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Le pouvoir discrètement complimenté par les chancelleries

Entre gens de bonne compagnie, on se comprend à demi-mot. Les chancelleries ont ainsi transmis leur satisfaction aux autorités libanaises. Par le canal de commentaires officieux tenus devant des tiers rapporteurs. Sans communiqués tapageurs, qui auraient été autant d’immixtions abusives. Une sorte de dérive que l’Occident ou les démocraties condamnent. Et dont les ambassades ne veulent voir aucune trace dans les municipales au Mont-Liban. Peut-être qu’elles changeront d’avis, dimanche prochain. Car la phase Beyrouth se distingue, plus qu’une autre, on ne le sait que trop, par une ingérence, du reste décisive, des tuteurs. Pour l’heure, la première phase des municipales se trouve homologuée, par les chancelleries, comme un franc succès de l’État libanais. D’autant que le Mont-Liban est réputé pour être la région la plus complexe politiquement du pays. La plus sensible, la plus conflictuelle. Car c’est un vivier où l’on retrouve la quasi-totalité des composantes du paysage politique libanais, si contrasté, si éclaté. C’est d’ailleurs là, uniquement là, qu’existe une opposition véritable, dirigée contre les aberrations de tout un système plutôt que contre des personnes ou des intérêts spécifiques. Or le pouvoir, en termes de choses visibles, a indéniablement réussi à assurer un scrutin calme, propre, libre, sans pressions manifestes ni dérapages scandaleux comme par le passé. Ainsi, comme se plaît évidemment à le relever le ministre de l’Intérieur (et des municipalités), le bureau des plaintes n’a enregistré que 24 recours mineurs, alors qu’il y avait une dizaine de milliers de candidats à départager dans le mohafazat. Sur le plan de la sécurité, tout a baigné dans l’huile et aucun incident notable ne s’est produit. Il faut dire que l’on avait veillé au grain : toujours selon les indications d’Élias Murr, l’on avait mobilisé pour l’occasion quelque 25 000 uniformes, entre militaires, gendarmes et tutti quanti. Au comptoir l’on a en outre installé dans les bureaux de vote quelque 6 000 fonctionnaires civils. Les responsables planificateurs et le personnel exécutif ont eu droit, pour le parfait accomplissement de leur mission, aux félicitations du chef de l’État. Qui n’a jamais cessé, faut-il le rappeler, de souligner l’entière neutralité du pouvoir dans une échéance électorale apolitique, à son sens. Pratiquement, cela s’est traduit en maintes localités par des listes d’entente groupant loyalistes et opposants. Les premiers raflant globalement la mise, en termes de résultats numériques. Bien qu’à tout prendre les municipales au Mont-Liban aient répondu, avant tout, à leur nature première : refléter les préoccupations, ou les tensions souvent familiales, propres à chaque agglomération. L’on a pu ainsi assister à de rares collusions, comme les accords passés par les aounistes, tantôt avec le Hezbollah, tantôt avec le PSP ou d’autres groupements intégrés au système Taëf. Que ce courant opposant décrie. Retour à Élias Murr, grand vainqueur hors concours de l’épreuve. Il proclame que le test, le message, du Mont-Liban, région politiquement effervescente, montre le haut degré de civilité autant que de civisme de l’électeur libanais. Le ministre espère qu’il en ira de même dans les autres régions. Pour que, dit-il, le Liban présente au monde une image de pays modèle en termes de démocratie. Il indique que son département a reçu un flot de dépêches de Libanais expatriés exprimant leur satisfaction du tableau civilisé que leur pays a pu offrir, à l’occasion de cette première tranche des élections municipales. De son côté, Rafic Hariri fait montre de beaucoup d’élévation civique, sinon d’abnégation. Il presse en effet les citoyens d’exercer massivement leur droit de vote, de participer à une vie publique qui est la leur. En rejetant l’argument selon lequel cela ne vaut pas la peine puisque la liste qu’il cornaque est pratiquement élue d’avance. Pour ne pas dire désignée, à la suite de l’aimable arbitrage des décideurs. Moins suspect d’attitude purement formaliste, le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, invite sérieusement la population à faire acte de présence aux urnes. À son avis, les absents ont tort et sont défaits. Or les forces chrétiennes ont besoin de montrer qu’elles ne s’avouent pas vaincues et qu’elles veulent continuer à lutter pour le changement. Retour, cette fois, aux ambassades. Nombre d’entre elles ont suivi de près la journée électorale. Pour voir où en est le Libanais, pouvoir et citoyen confondus, par rapport à l’esprit démocratique. Elles ont donc conclu sur un satisfecit. Mais certains diplomates rappellent que l’échéance n’est pas politiquement significative. Après avoir de la sorte renvoyé, un peu perfidement, sa propre balle au pouvoir local, ces envoyés précisent que la véritable épreuve se situe à leurs yeux en amont. C’est-à-dire qu’il faudra voir, à l’occasion de la présidentielle, si le principe démocratique fondamental de l’alternance sera bien respecté. Philippe ABI-AKL
Entre gens de bonne compagnie, on se comprend à demi-mot. Les chancelleries ont ainsi transmis leur satisfaction aux autorités libanaises. Par le canal de commentaires officieux tenus devant des tiers rapporteurs. Sans communiqués tapageurs, qui auraient été autant d’immixtions abusives. Une sorte de dérive que l’Occident ou les démocraties condamnent. Et dont les ambassades...