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Actualités - OPINION

Réfugiés - Le Liban manque d’appuis efficaces L’Europe aussi semble favoriser l’implantation

Sans trace d’ironie dans la voix, un diplomate européen se demande si le rejet libanais unanime de l’implantation se suffit à lui-même pour écarter ce danger. Surtout quand les Israéliens se montrent tout aussi unanimes pour refuser le retour. Tandis que l’État palestinien, censé accueillir les déplacés ou leur délivrer des passeports en règle, connaît une gestation problématique. Il y a une dizaine de jours, l’Union européenne pressait le Liban de mieux assurer les besoins humanitaires ou d’habitat des réfugiés palestiniens. De prendre des mesures pour améliorer la satisfaction de leurs droits et leurs conditions sociales. Afin, soulignait le communiqué de l’UE, de ne pas les précipiter dans le désespoir et l’extrémisme. Cette démarche européenne est la première du genre. Elle semble tacitement favoriser l’implantation. Ce qui constitue en soi une évolution préoccupante de la position européenne. Qui, auparavant, se contentait de prôner une solution au problème des réfugiés, source à son avis de troubles et de terrorisme, sans préciser d’option concrète. Mais en estimant que le respect du droit de retour consacré par la résolution numéro 194 de 1948 permettrait d’atténuer les causes de crises et de radicalisme dans la région. En priant récemment le Liban de faire des efforts sensibles pour relever les conditions de vie des réfugiés palestiniens, l’Europe a tout l’air de l’inviter à les garder. Et à se faire à l’idée qu’ils vont rester à sa charge. Tout en laissant entendre, pour faire bonne mesure, que l’implantation permettrait d’atténuer la désespérance et ses corollaires. Dont l’extrémisme et le terrorisme. L’écho US À Beyrouth, on accueille avec une sourde inquiétude cette nouvelle orientation européenne. Qui se rapproche des vues américaines ou canadiennes. On sait en effet que Washington pense, depuis longtemps, qu’il faut en grande partie implanter les Palestiniens, avec indemnisation à la clé pour eux comme pour les pays d’accueil. Des milliards de dollars ont été proposés au Liban à cette fin. Mais il a toujours refusé. Parce que sa stabilité politique ou socio-économique ainsi que ses équilibres démographiques n’ont pas de prix. Il lui a également été proposé une solution dite médiane : il accepterait de garder un groupe de quelque 150 000 réfugiés vivant en majorité hors des camps ou ayant des conjoints libanais, le reste se trouvant réparti sur d’autres pays, arabes et étrangers. Mais même cette formule allégée n’est pas admissible pour un pays aussi composite et aussi petit, dont les coutures sociopolitiques craqueraient bien vite sous la pression. La diplomatie US, consciente du fait que le Liban est dans son bon droit, ne lui demande pas de renoncer à rejeter l’implantation. Mais l’invite à ne pas se mêler du traitement de la question, à ne plus insister sur le droit de retour. Qui est hors de question pour Washington. Les Américains estiment que le Liban a le droit de tenter de se protéger du danger de l’implantation. Mais pas du tout celui d’exiger le retour des Palestiniens à leur terre d’origine, du moment qu’il se verrait soulagé lui-même d’une grande partie de sa charge, expatriée et installée ailleurs. En ajoutant cette subtilité menaçante: si le Liban s’obstine à ne vouloir d’autre solution que le droit de retour, il risque de ne plus se voir déchargé d’une partie de ses réfugiés. Et il aura contribué lui-même à implanter l’implantation ! Commentaires libanais – À Genève, lors d’un récent forum sur la lutte contre la discrimination raciste, certaines organisations non gouvernementales ont essayé d’établir un lien entre ce problème et la situation des réfugiés palestiniens. La délégation libanaise a contré cette tentative d’amalgame. En soulignant d’abord que la question des réfugiés est de nature politique. Ensuite qu’au Liban, il n’existe aucune forme de discrimination raciale ou ethnique. La délégation a réaffirmé que la solution réside dans le droit du retour, non dans l’intégration des réfugiés par naturalisation. Ajoutant qu’il serait contradictoire de réclamer la création d’un État palestinien souverain en le privant de ses ressortissants expatriés par l’implantation ou la naturalisation. – Retour à la position européenne. Karim Pakradouni relève en substance, dans un article de presse, que l’Europe subit après le 11 septembre et la guerre en Irak des pressions US croissantes. Ce qui l’a amenée à modifier certaines de ses vues pour réduire le risque de divorce d’avec les États-Unis. Pour le ministre du Développement administratif, le Vieux Continent n’en peut mais, politiquement. Tandis que le président américain, qui paraît acculé (électoralement), multiplie les pressions (sur l’Europe notamment) pour se gagner les faveurs de l’électorat israélite dans la présidentielle. Pakradouni se montre cependant optimiste. L’unanimité des Libanais et des Palestiniens, le soutien de la Syrie garantissent à ses yeux que l’implantation n’aura pas lieu, quelles que soient les pressions US ou les positions européennes et internationales. Le ministre conseille enfin au sommet de Tunis d’approcher l’Europe pour l’amener à appuyer les résolutions arabes du sommet de Beyrouth, notamment au sujet du rejet de l’implantation. – De son côté, le député Nehmetallah Abi Nasr, champion de la lutte contre le décret des naturalisations de 1994, met en garde contre l’implantation camouflée derrière le paravent des droits civiques ou sociaux des réfugiés palestiniens. Il pense que si la paix régionale se conclut sans consacrer le droit de retour, ce qui lui paraît probable, le traitement du problème prendrait des dizaines d’années. Le parlementaire explique que si la Constitution libanaise rejette l’implantation dans son préambule même, c’est essentiellement pour des raisons humanitaires. Autrement dit, que le Liban, économiquement accablé, n’est tout simplement pas en mesure de faire vivre dignement, à jamais, les réfugiés palestiniens qui lui resteraient sur les bras. Or, dans le mémorandum remis lors des pourparlers de 1992 aux autorités libanaises par les délégués palestiniens (Salah Salah et Fadl Chrour), on trouve ces exigences : droits égaux à ceux des travailleurs libanais pour les réfugiés palestiniens, en matière de salaires, de sécurité sociale, d’allocations-maladie, d’indemnités de fin de service, de pensions de retraite ; droit d’exercer des professions libérales comme la médecine, l’ingénierie, le barreau ou la presse ; droit d’activités syndicales, etc. Bref, l’intégration, l’implantation dans toute sa splendeur. Émile KHOURY


Sans trace d’ironie dans la voix, un diplomate européen se demande si le rejet libanais unanime de l’implantation se suffit à lui-même pour écarter ce danger. Surtout quand les Israéliens se montrent tout aussi unanimes pour refuser le retour. Tandis que l’État palestinien, censé accueillir les déplacés ou leur délivrer des passeports en règle, connaît une...