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Actualités - OPINION

Exporter la production libanaise et non pas les cerveaux

J’ai assisté le 16 juillet dernier à la cérémonie de clôture d’Elcim (European Lebanese Center for Industrial Modernisation). Y figuraient au premier rang, Messieurs les ministres du Commerce et de l’Industrie ainsi que le chef de la délégation de l’UE. Nos ministres, ayant oublié que la langue officielle de leur pays était l’arabe, se sont lancés dans des discours, qui en anglais, qui en français, avec un accent impeccable, mais où la langue de bois se mêlait allègrement à la méconnaissance de l’objet de la cérémonie : l’industrie et l’apport de l’UE à travers Elcim. Un des industriels à qui on demandait de présenter la contribution d’Elcim présenta quelques-uns des besoins concrets et pressants de l’industrie ce qui lui valut des regards courroucés. Il a presque dû se justifier quelques instants plus tard. L’ancien ministre Nasser Saïdi a sauvé l’honneur en intervenant en arabe, mais en donnant des gages quant à ses connaissances en anglais et en français. Il a surtout posé une question pertinente et essentielle au sujet d’Elcim: en somme, Elcim, qui a été signé avant l’accord de l’ouverture des frontières, était une aumône, une faveur que l’UE faisait au brave petit Liban. Maintenant qu’il faudra éliminer les droits de douane entre le Liban et l’UE, cette aide n’est plus une faveur mais un droit. Il faudra donc revoir son budget à la hausse pour fournir 100 millions USD, un montant minimum pour soutenir l’industrie dans son effort de modernisation – c’est surtout un montant en phase avec les engagements de l’UE envers la Jordanie, la Tunisie, le Maroc et d’autres. Cette question/intervention fut rapidement esquivée, pour le plus grand bonheur de l’assistance, par le représentant de l’UE, qui buvait du petit lait dans son rôle de donneur de leçons. En effet, il liait le montant des sommes investies par l’UE dans ces pays-là à leur taille démographique. Il aurait été plus juste de considérer les importations de produits européens par habitant, car le Liban aurait été largement en tête. Il convient d’ajouter que nos compatriotes sont aussi le fer de lance de l’industrie européenne pour conquérir les marchés de l’Orient arabe, pays du Golfe inclus. Le ministre Frem, qui avait sortit Elcim des tiroirs du ministère de l’Industrie quand il en avait pris la charge, avait également demandé en 2003 à l’UE, après le succès constaté de ce programme, de proroger et de développer son action en lui allouant 65 millions d’euros supplémentaires. Aucune suite n’a été donnée à sa demande pour cause de changement de gouvernement. Il convient également de reconnaître que depuis que le ministre Frem a quitté ses fonctions, Elcim fut en proie à des querelles inutiles qui paralysèrent son action et causèrent le départ de ses éléments les plus compétents. Par exemple, son directeur avait été remercié en octobre 2003 et ne fut remplacé qu’en mars 2004, quatre mois tout juste avant la fin du projet. Elcim devrait être le ticket d’entrée que doit payer l’UE avant que la déferlante de ses produits industriels, libérés des droits de douane, ne vienne attaquer de front notre production nationale. Dans cette perspective, 11,3 millions d’euros ne sont assez pour moderniser l’industrie libanaise et toutes les cérémonies n’y changeront rien et ne convaincront personne. 11,3 millions d’euros ne sont qu’un petit os, des miettes, que se sont disputés des consultants d’Europe ou d’ailleurs. Les 57 % de consultants libanais acclamés par Elcim n’ont, quant à eux, certainement pas reçu 57 % du budget Elcim. Mais ce n’est pas pour défendre les consultants que j’écris. Elcim n’est pas une aumône que l’UE nous fait. Ce n’est que justice si on exige du continent économiquement dominateur de contribuer à la mise à niveau de l’industrie des petits pays qu’il entend investir. D’autres pays arabes ont bien su le faire. Chypre, Malte et Israël aussi – qui ont des structures spécialisées dans les relations avec l’UE. Ce qu’il nous faudrait, c’est un organisme indépendant et compétent qui s’occupe exclusivement de négocier, canaliser et superviser les fonds que des pays ou groupes de pays tiers fourniront à titre de contribution pour accéder librement à nos marchés dans la perspective de l’accord de l’OMC ratifié par le Liban. Ce qu’il faudrait surtout à notre industrie, c’est un programme sérieux, un programme fermement soutenu par le gouvernement et les syndicats professionnels et qui serait mené à terme par un leader apolitique et engagé à la cause de la réforme économique. Les pays riches ne sont riches que parce qu’ils sont industrialisés. Le nôtre a tout pour réussir dans cette voie et pour enfin arriver à exporter sa production au lieu d’exporter ses enfants. Mais il est vrai aussi que pour applaudir certains dirigeants, égorger des agneaux sur leur passage et se convaincre qu’ils sont la planche (unique) du salut, il faut absolument que les cerveaux quittent le pays. Wassim HENOUD

J’ai assisté le 16 juillet dernier à la cérémonie de clôture d’Elcim (European Lebanese Center for Industrial Modernisation). Y figuraient au premier rang, Messieurs les ministres du Commerce et de l’Industrie ainsi que le chef de la délégation de l’UE.
Nos ministres, ayant oublié que la langue officielle de leur pays était l’arabe, se sont lancés dans des...