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Vie universitaire - L’ancien chef de l’État a donné une conférence à l’USJ sur « la liberté et la tolérance » Amine Gemayel s’élève contre les projets d’État religieux au Liban

L’ancien président de la République Amine Gemayel a dressé un constat affligeant du Liban actuel, qu’il a placé sous le signe de la « tolérance », loin du Liban de l’indépendance, qui avait été fondé, selon lui, sur le principe de la « liberté de croyance ». C’est sur cette dualité entre la liberté et la tolérance que l’ancien chef de l’État a axé son intervention, mardi soir, au campus des sciences sociales de l’USJ, rue Huvelin. L’occasion pour lui de dénoncer, dans un style ferme, la tutelle syrienne sur le Liban, les abandons de souveraineté par l’État en faveur de la Résistance islamique, ou encore le projet de l’Isesco, l’Unesco islamique. Le président Gemayel est tout de suite entré dans le vif du sujet, en évoquant le cas de la municipalité de Beyrouth. Il a dénoncé la « loi inique, qui ne permet pas de représenter tous les Beyrouthins ». « Le chef du gouvernement promet de nous assurer une représentation au niveau chrétien. La position de M. Hariri s’inscrit dans le cadre de la tolérance », a-t-il indiqué. Amine Gemayel a ensuite expliqué qu’à partir d’une comparaison entre le Liban d’hier et celui d’aujourd’hui, il est possible de comprendre « l’effondrement du pays à tous les niveaux ». « Hier, la liberté de croyance était absolue. Aujourd’hui, le citoyen doit la réclamer aux responsables, qui ne la lui donnent plus que par charité, par esprit de tolérance. » L’ancien président évoque l’État du Grand Liban et la Constitution de 1926, qui proclame, dans son article 9, que l’État n’a pas de religion et respecte toutes les communautés. L’entité libanaise, dit-il, a été formée sur ce principe, ce qui constitue « une révolution culturelle, politique et sociale ». « Ce sont les chrétiens, à commencer par les maronites, qui sont à l’origine de cette innovation dans la région », précise-t-il. Et pour cause, explique-t-il, les chrétiens étaient autrefois considérés comme des « dhimmis ». Ils dépendaient par conséquent du degré de tolérance et du bon vouloir de l’État islamique. « Au lieu de répondre à une entité religieuse par l’édification d’une autre entité religieuse, ils ont préféré œuvrer pour un État dont la seule religion serait le respect de toutes les religions, dans le but de mettre l’accent sur le fait que la liberté de croyance ne saurait être limitée par la tolérance des gouvernants », a-t-il indiqué. Dans la Constitution de 1990, ce principe de liberté de croyance est consacré dans le préambule. « Même si nous avons des réserves vis-à-vis de Taëf, notamment en ce qui concerne l’absence de garanties permettant au Liban de redevenir une patrie pour tous ses fils », souligne M. Gemayel. Mais quelle déception pour ceux qui ont misé sur l’entité libanaise symbole de la liberté de croyance, et tout particulièrement les chrétiens : « L’État fondé sur la liberté de croyance n’est plus qu’un ensemble de symboles, de rites et de phénomènes d’apparences, notamment pour ce qui est de la souveraineté et de la libre décision », précise-t-il. Ici, Amine Gemayel dénonce les violations de la souveraineté par la Résistance palestinienne, puis par l’État syrien « ou plutôt le régime syrien, qui s’est installé au Liban par l’intermédiaire d’une logique révolutionnaire. Aussi nomme-t-il tous les gouvernants et la plupart des parlementaires ». « Par ailleurs, la Résistance islamique a pris la place de l’État et de l’armée sur le front le plus important et le plus dangereux (...) », a-t-il indiqué. « Loin d’appliquer la Constitution libanaise, qui est toujours suspendue, cette force applique ses propres lois et ses propres croyances », a-t-il ajouté. « Sans oublier le pouvoir. Il n’est pas exagéré de dire que le pouvoir créé par Taëf, et qui ne cesse de se régénérer, s’est formé de manière révolutionnaire, à l’encontre des principes mêmes de l’accord. Qu’est-ce que le coup d’État sinon cela ? » a souligné Amine Gemayel. L’un des problèmes, selon l’ancien président, est que l’on n’est toujours pas d’accord sur la finalité du Liban : « La convivialité n’est pas la réponse. Le Liban n’est pas le seul pays de la région où règne la convivialité. Mais, dans ces pays, il s’agit d’une convivialité à l’ombre de la tolérance, concédée par l’État religieux. Seul le Liban fait le lien entre convivialité et liberté de croyance totale, et tout ce qui en découle : liberté d’expression, de manifestation, de rassemblement, artistique... » Et de poursuivre : « Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, les partis qui ont toujours défendu l’entité libanaise sont maintenus à l’écart du pouvoir et si les courants qui se sont opposés à l’existence du Liban sont aux premières loges. Ce n’est pas non plus un hasard si l’opposition est à majorité chrétienne, et si certains de ses symboles sont en prison ou en exil. Ce n’est pas un hasard si l’opposition “de droite” se retrouve aujourd’hui avec la gauche radicale. À un certain moment, les deux parties ont failli se retrouver au sein d’une opposition unique, d’une résistance politique, mais le pouvoir a réagi en faisant échouer la journée des libertés au syndicat de la presse. » Le président Gemayel s’en est pris ensuite au projet de loi sur l’Isesco, « comme si l’État libanais était devenu un pays islamique », avant de se déchaîner à nouveau contre le Hezbollah. Sans contester les efforts réalisés par la Résistance, l’ancien président s’est interrogé sur la vision qu’a le Hezbollah de l’État libanais : « Est-il pour l’absence d’une religion d’État ou en faveur d’un État islamique ? » S’opposant aux vieilles doctrines de « sécurité de la société chrétienne au-dessus de toute considération », il s’en est pris à ceux qui prônent une « fausse modération sous le prétexte de préserver la présence chrétienne ». « Le but d’un tel discours est d’accéder à des postes », a-t-il souligné, précisant que « ces deux solutions ne protègent pas la société chrétienne ». La solution, d’après lui, est l’édification d’un État laïque pour que le Liban puisse exister face à Israël, autre État religieux. « Comment les Libanais pourront-ils se défendre s’ils ne s’entêtent pas à lutter pour un État laïque ? » fondé sur la séparation de la religion et de l’État, sur le respect des droits de l’homme et de la femme, et sur la démocratie et la citoyenneté, s’est-il enfin demandé.

L’ancien président de la République Amine Gemayel a dressé un constat affligeant du Liban actuel, qu’il a placé sous le signe de la « tolérance », loin du Liban de l’indépendance, qui avait été fondé, selon lui, sur le principe de la « liberté de croyance ».
C’est sur cette dualité entre la liberté et la tolérance que l’ancien chef de l’État a axé son...