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Actualités - OPINION

Une élection toujours conditionnée, à des degrés variables, par les facteurs extérieurs

Quand Bush rejette l’ingérence, on l’en accuse ! Des ministres, des députés, des partis s’élèvent contre les propos du président américain au sujet du Liban, et de sa présidentielle, les qualifiant d’inadmissible immixtion dans les affaires intérieures du pays. Ce déchaînement amuse un ancien ministre. Pour qui les protestataires en question oublient, ou font semblant d’oublier, qu’à cause de son statut géopolitique de plaque tournante, le Liban a toujours fait l’objet de pressantes attentions étrangères. D’où des interventions, des manœuvres, régionales ou internationales, lors de chaque présidentielle. À une seule exception près : la compétition Frangié-Sarkis en 70. Cependant, souligne cette personnalité, au cours de la première période d’indépendance, l’échéance dépendait de l’élément libanais à 80 %, le reste se partageant entre influences occidentales rivales, britannique et française essentiellement. Puis, à partir de Foster Dulles, les Américains ont remplacé les Anglais. Et, pratiquement, les Égyptiens de Nasser ont supplanté les Français. Le régime Chéhab, on le sait, a été le fruit d’un accord entre Washington et Le Caire. Grâce à cet apport des puissances extérieures, le général l’a emporté face à un Raymond Eddé nettement plus populaire. Qui l’a forcé d’ailleurs à aller à un second tour, pour gagner avec un écart faible de voix. Ce qui était d’autant plus remarquable, en termes d’indépendance d’esprit des députés, que la VIe Flotte US mouillait alors au port de Beyrouth. La libanité du scrutin, si l’on peut s’exprimer ainsi, restait encore respectable. Un souci d’autonomie qui s’est encore traduit, sur un plan tout à fait intérieur, par la contestation acharnée d’une minorité active, notamment au niveau de la rue chrétienne, du projet de renouvellement du mandat Chéhab. Les loyalistes qui y avaient intérêt avaient réussi à embrigader 74 députés sur 99. Pour une motion réclamant la reconduction. Mais, outre que le principal intéressé n’était lui-même pas désireux de rempiler, les décideurs américains et égyptiens ne voulaient pas d’un deuxième bail. Il faut rappeler que le patriarche Méouchy s’était rendu auprès du président Kennedy pour l’inciter à s’opposer à la reconduction. Au nom du respect de la démocratie et de la Constitution. Une position qui avait fait dire à Chéhab, en privé : « Comment pourrais-je accepter le renouvellement quand le patriarche des maronites s’y oppose ? » Entendre comment s’accrocher au pouvoir quand sa propre communauté ne le suit pas. Aujourd’hui, le ministre Khalil Hraoui se réfère à ce précédent pour souligner que les objections du patriarche Sfeir relèvent des principes nationaux toujours défendus par Bkerké. Toujours en 64, pour atténuer leur déconvenue, les chéhabistes-nahjistes avaient tenu congrès au Carlton pour préélire Charles Hélou. Dont le régime, espéraient-ils, serait un fidèle prolongement de celui de Chéhab. Cela n’a pas été le cas, et les chéhabistes ont par la suite soupçonné Hélou d’avoir encouragé la formation du Helf tripartite qui devait leur infliger une cuisante défaite électorale en 68, dans le Mont-Liban, tandis que les centristes marquaient des points ailleurs. Ce qui a débouché deux ans plus tard sur l’élection, à une voix de différence, de Sleiman Frangié, leader du centre, face à Élias Sarkis. Six ans plus tard, en pleine guerre, ce dernier a accédé à la présidence. De nouveau grâce à une entente entre les Américains et les Syriens. René Moawad, de son côté, avait été élu en base d’un accord syro-américano-arabe, dans la foulée de Taëf. Élias Haroui, puis Émile Lahoud, ont été soutenus par la Syrie, sans objection américaine. Le système d’entente bilatérale entre grands électeurs avait culminé en 88, avec le choix de Mikhaïl Daher. Mais par un paradoxe de l’histoire, le plan, pour une fois, n’avait pas marché. Malgré les pressions, les menaces même, de l’émissaire US, Murphy, qui avait affirmé que, laissés à eux-mêmes, les Libanais plongeraient dans le chaos. Tout ce rappel explique pourquoi on peut s’étonner des vertueuses protestations des loyalistes d’aujourd’hui contre une prétendue ingérence américaine. L’ancien ministre cité se demande, toujours sur le même ton amusé, que diraient ces mêmes voix si, au cours du dialogue syro-américain annoncé pour bientôt, les deux parties devaient s’entendre, encore une fois, sur la présidentielle libanaise. Émile KHOURY

Quand Bush rejette l’ingérence, on l’en accuse ! Des ministres, des députés, des partis s’élèvent contre les propos du président américain au sujet du Liban, et de sa présidentielle, les qualifiant d’inadmissible immixtion dans les affaires intérieures du pays. Ce déchaînement amuse un ancien ministre. Pour qui les protestataires en question oublient, ou font...