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Actualités - REPORTAGE

Visite de sites protégés et découverte des sports de montagne Hammana la verte, la séduction en plus (photos)

Sortir des sentiers battus, aller à la découverte de villages libanais encore dignes de ce nom et qui offrent, l’espace d’une journée ou d’un week-end, ce dépaysement tant recherché par les Beyrouthins ou les touristes étrangers, à juste une demi-heure de Beyrouth. Pourquoi ne pas tenter l’expérience? C’est à Hammana, village du Metn-Sud, appartenant au caza de Baabda, que nous nous sommes arrêtés cette semaine. Un village construit en pente dans le creux des falaises de Jabal el-Knaissé, dont la fraîcheur, la nature verdoyante, la vallée, la rivière, les toits rouges et le calme ne peuvent que séduire. «Un des plus beaux coups d’œil qui soit donné à l’homme de jeter sur l’œuvre de Dieu, c’est la vallée de Hammana ». C’est en ces termes qu’Alphonse de Lamartine, séduit par la beauté du village et de sa vallée, a décrit Hammana dans son livre Voyage en Orient. C’était en mars 1833 et le poète avait été, durant une quinzaine de jours, l’hôte des «mouqaddamins» druzes du village, les Mezher. Les mouqaddamins étant, à l’époque féodale, des dignitaires militaires haut gradés, qui régnaient sur le village. Promenade piétonne Aujourd’hui, Hammana n’a rien perdu de son cachet traditionnel. Des maisonnettes de pierre aux toits rouges, des peupliers qui bordent les routes, un village qui descend dans la vallée en pente douce, avec sa place (le midane), sa fontaine d’eau de source (le haouz), son vieux souk aux arcades de pierre, ses églises anciennes, son palais des Mezher et cet escalier qui serpente à travers les habitations, passant devant les balcons chargés de linge, les terrasses où jouent les enfants, les cuisines où l’on prépare le repas, comme pour mieux s’imprégner des conversations, des odeurs, des rires, des habitudes... le vieux Hammana tient à ses racines, à son passé. Un passé que l’on a envie de respirer à pleins poumons... même si le souk attend toujours d’être restauré. Même si les khans en pierre de voûte, autrefois refuge des chameliers de passage, tombent aujourd’hui en ruine ou sont utilisés par leurs propriétaires comme parkings privés. Même si les magnaneries ont été rénovées et transformées en écoles. Même si, çà et là, le béton a fait son apparition et dénote quelque peu dans ce paysage si harmonieux. Même si le « chaghour », cette région touristique d’hôtels et de restaurants libanais situés en plein air, sous les cascades de la source du même nom, au sommet du village, n’a pas encore retrouvé sa gloire d’antan. Une petite promenade piétonne s’impose au cœur du village. Derrière la fontaine de marbre se dresse fièrement le palais des Mezher, baptisé par les habitants palais de Lamartine depuis le séjour du poète. Ce palais, construit quelque 700 ans auparavant sur un pic rocheux, dominait alors le village. Nul ne pouvait le surplomber, car le «mouqaddem» devait être installé plus haut que ses sujets. C’était la coutume. Au fil des années, et après l’incendie qui en a ravagé les deux vieilles bâtisses en 1860, le palais des Mezher s’est agrandi et une troisième aile a été construite. Cependant, aucun document ne le montre, tel qu’il avait été bâti à l’origine. Aujourd’hui, chacune des trois ailes a son cachet propre. Mais on y accède par une même cour et une même porte principale, sur laquelle sont gravés deux lions enchaînés, les armoiries de la famille. Sur les pas de Lamartine Les traces du passé sont cependant nettes, telles que décrites par Lamartine : « Le château du cheikh de Hammana surpasse en élégance, en grâce, en noblesse tout ce que j’avais vu dans ce genre, depuis le palais de l’émir Béchir à Deir el-Qamar. On ne peut le comparer qu’à un de nos plus merveilleux châteaux gothiques du Moyen Âge, tels du moins que leurs ruines nous les font concevoir, ou que la peinture nous les retrace. Des fenêtres en ogive décorées de balcons, une porte large et haute surmontée d’une arche en ogive aussi, qui s’avance comme un portique au-dessus du seuil... ». Dans les appartements du «moqaddem» Rachid Mezher, les traces du passage de Lamartine sont, elles aussi, bien mises en valeur : au mur, la médaille à l’effigie du poète offerte par l’ambassadeur de France, en 1933, à l’occasion du centenaire du passage du poète, sur laquelle est gravé: «Ici habita Lamartine en mars 1833». Sur une table, la première édition du livre de Lamartine qui fut envoyé aux Mezher dès sa publication. D’une bâtisse à l’autre, d’une pièce à l’autre, des armes anciennes ayant appartenu à la famille, des meubles appartenant au passé, un fourneau d’époque en fonte, ou un vieux chiffonnier qui servait aussi de lavabo témoignent d’un mode de vie à l’ancienne, aujourd’hui oublié. Les maîtres des lieux ont désormais des occupations professionnelles : le «moqaddem» Rachid Mezher est juge et sa cousine Zeina, consultante en affaires internationales, travaille dans un organisme mondial. Mais la famille n’en reste pas moins une référence politique et sociale, et les différentes ailes du château, désormais leur résidence d’été, sont ouvertes aux visiteurs, curieux de s’imprégner de ce passé glorieux. Il est difficile de quitter ce palais et ses bâtisses si différentes sans avoir envie d’en savoir plus. Mais les souvenirs se sont estompés. Seules les pierres semblent avoir gardé les traces du passé. Peut-être l’histoire fera-t-elle un jour revivre quelques événements traversés par cette famille. Activités, sports et lecture pour les jeunes La flânerie se poursuit entre les habitations. Au milieu des dédales, les escaliers conduisent à une vieille église maronite, Mar Romanos, la plus vieille de Hammana. Bâtie en 1732, en pierre de taille brute, caractérisée par un plafond de pierres en arc d’ogives, elle a été agrandie au XIXe siècle et s’est vue par la suite dotée d’une coupole et d’une horloge. Elle a été restaurée en 1999. Au même titre que son palais et sa vieille église, Hammana tire une grande fierté du couvent du Bon Pasteur, classé monument historique par la Direction générale des antiquités. Cette ancienne filature est transformée en couvent en 1894, lorsque les sœurs de la congrégation du Bon Pasteur s’installent à Hammana. Des orphelines y sont alors hébergées. Au fil des siècles, les constructions s’ajoutent et les activités se diversifient. À la pierre brute ancienne s’ajoute une pierre de taille plus raffinée, plus travaillée, ainsi que des préaux en ogives. Les jeunes filles du village viennent y apprendre la couture. Le catéchisme est aussi enseigné le dimanche aux enfants des villages avoisinants. Aujourd’hui, outre les activités qu’elle propose aux enfants du village, la congrégation prend soin des mères célibataires et des jeunes délinquantes. Dans le jardin du couvent, une Vierge miraculeuse veille depuis plus d’un siècle sur les pensionnaires du couvent. Retour au présent, sur la place du village. Non loin de là, cafés-trottoirs, restaurants et centres d’attractions pour jeunes et moins jeunes accueillent les touristes du Golfe, dont un certain nombre ont choisi Hammana pour destination. Ils préfèrent le calme de ce village vert à l’agitation de Aley et de Bhamdoun. Ici et là, des enfants jouent, avec leurs parents, au billard ou à divers jeux électroniques. Une bibliothèque municipale de 9500 ouvrages, dans les trois langues, est même mise à la disposition des habitants et des visiteurs. Elle a été offerte à la localité par un citoyen de Hammana, Claude Michel Zoghzoghi, et porte le nom du défunt Najib Abou Haïdar, ancien ministre et maire de Hammana. Mais Hammana la verte n’entend pas s’arrêter là. Les idées ne manquent pas pour transformer ce village encore ignoré des visiteurs en un lieu de villégiature prisé autant des touristes du Golfe que des Libanais. Les belles falaises qui surplombent le village, la rivière qui en jaillit sont désormais exploitées par des professionnels de la montagne et de la randonnée, Lebanese Adventure, dont l’un des organisateurs, André Béchara, originaire du village, est soucieux d’initier les amateurs de sensations fortes, petits et grands, aux joies du camping, de l’escalade, du rappel et du canyoning. Ces activités sont désormais centralisées à partir de l’hôtel Chaghour Hammana qui rouvre ses portes ce week-end, après de nombreuses années de fermeture. Hammana a tout pour séduire. Il ne manque plus que les vacanciers et les promeneurs pour rendre à ce village bien libanais l’âme que la guerre et la destruction lui ont trop longtemps confisquée. Anne-Marie EL-HAGE Comment arriver au village Hammana est situé au centre du Liban et culmine à 1230 mètres d’altitude. À 30 kilomètres de Beyrouth, 7 km de Aley et 16 km de Chtaura, le village est facile d’accès. À partir de Beyrouth, la route la plus rapide est celle de Damas, qui passe par Jamhour, Aley et mène à Hammana, à travers la nouvelle autoroute de Damas, ou à travers Sofar et Mdeirej. Il est aussi possible de s’y rendre par Monteverde, en prenant la route de Qortada, Ras-el-Metn et Deir el-Harf, avant d’atteindre Hammana. Pour le retour, ceux qui se rendent au Metn, à Baabdate ou Broummana peuvent emprunter la route de Falougha, un village célèbre pour ses fontaines, la porte de sa municipalité, qui date de la période ottomane, et qui est aujourd’hui classée, ainsi que ses vieilles églises. Un passage à Salima s’impose, avant de rejoindre Aarbanyé puis Baabdate. Le sérail et la place d’armes datent du XVIe siècle, mais ont souffert de la guerre. Quant au village, il regorge de demeures traditionnelles, de fontaines, de magnaneries et de vieilles églises. On y trouve même un sanctuaire druze. Encore peu habité et marqué par la destruction et l’exode, le village de Salima a fait l’objet d’études de l’Apsad et de Patrimoine sans Frontières. Il est préférable de s’y rendre en compagnie de personnes du village, afin d’avoir accès aux sites intéressants. Le défi d’Antoine Yammine, président de la municipalité Redonner à la localité sa place touristique d’antan Antoine Yammine est à la tête de la municipalité de Hammana depuis tout juste un mois et demi. Les projets se bousculent dans sa tête pour le développement de son village. Il y a tant à faire pour que Hammana la verte reprenne sa place d’antan comme centre de villégiature. Les souvenirs de la guerre, de la destruction, des déplacements de population sont si difficiles à effacer des mémoires collectives dans ce village à majorité chrétienne, qui n’a pourtant vécu ni massacres, ni exode de masse. La cohabitation est d’ailleurs chose naturelle, aujourd’hui, entre chrétiens et druzes du village. Certes, près de 9000 Libanais y habitent, actuellement, durant l’été, alors qu’environ 10000 touristes du Golfe, principalement des Koweïtiens, y ont élu domicile, pour la saison estivale. «Mais cela ne suffit pas, remarque Antoine Yammine. Ces touristes passent la nuit à Hammana mais se rendent, les journées et les soirées, à Bhamdoun ou Aley». «Notre but, précise-t-il, est de développer l’infrastructure touristique du village afin d’encourager les visiteurs à y passer plus de temps». Une infrastructure qui doit prendre en considération le zoning qui limite la construction, protégeant ainsi le village du béton et des immeubles qui gâchent le paysage. Outre les travaux de réfection des trottoirs, de l’éclairage et du traçage des routes, M. Yammine met ses espoirs dans le projet de restauration du vieux souk du village et se démène pour encourager certaines entreprises de restauration rapide à s’installer sur la place de Hammana. Il espère aussi voir son village devenir le siège des municipalités de la région. «Nous tentons, par la même occasion, ajoute-t-il, d’effectuer un jumelage entre Hammana et Kuweit City». Un jumelage qui, attirant les investissements koweïtiens, pourrait être une manne financière pour ce village touché par la crise économique, tout en donnant aux Koweïtiens des avantages qui les encourageraient à y investir. Désireux de voir les propriétaires des hôtels, restaurants et cafés de la région du «Chaghour» rouvrir leurs portes et investir de nouveau dans ces entreprises touristiques autrefois très prisées, Antoine Yammine est conscient que désormais la restauration ne suffit plus, à elle seule, à attirer les visiteurs. «Les touristes arabes recherchent des occupations et des loisirs agréables et bien aménagés pour leurs enfants», dit-il. Saluant le projet d’écotourisme qui renaît dans la région, exploitant les falaises et le fleuve, grâce à des initiatives privées, il espère, parallèlement, avoir la possibilité de mettre en place un téléphérique, ainsi qu’un club sportif. «La volonté de retour existe, mais elle ne se matérialise pas encore, car les fonds manquent, déplore-t-il. Et pourtant les investissements sont souvent la condition sine qua non de la réussite». A.-M.H Pour en savoir plus Hammana vient de l’araméen et signifie le temple. Des vestiges d’un temple ont d’ailleurs été retrouvés à Hammana, dont les pierres ressemblent, en grandeur, à celles des temples de Beit-Méry, Niha ou Baalbeck. Pour en savoir plus sur ce village libanais, son histoire, ses sites, sa population, vous pouvez consulter l’ouvrage écrit en arabe par Albert Amine Béchara, Hammana, aujourd’hui et à travers l’histoire. Où loger et se restaurer Les hôtels rouvrent progressivement leurs portes à Hammana. Aujourd’hui, deux hôtels d’une soixantaine de chambres accueillent les touristes: l’hôtel Hammana Plaza et l’hôtel Valley View. Dès le week-end prochain, le Chaghour Hammana, adoptant la formule B&B, rouvrira ses portes, organisant des activités, à travers Lebanese Adventure, aux adeptes de camping, de randonnées, d’escalade et de canyoning. Quelques restaurants et cafés proposent des snacks ou des mezzés libanais, notamment Amaretti Café, Sidewalk, Kasr el-Wadi et Aïn el-Hassa, alors qu’une boîte de nuit, le Blue Gate, attire la jeunesse jusqu’à une heure avancée de la nuit.


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