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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - Les conséquences d’un absentéisme seraient préjudiciables pour la communauté comme pour Hariri La participation des chrétiens de Beyrouth désormais seul enjeu

«La participation massive au scrutin est une consécration de la démocratie, à laquelle nous croyons tous sans la pratiquer. (...) Se rendre aux urnes, le jour du vote, est très important pour que nous ne donnions pas une fausse image de la situation des Libanais. » Rafic Hariri dixit. La mère des batailles, celle de la capitale, censée se dérouler le 9 mai, a déjà eu lieu, sauvage, féroce, âpre, rude. Elle a opposé – un chat, en français, s’appelle un chat – Rafic Hariri à Damas par le truchement d’un club de six partis, sidérant d’hétérogénéité, un lapin sorti tout droit du chapeau syrien. Elle a duré jusqu’aux dernières minutes qui ont précédé l’annonce par Abdel-Meneem Ariss de la liste parrainée par le maître de Koraytem. Elle s’est soldée par des victoires pour la Jamaa islamiya, Amal, le Hezbollah et le Tachnag (qui comprendra sans doute plus clairement, à la veille des législatives 2005, que rien n’est gratuit en politique, surtout avec Rafic Hariri), et par une défaite cuisante pour les Kataëb de Karim Pakradouni (qui a compris qu’on ne pouvait pas, en politique et surtout avec Rafic Hariri, avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en sus). Cette bataille, enfin, a accouché avant-hier dimanche au cours d’un grand meeting dînatoire auquel le n° 3 participait tout sourire et toutes fleurs dehors d’un slogan hyper-haririen, martelé à l’infini devant des fans énamourés. Un slogan qui résume, à lui tout seul, aussi bien la hargne et la force du Premier ministre, sa certitude que la vengeance est un plat qui se mange à peine tiède, que son hallucinante capacité à oublier (ou à montrer que), à peine ingérées, les dizaines de couleuvres qu’il avale depuis plusieurs mois. Un slogan que les publicitaires les plus avisés lui envient sans doute déjà : « C’est comme ça. Et na ! (heyk w noss). » Après le Mont-Liban et son lot de (vraies-fausses) surprises, de confusions, de promesses avortées et de coches ratés, ce sera, dimanche prochain donc, le tour de Beyrouth. Avec des enjeux, dans leur très grande majorité, bien différents de ceux auxquels les candidats et les électeurs ont été confrontés avant-hier au Metn, dans le Kesrouan, à Jbeil, à Baabda, à Aley et au Chouf. Des enjeux tout aussi importants et précieux, plus d’ailleurs pour les Beyrouthins que pour le principal concerné – le Premier ministre –, « ses » 23 hommes et « sa » seule femme. Un : tout, rien, la moindre billevesée, le plus délicat des dossiers est, depuis octobre 2000, prétexte à un insensé bras de fer entre Émile Lahoud et Rafic Hariri. Et ce ne sont pas les municipales beyrouthines qui vont faire exception à la règle – loin de là. Question: le Premier ministre rééditera-t-il le raz-de-marée (dont les causes comme les effets resteront à jamais sujets de controverse) réalisé lors des législatives 2000 ? Un raz-de-marée, rappelons-le, qui l’a obligé, à lui ainsi qu’au chef de l’État, à incarner pour leur plus grand malheur et celui des Libanais la « doïka » exécutive la moins harmonieuse et la moins productive de l’histoire du Liban. Réponse : la victoire de la liste de l’unité de Beyrouth parrainée par le Premier ministre est assurée. Mais pour le triomphe, c’est une autre paire de manche. Deux : en vieux routard de la politique auquel on ne la fait pas, Rafic Hariri connaît parfaitement la seule et unique clé de son éventuel triomphe, il la répète depuis plusieurs jours à l’infini, la matraque, en fait une doctrine, ponctuée de « C’est comme ça. Et na ! » Cette clé est triple : il faut, d’abord, une mobilisation massive des électeurs, toutes communautés confondues ; un vote sans panachages ou biffages aucuns ensuite, et, last but not least, une participation tous azimuts des chrétiens. Parce que Rafic Hariri n’a peur que d’une chose, une hypothèse sur laquelle ses adversaires politiques et autres ennemis miseraient jusqu’à leur dernier dollar : une illégitimité notable qu’entraînerait un absentéisme record, et, pire que tout, un conseil municipal monochrome, musulman, qui rééditerait le cauchemar tripolitain d’il y a quelques années. Trois : le véritable enjeu est en fait là. Pour le Premier ministre lui-même comme pour l’ensemble de la communauté chrétienne. Qu’ils aiment ou non Rafic Hariri, qu’ils partagent ou non sa vision des choses, qu’ils décident ou non de prendre l’initiative d’écrire une nouvelle et plus sereine page de leurs relations passionnelles avec lui, qu’ils considèrent ou non qu’il est partie (très) prenante de la dégénérescence du Liban et de la chose publique, les chrétiens de Beyrouth se retrouvent, à cause de Rafic Hariri ou grâce à lui (leurs réactions, le 9 mai, dépendra de l’angle qu’ils auraient privilégié), investis, bon gré, mal gré donc, d’une mission à caractère purement national : préserver l’équilibre confessionnel, et, donc, la quintessence de la convivialité libanaise, assurer pour leur cité un développement équilibré et contribuer à éviter à la communauté chrétienne dans son ensemble une marginalisation aux conséquences dramatiques. Entre ceux qui penseront que c’est pour des conseillers municipaux bien précis (Antoine Syriani ou, notamment, Georges Tyan, qui a appelé, via L’Orient-Le Jour, à un vote « utile et massif ») qu’ils donneront leur voix et non pas à Rafic Hariri ; ceux qui le récompenseront, dans les urnes, d’avoir écarté Karim Pakradouni et résisté aux assauts de Damas ; ceux qui lui reprochent, à tort ou à raison, sa mégalomanie et sa politique ; ceux que l’absence de toute ferveur électorale ou de partis politiques auxquels ils adhèrent poussera au cocooning en famille ; ceux que les aounistes attirent, etc., un seul dénominateur commun : seuls les chrétiens de Beyrouth pourraient garantir leur propre place au soleil dans la capitale – à condition que leurs éventuels élus ne deviennent pas les « yes man » si chers au Premier ministre –, et donner à Rafic Hariri la potion (politique) magique qui semble lui manquer cruellement depuis des mois et des mois : une stature véritablement et purement nationale. Ni internationale ni sunnite : nationale. CQFD. Ziyad MAKHOUL
«La participation massive au scrutin est une consécration de la démocratie, à laquelle nous croyons tous sans la pratiquer. (...) Se rendre aux urnes, le jour du vote, est très important pour que nous ne donnions pas une fausse image de la situation des Libanais. » Rafic Hariri dixit.
La mère des batailles, celle de la capitale, censée se dérouler le 9 mai, a déjà eu lieu,...