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Actualités - OPINION

La réforme jumelée, une nouvelle théorie

L’arbre qui cache la forêt. C’est l’effet de parallaxe combiné à l’effet de gros plan au téléobjectif qui occulte le panoramique. Effaçant de la sorte, à la fois, toute vision d’ensemble et toute perspective. Réduite à son expression la plus microscopique, la fièvre électorale n’en est que plus intense, plus brûlante. Un vrai rayon de laser qui fascine, comme tout faisceau de bonne famille doit le faire. Bref, les municipales, c’est bien normal, raflent la vedette, pour le moment. En voilant, et c’est là le danger, de pressants périls régionalo-locaux, comme l’implantation. Et même en abrégeant la durée des ondes d’une communication majeure. À savoir l’interview télévisée de Bachar el-Assad. Doublée, éclairée, il convient de le signaler et de le souligner, par ses confidences à un ministre libanais, répercutées dans ces mêmes colonnes sous la signature d’Émile Khoury. Face à la caméra, le président syrien s’est contenté de réitérer des positions connues. Par contre, en privé, il livre une théorie nouvelle de la réforme, qui nous ramène un peu à l’art de la photographie. Dans ce sens qu’à ses yeux, c’est le mot, il est indispensable de jumeler une vision, par l’addition des données que livrent les deux orbites oculaires, pour obtenir une image complète. Concrètement, le président Assad propose, et se propose, d’élaborer un plan global de réforme pour le Liban et la Syrie. En commençant par le premier. Sous prétexte qu’en raison de son expérience démocratique plus étendue, le changement y semble plus facile. Il faut certes apprécier le compliment. Mais il suscite autant de remarques immédiates que d’interrogations. D’abord, comment une réforme dans un pays-mosaïque (faut-il détailler ?), qui a tant de directions qu’il n’en a plus du tout, peut-elle être plus facile que dans un pays nationalisé, monolithique. Ensuite, et l’on s’inquiète un peu pour la Syrie, que ferait-elle si le cobaye libanais ne supportait pas la cure et se disloquait. Non seulement elle n’aurait plus de modèle à copier, mais il lui faudrait ramasser les morceaux. En priant pour que les contre-effets ne l’ébranlent pas à son tour. Du fait même de cet esprit de jumelage qu’elle cultive à tour de bras. Et même si tout devait se dérouler sans trop d’accrocs, combien de temps, combien de dizaines d’années, faudrait-il avant que la double expérience ne soit menée à bien. Question plus importante qu’il n’y paraît. À cause des choses qui se précipitent dans la région et des pressions US, certes. Mais aussi à cause des urgences économiques et financières qui cernent également les deux pays frères. En effet, si le Liban a l’air bien plus mal en point que la Syrie, pour le moment, il garde cependant l’avantage, à cause de son système plus libéral, plus up to date, d’espérer s’en sortir plus rapidement. Enfin, et surtout, si l’on parle de changement, le tout premier devrait être, dans l’intérêt des deux partenaires, de gommer le jumelage quand il s’agit des affaires intrinsèques de chaque associé. De sa vie privée, en quelque sorte. On en est éloigné au maximum quand, au titre de la fusion gémellaire, l’un des monozygotes se met à penser pour l’autre. Plus ponctuellement, concernant la présidentielle, échéance capitale quand on parle de tournant à prendre en direction du changement, les hautes autorités syriennes dissipent aujourd’hui un doute, une espérance que leurs déclarations antérieures avaient fait naître dans les esprits (bien) libanais. Il y a quelques mois, en effet, le président Assad affirmait que le choix serait, cette fois, laissé aux Libanais. Pour peu qu’ils ne se rabattent pas, exigence légitime, sur une personnalité hostile à la Syrie. Or dans sa récente interview télévisée, il se contente de répondre que pour le moment, toutes les éventualités restent ouvertes. Aussi bien la reconduction que l’avènement d’un nouveau régime. Au Liban. Ce qui signifie, en clair, que la Syrie n’a pas encore fait ses choix. Ce qui signifie, bis, qu’elle ne renonce pas à ce droit. Et qu’en définitive, c’est l’inévitable mot d’ordre qui va jouer. Pour bien confirmer cette orientation, le chef de l’État en rajoute une louche côté exigences sélectives : un candidat, pour avoir grâce aux yeux de Damas, ne doit pas être d’esprit confessionnaliste. Il ne doit pas être mis au compte d’une fraction plutôt que d’une autre. Et surtout, il ne doit absolument pas vouloir revenir en arrière. Entendre, sans doute, remettre en cause le système. Fondé essentiellement, voire uniquement, sur l’obédience. Or, retour à la réforme, à quoi peut-elle bien servir si elle n’induit aucun changement. Et à quoi sert le changement s’il ne balaie pas le système. J.I.
L’arbre qui cache la forêt. C’est l’effet de parallaxe combiné à l’effet de gros plan au téléobjectif qui occulte le panoramique. Effaçant de la sorte, à la fois, toute vision d’ensemble et toute perspective. Réduite à son expression la plus microscopique, la fièvre électorale n’en est que plus intense, plus brûlante. Un vrai rayon de laser qui fascine, comme...