’autre, s’abattent sur l’infortuné Irak, celle de l’exode massif des chrétiens n’est pas la moins douloureuse. Pire, la moins chargée de périls : pour l’Irak lui-même bien sûr, où la démonstration est faite que dans l’actuel capharnaüm de revendications ethniques ou communautaires, et malgré la présence sur les lieux de la plus puissante armée du monde, le terrorisme est capable de rayer de la carte une minorité tout entière. Périlleuse aussi, cependant, pour tous les pays de la région abritant des majorités, pas forcément chrétiennes au demeurant, et où seule une main de fer, une poigne à la Saddam, est jugée à même de préserver les équilibres – ou parfois les déséquilibres – communautaires : ce qui est techniquement vrai, jusqu’au jour apocalyptique où finissent par s’effondrer tous les barrages... L’Irak de George Bush, ce n’est heureusement pas (encore ?) le monde arabe. Mais que fait-il donc de sensé, d’intelligent, de responsable, de hardi le monde arabe, pour se prémunir contre le mal irakien ? Il n’y va pas là des seuls chrétiens d’Orient, même si ceux-ci constituent un incontestable facteur d’ouverture et de modernité dans les sociétés où ils vivent, même s’il y a éminemment lieu de s’alarmer de leur aire démographique qui se réduit régulièrement comme peau de chagrin. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de tous les Arabes, et c’est en se refusant obstinément à jouer le jeu que leurs peu entreprenants gouvernants les condamnent à perdre. Particulièrement flagrante – et choquante – est l’inertie des États face aux deux questions essentielles que sont la lutte contre ce vil terrorisme se réclamant odieusement d’Allah et les réformes sociopolitiques que commande l’ère de la mondialisation. L’un et l’autre de ces brûlants dossiers figuraient en bonne place, pourtant, parmi les recommandations du sommet arabe de Tunis du printemps dernier. Les attaques contre les civils, tous les civils, y étaient dénoncées et on se promettait vertueusement d’aller de l’avant pour le reste. Le ton était presque convaincant mais ce n’était après tout que paroles, que lip service (littéralement politesse verbale) comme disent ces redoutables Américains qui, de la tourelle de leurs chars, exigent le changement. Ce n’est pas l’Oncle Sam en réalité que l’on endormait de la sorte, mais les peuples arabes, eux-mêmes avides de changement et qui risquent d’être un jour les premières, les plus grandes victimes du terrorisme. Car il ne suffit pas, une fois de plus, de dénoncer celui-ci. Il ne suffit pas, de même, de faire la chasse aux terroristes, c’est dans les esprits qu’il faut aller exorciser tous les démons. Ce sont aussi les hiérarchies religieuses de chacun des pays arabes – et de tous ces pays, conjointement et solidairement – qu’il convient de mobiliser contre l’intégrisme violent et l’intolérance, et ce travail de longue haleine doit s’étendre jusqu’aux bancs de l’école et aux écrans de télévision. Non moins vitales seraient des actions concrètes visant à la garantie effective des libertés publiques, à l’émancipation de la femme arabe, au développement de la société civile. Cela sonne comme du Bush ? Erreur, c’est là plutôt le seul moyen pour les Arabes d’infirmer, tout à la fois, et les thèses suspectes de Washington et celles, racistes et religieuses, de leur ennemi israélien. Mais charité bien ordonnée ne commence-t-elle pas par soi-même ? Autant il est courant de citer en exemple, à ce propos, le modèle libanais de coexistence et de démocratie, autant il nous incombe de le sauvegarder en l’améliorant sans cesse et toujours. Ce modèle est loin d’être parfait, il n’a pu nous épargner une guerre fratricide ; et l’après-guerre, placée qu’elle était sous le signe de la vassalisation, de la médiocrité et de la corruption, n’a pas réellement éradiqué les germes de conflits futurs. Le moins que l’on puisse faire, dès lors, c’est de ne pas le décrédibiliser davantage, ce modèle. Et puisque l’occasion s’en présente, de montrer aux Arabes peuplant républiques et royaumes que des régimes et des gouvernements vont et viennent sans qu’il soit besoin pour cela de coups d’État militaires, de parricides dynastiques ou de viols « légaux » de la Constitution. N’arrachez pas ses derniers voiles au modèle : c’est dans le nu qu’apparaît le mieux la contrefaçon.

Pacifié et démocratisé de la désastreuse manière que l’on sait par George W. Bush, l’Irak se vide de ses chrétiens. Entamé depuis plusieurs mois déjà, le mouvement d’exode a atteint en effet un rythme record au lendemain des attentats à la bombe de dimanche dernier contre des églises. Et ce cri d’alarme est lancé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les...